21/04/2000 – Juge Borrel: la thèse du suicide confortée. La dernière expertise conclut à l’immolation.

Extrait de LIBERATION – Article écrit par KARL LASKE

Le vendredi 21 avril 2000

L’enquête avait rebondi en février, avec l’audition d’un ex-officier djiboutien affirmant que le juge avait été victime d’un commando.

Dans l’enquête sur la mort du juge Bernard Borrel, à Djibouti, en octobre 1995, il y a ceux qui semblent croire résolument au suicide et ceux qui croient dur comme fer au meurtre. Un rapport remis récemment aux juges Marie-Paule Moracchini et Roger Le Loire par la directrice de l’institut médico-légal, Dominique Lecomte, conclut au suicide du magistrat par auto-aspersion d’essence. Une immolation. La dernière expertise en date (30 août 1997), du Pr Lazarini, réalisée à la demande de la partie civile, excluait au contraire une mort consécutive aux brûlures, compte tenu de «l’absence de produits de carbonisation» dans les poumons de Bernard Borrel.

Les experts sont donc divisés. Et ils ne sont pas les seuls. Quand les juges, enclins à croire au suicide, sont allés à Djibouti, début mars, Elisabeth Borrel et ses avocats, partisans de la thèse du meurtre, ont vivement déploré d’être restés en France. C’est que l’enquête avait rebondi, début février, par l’audition d’un nouveau témoin, un ex-officier djiboutien, Mohammed Saleh Alhoumekani. L’ancien membre de la garde présidentielle affirmait avoir entendu l’ancien chef de cabinet du Président – mais actuel président de la République – évoquer les détails de la liquidation du juge français devant ses tueurs. Marie-Paule Moracchini et Roger Le Loire s’étaient donc déplacés pour vérifier les dires de l’officier et visualiser la cour du palais présidentiel, où la réunion de l’après-meurtre aurait eu lieu.

Personne n’imaginait qu’une contre-expertise médico-légale se préparait. Dominique Lecomte, qui a accompagné les juges, fonde son expertise sur l’audition du Dr Nuzzaci, qui a pratiqué l’examen médico-légal après la mort du juge. Il affirme avoir vu sur des radios des traces de carbonisation dans les poumons de Bernard Borrel. Hélas, ces radios ont disparu. Hélas, et très curieusement, l’autopsie n’a pas été faite sur place. Ce n’est qu’en France, en février 1996, qu’elle est réalisée, quatre mois après le décès du juge. Le corps est en mauvais état, mais les médecins ne trouvent pas de suie dans les poumons. Il y a aussi la question des pieds. Ceux de Borrel, retrouvé pieds nus, n’avaient aucune écorchure. S’il s’était promené au bord d’un ravin, avant de s’immoler, il aurait dû en avoir. Début mars, un procureur adjoint a prêté ses pieds à la contre-experte. Il a marché aux bord du ravin, sans égratignure. Ce qui n’est pas une preuve pour autant. L’enquête avance à petits pas.