03/02/2000 – « LE FIGARO » – Affaire BORREL : Le témoin réfugié à Bruxelles maintient son témoignage malgré la pression des juges français.

La piste d’un réseau corse qui pourrait être impliquée dans l’assassinat, ce que nous évoquions dans le numéro 18 de LA LIBERTÉ

Extrait du FIGARO du 3 février 2000

DJIBOUTI

Audition tendue à Bruxelles

Les conditions de l’interrogatoire inquiètent la partie civile à Paris

L’instruction menée à Paris sur la mort suspecte du juge .Bernard Borrel à Djibouti, en 1995, fait désormais l’objet d’une polémique dans les milieux judiciaires. Entendu pendant plus de quatre heures lundi après-midi, à Bruxelles, par les juges Roger Le Loire et Marie-Paule Moracchini, l’ancien officier djiboutien Mohamed Saleh Alhoumekani a confirmé, en le précisant, le témoignage qu’il avait livré au Figaro (nos éditions du 11 janvier).

Adjoint à la sécurité de la garde présidentielle à l’époque des faits, M. Alhoumekani accuse l’actuel chef de l’État djiboutien, Isamïl Omar Guelleh, alors chef de cabinet du président Aptidon, d’être impliqué dans l’assassinat de Bernard Borrel. Une version des faits que les autorités djiboutiennes démentent avec fermeté.

Lors de son audition, qui s’est déroulée dans un climat tendu, le militaire a également confié aux magistrats l’identité des deux étrangers présents le 19 octobre 1995 dans les jardins du palais présidentiel, lorsque fut, selon lui, évoquée la mort brutale de Bernard Borrel. Il s’agirait, d’après nos informations, d’un terroriste libanais impliqué dans l’attentat anti-français du café de l’Historil, survenu en 1986 à Djibouti, et d’un homme d’affaires corse.

Devant l’importance de ce témoignage qui remet en cause la thèse officielle du suicide, le juge Moracchini aurait fait preuve d’une grande méfiance, demandant à plusieurs reprises au témoin s’il ne souhaitait pas revenir sur ses déclarations. Le magistrat aurait mis en garde l’ancien officier sur les risques qu’il encourait en maintenant ses accusations sur procès-verbal. Marie-Paule Moracchini envisage de se rendre à Bruxelles dans quelques jours pour procéder à une nouvelle audition du témoin.

Les conditions de cet interrogatoire, auquel assistait un officier de police judiciaire belge, inquiètent la partie civile à Paris et des connaisseurs du dossier à Bruxelles. Hier, les avocats de la famille Borrel, mes Olivier Morice et Laurent de Caunes, se sont entretenus pendant plus d’une heure avec le procureur de Paris, Jean-Pierre Dintilhac. Ils ont évoqué les méthodes des enquêteurs chargés de cette procédure ouverte pour  » assassinat  » depuis plus de deux ans, mettant l’accent sur le peu d’empressement des juges à entendre ce témoin capital, réfugié en Belgique.

Les avocats de la partie civile ont conclu leur entretien en demandant au procureur le dessaisissement des deux magistrats. Pour l’instant, une telle décision n’est pas à l’ordre du jour.  » Il faudrait qu’une plainte soit déposée à Bruxelles pour que les conditions d’un dessaisissement soient étudiées « , précisait-on hier de source judiciaire. Sollicité hier par Le Figaro, Me Luc Cambier, l’avocat bruxellois de Mohamed Saleh Alhoumekani, n’a pas souhaité faire part de ses intentions.

Alexandrine Bouilhet
Le Figaro