03/03/02 TRIBALISME CONTEMPORAIN ET GUELLISME (Par Roger Picon)

Le tribalisme,
tel qu’on le perçoit globalement, révèle
une réalité complexe, à la fois culturelle,
idéologique et politique : il puise par principe ses
fondements dans la conscience que l’on a de soi au sein
du groupe identifié auquel on appartient comme étant
la « tribu », à la perception d’appartenance,
à une nécessaire identification sociale et culturelle.

Si l’on
veut schématiser la relation tribu-tribalisme on peut
penser que le tribalisme contemporain, diffère dans son
aspect essentiel du tribalisme coutumier et qu’il est la
conséquence directe d’une exacerbation de «
l’esprit tribal », poussé à son paroxysme,
qu’il exploite comme instrument pour atteindre un objectif
différent.

On peut
donc en déduire que le tribalisme contemporain est un
« fourre-tout fallacieux ».

Il est un
fait que le tribalisme coutumier peut acquérir un sens
supra-tribal et définir une forme de nationalisme, comme
c’est le cas de certaines communautés d’émigrés,
en Europe ou ailleurs.

Dans ce
cas, cette forme de tribalisme au sens élargi peut même
devenir une nouvelle idéologie contribuant à l’existence
et à la nécessaire expression de la « communauté
» constituée qui n’a plus, alors et dans ce
cas, aucun rapport avec un quelconque groupe tribal au sens
originel du terme.

Les conjonctures,
quelles soient coloniales et néo-coloniales, ont généré
de nouveaux tribalismes qui ne se réduisent pas à
la simple adéquation et à la réactualisation
« d’esprits tribaux » antérieurs.

Cette nouvelle
forme de tribalisme devient une configuration particulière
d’expression politique et sociale dont le contexte d’explication
n’est pas exclusivement le passé pré-colonial
mais l’instauration d’un État faussement national
derrière lequel le pouvoir en place va s’abriter.

Ce pouvoir,
pour autant qu’il soit autocratique, tentera ainsi de justifier
auprès du peuple ses propres carences et ses inaptitudes
les plus diverses notamment en matière de gestion de
l’économie et du social, ses violations les plus
diverses aux Droits de l’humain afin d’asseoir son
hypothétique autorité, par les erreurs héritées
de la colonisation.

On attribue
souvent au terme « tribalisme contemporain» un sens
très largement péjoratif.

Il devient
un cadre vide et formel générateur des haines,
des oppositions, des luttes et des « éclatements
tribalistes » au sein d’une même nation.

On constate
donc qu’il va subdiviser l’existant, la tribu, créer
de manière artificielle des entités nouvelles
sans qu’elle soient pérennes dont la forme et la
composition varieront et qui ne fonctionneront qu’à
partir d’autres téléonomies que « le
fait tribal ».

On serait
tenté de penser que le régime politique qui sévit
à Djibouti s’appuie sur un tribalisme dont pourrait
faire preuve Ismaël Omar Guelleh pour assurer la pérennité
de son pouvoir.

Lorsque
l’on y regarde d’un peu près et comme l’on
dit « par le petit bout de la lorgnette » on constate

après
analyse qu’Ismaël Omar n’est pas « tribaliste
».

Loin s’en
faut ! il ne reconnaît aucune autorité et certes
pas les « conseils » que l’ex président
Gouled tente de lui prodiguer…

Comme l’on
dit communément « ça bouge au sein des Issas…
! ».

Ismaël
Omar en est arrivé à faire quasiment l’unanimité
contre lui et le fragile équilibre qu’avait réussi
à maintenir Hassan Gouled depuis l’accession du
pays à l’indépendance risquerait d’être
rompu.

Si l’on
prêtait une oreille qui se voudrait attentive … on
pourrait même entendre le neveu indiscipliné et
« mauvais élève » murmurer dans certains
couloirs de la présidence

«
je n’ai plus besoin de vous les vieux chefs Issas pour
l’instant ….., je tente une manœuvre vers les
Afars bien plus malléables car respectueux de l’autorité
par tradition …or l’Autorité c’est moi
…….. ».

Dans les
faits Ismaël Omar est « Guelliste jusqu’auboutiste
» mais qu’il a toujours eu, jusqu’à ces
dernières semaines, l’art et la manière de
la « manipulation d’à-propos » en utilisant
les « Tribalismes primaires », hérésies
destructrices et d’un autre siècle, sur lesquels
s’appuient certains pour tenter de maintenir leur propre
crédibilité donc leur autorité au sein
de leur tribu ou clan d’appartenance tout en évitant
que l’épée de Damoclès suspendue au
dessus de leur tête ne tombe … avec comme conséquences
les expropriations de leurs biens immobiliers sur Djibouti et
en prime un séjour au centre de « rééducation
psychologique » réputé qu’est Gabode.

