05/05/02 Lettre ouverte la LDDH pour dénoncer les conditions illégales et arbitraires de maintien en détention des prisonniers politiques.

Le Président

LETTRE
OUVERTE
AU MINISTRE DE LA JUSTICE
CHARGE DES DROITS DE L’HOMME
DU 30 AVRIL 2002.


Monsieur le Ministre,

Permettez-moi,
Monsieur le Ministre, de vous soumettre par cette Lettre Ouverte
toutes les préoccupations des Défenseurs des
Droits de l’Homme qui suivent l’Affaire des prisonniers de
la Force Nationale de Police (FNP) dont la quasi-totalité,
dont douze policiers sont encore en Détention Arbitraire
dans la sinistre prison de Gabode.

Une étude
détaillée sur les Arrêts de la Chambre
d’Accusation suite à l’Appel du procureur de la République
vous permettrait de voir que leurs dossiers sont complètement
vides, et ne pourrait que vous prouver que les douze policiers
de la FNP encore incarcérés à Gabode
demeurent sans Jugement, sans procès en vue, sans le
Droit à la Défense, sans Avocats, que ces douze
policiers demeurent incarcérés par Abus de Pouvoir,
demeurent incarcérés d’une manière illégale
et arbitraire, demeurent incarcérés en Détention
Arbitraire.

Cette
situation inique, cette situation foncièrement arbitraire,
cette situation inadmissible et intolérable, cette
situation doit cesser immédiatement.

C’est
à vous Monsieur le Ministre en harmonie avec le chef
de l’Etat, de mettre fin à cette Affaire, qui dés
le début a été mal ficelée, dés
le début tribalement ciblée, dés le début
soumis à l’imbroglio juridique des manœuvres dilatoires.

Il est
du devoir de tous les Défenseurs des Droits de l’Homme
d’exiger l’application stricte des Lois en vigueur et que
la Justice soit faite sans interférences, en toute
indépendance, avec tous les Droits aux inculpés
bénéficiant la présomption d’innocence.


Monsieur le Ministre,

Afin de
vous permettre d’avoir une vue globale sur cette Affaire du
7 décembre 2000, il est soumis, ci-après, à
votre aimable attention :

1°)
des brefs rappels ;
2°) des commentaires succincts ;


I) Brefs rappels.
L e 7 décembre 2000 : – de 10h du matin à 17h
– manifestations des Forces Armées rapidement réprimées
par les Forces Armées.
Le 13 décembre 2000, par seize (16) mandats de dépôts
du Juge d’Instruction, 15 policiers sont incarcérés
dans la prison de Gabode.

Toutefois, le policier Abdounasser Awaleh Cheick a été
mis sous contrôle judiciaire du 16 janvier 2001, et
son cas ne figure pas dans la liste de l’Ordonnance de transmission
de pièces, c’est-à-dire, en gros,  » son
cas disparaît de la circulation « .

Sans autre
nouveau motif, la Détention provisoire pour enquête
a duré huit mois, huit mois durant lesquels 13 policiers
sont restés incarcérés sans savoir quand
leur procès aura lieu, sans aucune autre information
que celui d’attendre.

Ce n’est
que le 6 août 2001, que la Juge d’Instruction Mme Habiba
Hachim a clôturé son enquête judiciaire
avec et par l’Ordonnance de non-lieu partiel et de transmission
des pièces n°35/00/C du 6 août 2001.

Le procureur
de la République a fait Appel de deux cas, sur les
trois non-lieux fixés par l’Ordonnance sus-mentionnée,
à savoir le non-lieu du Colonel M. A. GOD et le non-lieu
du Commandant F. M. GUELLEH.

Le 20
septembre 2001, le Président Said Abkar (RAP) de la
Chambre d’Accusation prononça l’Arrêt n°
43/01.

Le 24
décembre 2001, par Arrêt n° 154/P/AG/01 rendu
par la Présidente de la Cour Suprême, Mme K.
Abeba, cassant et annulant l’Arrêt n° 43/01 de la
Chambre d’Accusation, tout en renvoyant la cause et les parties
devant la Chambre d’Accusation, pour se prononcer sur le fond
des dossiers du Colonel M. A. GOD et du Commandant F. M. GUELLEH.

Le 11
janvier 2002, le procureur général par Réquisitions
revient complètement sur ses précédentes
réquisitions écrites et verbales, en ces termes
:  » adaptons les faits et les motifs des précédentes
réquisitions  » et ceci sans autres éléments
nouveaux, sans aucune autre cause nouvelle ( en annexe le
texte intégral des réquisitions du 11 janvier
2002 du PG.) .

Le 29
janvier 2002 par Arrêt n° 05/02 la Chambre d’Accusation
s’est prononcée une deuxième fois sur l’Appel
du procureur de la République.
( commentaires succincts ci-après).

Le 28
avril 2002 recevabilité par la Cour Suprême du
second pourvoi du Colonel God et du Commandant Guelleh.

Le 30
avril 2002 la Cour Suprême casse et annule à
nouveau le second Arrêt de la Chambre d’Accusation n°
05 du 29 janvier 2002.

II)
Points de Vue et Commentaires succincts.
Points de Vue.

