10/10/1999: Le cas Pinochet : un pas de plus vers la fin de l’impunité des dictateurs.

Le feu vert britannique à l’extradition de l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, quatre mois après l’inculpation du président yougoslave Slobodan Milosevic pour crimes contre l’humanité, apporte de l’eau au moulin des partisans de la fin de « l’impunité des puissants ».

A contrario, l’affaire Pinochet, et le poids acquis par les tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPI) ou le Rwanda (TPR), pourraient aussi « effrayer » les Etats réticents à ratifier les statuts de la future Cour pénale internationale (CPI) de l’ONU, selon certains experts.

L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International a salué vendredi dans l’autorisation d’extrader vers l’Espagne Augusto Pinochet l’entrée des « droits de l’homme dans une nouvelle ère ».

Le haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme, Mme Mary Robinson, s’est réjouie d’un « message clair »: « ceux qui commettent, ordonnent ou tolèrent la torture ne peuvent plus être sûrs de jouir d’une retraite tranquille ».

Elle a affirmé sa conviction que le cas Pinochet « renforce la nécessité que les Etats ratifient le statut de la Cour pénale internationale », appelée à juger crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides.

Un an après son adoption en 1998 à Rome, le traité instituant la CPI n’a été ratifié que par une poignée d’Etats. Au moins 60 ratifications sont requises pour que cette cour, dont le siège sera à La Haye, puisse voir le jour.

Au même titre que l’inculpation de Slobodan Milosevic devant le TPI — la première d’un chef d’Etat en exercice devant une cour internationale –, les poursuites pour tortures engagées en Espagne contre Augusto Pinochet constituent un précédent.

Cette fois, c’est la juridiction d’un pays qui, pour des crimes contre ses ressortissants, s’en prend à l’ex-dictateur d’un autre Etat souverain.

Justice nationale pour Pinochet, internationale pour Milosevic: à première vue opposées, les deux affaires témoignent pourtant du risque encouru aujourd’hui par les dictateurs d’avoir à répondre un jour de leurs actes.

« Le droit international a indéniablement avancé avec le TPI. Il y a dix ans, l’affaire Pinochet était tout simplement inimaginable », confiait cette semaine à l’AFP le juge français Claude Jorda, président de la 1ère chambre du tribunal de La Haye.

Sur la même longueur d’ondes, Louise Arbour, ex-procureur du TPI et du TPR, à l’origine de l’inculpation fin mai du président Milosevic, estime que la justice internationale a fait « plus de progrès au cours des cinq dernières années que dans les 50 précédentes ».

Pour la magistrate canadienne, « l’impunité des puissants ne fait plus partie du paysage pour le prochain millénaire ». Signe d’une sensibilisation internationale accrue à la question, les appels se multiplient aussi pour demander le jugement des responsables d’exactions au Timor Oriental, ex-colonie portugaise annexée illégalement par l’Indonésie en 1976.

Reste à déterminer cependant la portée réelle d’une « chasse » tous azimuts aux dictateurs et criminels de guerre. « Si le TPI avait été un fiasco complet, on ne parlerait même pas de CPI. Inversement, le fait qu’on a montré que c’était faisable, peut faire peur à certains Etats, d’où la réduction des pouvoirs de la future cour », relève M. Jorda, notant en outre l' »échec complet » du TPI à « prévenir la récidive ».

« C’est une de nos brûlures », souligne-t-il en évoquant la réédition au Kosovo, des atrocités de la guerre en Bosnie.

(A.F.P. du 8/10/1999)