06/02/2000 – CONGO / SURVIE: Manifestation réussie à Lyon. Proposition d’une lettre à adresser à M. le Président Jacques CHIRAC.

L’Associaition SURVIE vous propose le modèle d’une lettre à adresser à Monsieur Jacques CHIRAC, Président de la République, au sujet de la situation désastreuse des Droits de l’homme au Congo

Prénom, Nom :
Adresse :

Monsieur Jacques CHIRAC

Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg Saint Honoré
75800 PARIS

, le xxxxxxxxxxx

Monsieur le Président de la République,

Nous vous exprimons par ce courrier, en ce jour où nous manifestons, dans les rues de Lyon, notre désir de paix et de démocratie au Congo-Brazzaville, aujourd’hui en guerre civile, et notre indignation face au rôle funeste qu’a joué la France dans ce conflit tragique. La France est en effet compromise par son soutien diplomatique, militaire et financier à Denis Sassou Nguesso. Or celui-ci a mené une politique de tueries et de viols systématiques, y compris à caractère ethnique, qui relève clairement du crime contre l’humanité.

En 1996, M. Sassou Nguesso était à Paris pour préparer son coup d’Etat. En 1997, il a repris le pouvoir par les armes avec l’aide de ses milices (cobras), de mercenaires (dont des militaires français « retraités », « démissionnaires », voire en congé sans solde) et de troupes étrangères (angolaises, tchadiennes, rwandaises du Hutu power génocideur en 1994…). Ne voulant pas payer ses milices, il les a laissé piller la population. Il a remplacé la constitution par un « acte fondamental » caractéristique d’un régime autocratique.
Depuis décembre 1998, les massacres se sont multipliés, provoquant des dizaines de milliers de morts et la fuite de centaines de milliers de personnes dans les forêts. Beaucoup de ces déplacés sont morts, faute de nourriture et de soins. Même s’il faut se méfier des comparaisons et ne pas exonérer les milices de Pascal Lissouba et de Bernard Kolélas de leurs exactions, les événements placent Denis Sassou Nguesso du coté des Milosevic.

Il ne s’agit pas bien sûr, à travers cette manifestation, de nous prononcer pour l’une des parties en conflit. Chacune d’elle porte sa part de responsabilité dans le drame que vivent les Congolais. Mais nous n’acceptons pas que la France ait soutenu un chef d’Etat autoproclamé, en feignant de croire à la possibilité d’un « passage en force de la démocratie » au moyen du crime contre l’humanité. Nous refusons également à la société Elf la liberté d’organiser des coups d’Etat en Afrique et de financer des régimes en guerre civile qui s’arment jusqu’aux dents.

Nous souhaitons, dans ce qui suit, étayer quelques faits qui justifient nos griefs :

Dès l’automne 1997, les plus hautes autorités de notre pays ont renoué avec le gouvernement issu de la guerre au Congo-B, sans aucune garantie de respect des libertés démocratiques et des droits de l’Homme. A l’automne 1998, l’ambassadeur de France à Brazzaville a fait don à l’armée congolaise de 71 véhicules destinés à transporter des troupes ; en novembre, le ministre de la coopération, Charles Josselin, remettait 500 000 000 francs CFA non remboursables au Congo-B, destinés à relancer la coopération officielle avec Sassou Nguesso. En juillet 1999, Vous auriez même demandé à Michel Camdessus, directeur du FMI, d’intervenir pour que le Congo-Brazzaville soit désormais considéré comme pacifié (d’après La lettre du continent). La logistique de l’armée française en Afrique centrale n’a cessé de livrer des armes à la faction au pouvoir. Mi-1999, d’après la lettre du continent, la France a financé avec l’argent du Fonds d’aide et de coopération (FAC) l’intervention d’au moins 80 officiers et sous-officiers français. De surcroît, une opération officieuse HADES dirigée par deux militaires français « retraités », Marc Garibaldi et Bernard Daviet, aurait recruté 25 sous-officiers français pour encadrer 600 soldats congolais. Le financement serait passé par la banque FIBA – d’Elf – et Omar Bongo (Président gabonais et gendre de Sassou Nguesso). De leur côté, les opposants au régime dénoncent l’intervention de légionnaires français dans le « maintien de l’ordre ».

Une action clandestine directement branchée sur l’Elysée : c’est avec ce genre de scénario que la France s’est retrouvée, en 1994, au cœur de l’apocalypse rwandaise.

Les juges Joly et Vichnievsky, lors d’une perquisition à la tour Elf en 1998, ont saisi des documents (des notes du colonel Daniel, ancien officier des services secrets français) prouvant que les réseaux de Pasqua mettaient en place, déjà en 1991, avec Alfred Sirven (Elf) et le Gabon, des commandos de mercenaires pour renverser la Conférence Nationale Souveraine (CNS qui devait tenter de mener ce pays à la démocratie)… et imposer aux congolais Sassou Nguesso, plusieurs fois rejeté par les urnes.

Toujours prompts à soutenir les pires dictateurs « amis de la France », tant financièrement que militairement ou par du lobbying auprès des institutions internationales, certains réseaux politiques, industriels et militaires ont pillé les ressources du sol africain, déclenché ou soutenu des massacres, instrumentalisé l’ethnisme. Le lubrifiant de ces mécanismes est « l’Aide Publique au Développement » (APD), dont moins de 5% sert à lutter contre la pauvreté. L’APD permet à la France de maintenir en place des dictatures aux abois (aide structurelle), d’amnistier certains détournements des prêts (effacement ou rééchelonnement de la dette), le tout revenant financer nos partis politiques et la corruption via les paradis fiscaux.

Grâce à l’ambiguïté entretenue entre agissements publics ou privés, la France peut ne pas revendiquer sa politique africaine réelle, et laisser faire ces réseaux. Une fois de plus, au Congo-Brazzaville, des réseaux affairistes français, pétroliers, militaires, industriels et politiques, ont bafoué la volonté d’un peuple et méprisé l’indépendance (officielle) d’un pays.

C’est sans doute pourquoi la France :
– ne ratifiera le traité créant la Cour Pénale Internationale qu’en ayant recours à son article 124 (optionnel) lui permettant de décliner la compétence de cette cour en matière de crimes de guerre; à ce jour, aucun autre Etat n’aurait encore eu recours à cet article introduit dans le texte du traité sur l’initiative de la France,
– n’a toujours pas ratifié la Convention internationale de l’ONU contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires adoptée le 4 décembre 1989.

Nous manifestons donc :

– Contre le soutien de la France à un régime criminel au Congo-Brazzaville,
– Pour une solution négociée à ce conflit, pour mettre fin aux souffrances des Congolais,
– Contre la politique actuelle de la France en Afrique et les pratiques d’Elf, « Etat dans l’Etat » en Afrique,
– Pour la transparence des relations franco-africaines et un contrôle international des activités des compagnies pétrolières dans les pays producteurs,

– Contre les guerres secrètes menées avec des (vrais-faux) mercenaires,
– Pour que la France ratifie honorablement les traités mentionnés ci-dessus.

Avec l’appui d’autres pays européens qui se sentent concernés par l’avenir du Congo-Brazzaville, la France a tous les moyens de faire pression pour que le cessez-le-feu de fin décembre 1999 débouche sur un réel retour à la paix et à la démocratie.

En espérant une réception attentive de l’appel que nous lançons, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute condération.

Signature :