14/02/2000 – Affaire BORREL: « du nouveau dans la mort du juge français à Djibouti » Extrait du Parisien Libéré du 14 janvier 2000

LE JUGE BORREL s’est-il suicidé ou a-t-il été assassiné sur ordre du président de la République de Djibouti ?

La polémique autour de sa mort, le 19 octobre 1995, a rebondi avec le témoignage d’un ancien militaire djiboutien réfugié en Belgique. Ex-membre de la garde présidentielle limogé en 1997, Mohamed Saleh Alhoumekani assure avoir assisté à un curieux entretien. Bernard Borrel a été retrouvé mort le 19 octobre à 8 heures, en partie carbonisé dans un ravin à 80 km au nord de la capitale.

Les enquêtes diligentées depuis se sont toutes orientées vers l’hypothèse d’un suicide par immolation. Alhoumekani, lui, affirme que, vers 14 heures, cinq personnes seraient venues au palais de la présidence pour voir Ismaïl Omar Guelleh, alors chef de cabinet du chef de l’Etat et devenu depuis président de la République. Ces cinq visiteurs seraient le directeur de la gendarmerie et celui des services secrets djiboutiens, deux terroristes, Awalleh Guelleh et Hassan Adouani, et, enfin, un Français originaire de Corse.

Guelleh aurait dit au chef de cabinet : « Le juge fouineur est mort, les traces ont disparu. » Mais ce récit se heurte à deux écueils. Le 19 octobre 1995, Awalleh Guelleh et Adouani sont détenus à Djibouti.

Le premier, membre de l’opposition djiboutienne, pour sa participation à l’attentat contre le Café de Paris en 1990 (un mort, cinq blessés). Hassan Adouani, lui, est tunisien. Arrêté après l’explosion d’une bombe à la terrasse de l’Historil, autre café « français », en 1987 (15 morts, 45 blessés), il purge une peine de réclusion à perpétuité.

Mais Alhoumekani affirme que Awalleh Guelleh pouvait sortir de prison pour une nuit et réintégrer sa cellule le lendemain. « C’est invraisemblable, s’insurge Me Szpiner, avocat du président djiboutien. Guelleh et le président sont ennemis jurés. De plus, ce dernier n’avait aucun mobile pour faire tuer le juge Borrel. »

Elisabeth Borrel, elle, soutient que son mari a été assassiné parce qu’il détenait des informations sur l’implication du pouvoir djiboutien dans des dossiers sensibles. Elle accuse les autorités françaises d’avoir aidé les chefs de cette importante base de l’armée française à étouffer l’affaire, notamment en empêchant l’ouverture d’une information judiciaire après les faits.

Or, une instruction pour « recherches de causes de la mort » a été ouverte en février 1996 à Djibouti.

Une seconde est menée d’abord à Toulouse puis à Paris. Il en ressort qu’« introverti, triste et dépressif », le magistrat souffrait de son exil. D’après un ami, il semblait habité les derniers temps « par une souffrance secrète ». Mais une nouvelle expertise a été ordonnée pour tenter de déterminer les causes exactes de la mort du juge. «

L’autopsie, réalisée quatre mois après le décès, dit qu’il n’a pu s’immoler, relève Me de Caunes, avocat de la famille. Il a été brûlé après sa mort. »

E.M.