Si l’on
voulait y mettre une pointe d’humour on pourrait ainsi
définir ce tribalisme contemporain, façon vieux
routard de la politique locale, comme celui du « Ma poche
nonosse ».

A vouloir
trop se complaire dans la position dite « des fesses entre
deux chaises », l’une d’elles va forcément
se retirer ; c’est ainsi que l’on doit, par évidence
et suivant le principe du polygone de sustentation….,se
casser la figure … à défaut d’autre
chose.

Comment,
dans les conditions actuelles dans lesquelles ils sont doublement
otage, pourraient-ils affirmer l’identification ethnique
comme un instrument de la construction nationale ?

Soulignons
que cette « Construction nationale », leitmotiv
de bons nombres de discours sous l’ère Gouledienne,
ne fut qu’artificielle et ne s’est jamais faite depuis
l’accession du pays à l’indépendance
!.

Si, par
son refus d’un tribalisme contemporain et destructeur,
le regretté Mohamed Djama Elabé avait cette capacité
de Rassembler et de créer une large union, creuset favorisant
cette souhaitée construction nationale, Ismaël Omar
n’en a ni la capacité et certes pas la volonté.

Le tribalisme
contemporain comme le Guellisme sont donc, avant tout, une forme
dépassée et inadaptée de la cohésion
sociale.

«
On ne dirige pas une nation en faisant fuir le peuple autochtone
devant soit mais en le faisant suivre ».

– A l’heure
où le pays est au bord de l’agonie économique
et financière, maintenu artificiellement par des Aides
internationales alors que les bailleurs de fonds insistent pour
que leur soient fournis les « bilans d’exploitation
»… sincères dirait-on … quant à
« bonne utilisation » desdites aides,

– A l’heure
où l’appareil d’État fonctionne «
au jour le jour » et navigue à vue …quasiment
sans visibilité sur le court terme,

– A l’heure
où la Nation djiboutienne se voit volontairement écartée,
dans bien des domaines de la vie quotidienne, par le pouvoir
en place et au profit d’une population en provenance des
états voisins,

– A l’heure
où les Djiboutiens, a fortiori les Djiboutiennes, n’osent
plus accéder à certains quartiers de la capitale
tant l’insécurité y est grande.

– A l’heure
où la Justice politicarde de la Dictature s’est
substituée à la Justice, ce n’est pas un
fait nouveau…, la bafouant au point que l’on peut
arrêter, emprisonner, torturer suivant l’humeur du
moment, incarcérer puis libérer par supposée
« Amitié »…sans qu’il n’y
ait, en aucun moment ou de quelque manière que ce soit,
soupçon de murmure émanant Ministre de tutelle
plongé dans des préceptes de respect de l’Humain
qu’il définissait, en un temps révolu…,
dans le journal la Nation mais dont il n’a plus souvenance
depuis …..

– A l’heure
où la Santé publique n’est plus en mesure
d’assurer le minimum vital dans ses hôpitaux et précipite
les Djiboutiens et leurs enfants dans un état sanitaire
plus que préoccupant,

– A l’heure
où les fonctionnaires, assimilés et les militaires,
sortent de leur situation de « chloroformés »
dans laquelle ils furent maintenus par la menace permanente
et les emprisonnements dans les pires conditions d’incarcération,

– A l’heure
où les partis politiques et les syndicats ont été
clonés pour éviter qu’un débat politique
et démocratique s’instaure dans le pays,

– A l’heure
où certains leaders, ayant vendu leur âme et leur
dignité de Chef, sont à la recherche d’une
nouvelle virginité car ne disposant plus que d’un
soupçon de crédibilité au sein même
de leur clan et notamment auprès d’une jeunesse
exclue de toute décision, ou sans emploi et à
l’avenir plus qu’incertain,

– A l’heure
où les « collaborateurs » les plus circonspects
du pouvoir en place envoient précipitamment leurs familles
en Europe, aux États Unis ou au Canada comme hypothétiques
réfugiés … politiques et aux fins de préparer
un « lieu de repli ».. pour les mois à venir,

– A l’heure
où les Djiboutiens et Djiboutiennes en exil se lèvent
ensemble et se rassemblent pour défendre l’avenir
de leur nation sans tribalisme d’aucune sorte,

on peut
affirmer que le glas de la dictature Guellienne et le tribalisme
contemporain sont en phase finale de la méprisable maladie
qu’ils ont généré puis imposé
par la force à la Nation djiboutienne.

En éradiquant
toute velléitéd’un tribalisme, particulariste
et conservateur, en lui substituant un Nationalisme, tourné
vers l’universalité et le novateur, les hommes et
les femmes qui feront la République de Djibouti de Demain
auront fait un grand pas vers une démocratie moderne
adaptée aux spécificités de la Nation djiboutienne
tout en respectant les Droits de l’homme, de la femme et
de l’enfant.

Roger
Picon.