Il est
de prime abord intéressant de connaître la composition
des Juges membres de la Chambre d’Accusation, car avec un
minimum de recherches dans les procès politiques antérieurs,
au moins depuis 1996, il s’avère très important
de comprendre ou peut-être de mieux pressentir les phénomènes
d’appréhensions à l’égard des prises
de décisions dans le sens de la bonne application des
techniques judiciaires, face à des décisions
judiciaires qui risquent de mettre fin à des procédures
aux facettes politiques, à des procès aux colorations
politiques.

Mais que
faire, si des hommes et des femmes n’arrivent pas à
se débarrasser des phénomènes de rejet
par peur, si des hommes et des femmes n’arrivent pas s’en
sortir des phénomènes de refus ou d’incapacité
à exercer librement leur profession face à une
politique de répression, face à une politique
foncièrement et sournoisement dictatoriale ?

Certes,
il est vrai que les cas du Juge Zakaria et de Maître
Aref sont encore très douloureusement ancrés
dans nos mémoires ;

Certes,
ces deux cas douloureux doivent encourager tous les Décideurs,
de bonne foi, à se mobiliser afin de maîtriser
cette peur ;

Certes,
il est primordiale est urgent d’entamer nous tous ensemble
le même combat pour le respect des Droits fondamentaux,
de se battre au quotidien pour une Justice totalement indépendante,
pour l’effectivité de l’Etat de Droit en République
de Djibouti ;

Certes,
il est louable de constater de temps à autres, que
des Décisions prises au quotidien vont, inéluctablement,
dans le sens d’une Justice impartiale, d’une Justice équitable,
d’une Justice totalement indépendante ;

Certes,
Il est urgent et impératif à faire confiance
aux hommes et aux femmes qui décident, à faire
confiance aux hommes et aux femmes qui jugent en leur âme
et conscience. A leur faire confiance, les encourager pour
une meilleure Justice.

Commentaires
succincts.

Ces commentaires
portent essentiellement sur les deux Arrêts de la Chambre
d’Accusation.

a)
Composition de la Chambre d’Accusation.

Chambre
d’Accusation du 20 septembre et du 20 octobre 2001
PRESIDENT: M. SAID ABKAR (RAP)
CONSEILLERS: M. MOHAMED WARSAMA ( Président de la Cour
d’Appel)
Mme ZENOUBA SAID

Chambre
d’Accusation du 29 janvier 2002
PRESIDENT: M. SAID ABKAR (RAP)
CONSEILLERS: M. MOHAMED WARSAMA ( Président de la Cour
d’Appel)
M.EMILE DAVID

b)
Comparaison du contenu de ces deux Arrêts.

Ces deux Arrêts se structurent en cinq parties : l’Exposé
des Faits, la Procédure, les Renseignements, les Motifs
de la Décision, et les Décisions.

En procédant
par collation, on s’aperçoit que : l’exposé
des faits, les renseignements, et les Décisions sont
strictement les mêmes pour les deux Arrêts.

La seule
différence entre la Procédure des deux Arrêts
est tout simplement que le second Arrêt a ajouté
les trois paragraphes suivants :

–  »
Par arrêt n°) 43/01 du 20 septembre 2001, la Chambre
d’Accusation a déclaré l’appel du procureur
de la République recevable et a renvoyé les
inculpés devant la Cour Criminelle.

– Par
arrêt n°) 154/P/AG/01 du 24/12/01, la Cour Suprême
a renvoyé la cause et les parties devant la Chambre
d’Accusation.

– Par
réquisitions écrites du 11/01/2002 le Procureur
Général a requis le renvoi des accusés
devant la Cour Criminelle.  »

Quant
aux Motifs de la Décision, c’est vraiment le comble,
rien, mais vraiment rien de nouveau, c’est complètement
vide, vide, vide et vide. On a l’impression de l’utilisation
du procédé  » copier-coller « .

Ces Motifs
de la Décision ne font que reprendre cas par cas tous
les faits reprochés et déjà précisés
dans l’ordonnance du 6 août 2001, tous les faits reprochés
en reprenant tous les cas, alors que cet Arrêt devrait
se prononcer essentiellement sur les deux cas de l’appel du
procureur de la République et se prononcer sans ambiguïté
sur l’Ordonnance du Juge d’Instruction qui :  » Déclarons
n’y avoir lieu à suivre, en l’état, ce chef
M. MOHAMED ABDILLAHI GOD, M. FATHI MOHAMED GUELLEH …

Ordonnons que M. MOHAMED ABDILLAHI GOD, M. FATHI MOHAMED GUELLEH…
seront mis en liberté sur le champs s’ils ne sont détenus
pour autre cause et nous donnons main-levée du mandat
de dépôt que nous avons décerné
contre eux le 7/12/00.  »

Les points
de suspension correspondent au nom de M. BOUH AHMED OMAR,
dont le non-lieu n’a pas fait l’objet d’un appel du procureur
de la République.

La différence
fondamentale entre ces deux Arrêts est celui de la grande
différence entre les paginations. Le second Arrêt
comporte plus de pages car il cite tous les articles du Code
Pénal pour tous les seize ou quinze policiers ( 16
ou 15 car la situation d’un policier est difficile à
cerner).

Le second
Arrêt est sur le fond une copie conforme de l’Arrêt
qui avait été cassé par la Cour Suprême.
Comme dirait la vieille rengaine :  » c’est kif-kif, c’est
kif-kif bou… « .

C’est
à se demander, jusqu’à quand la Chambre d’Accusation
va-t-elle persister à vouloir coûte que coûte
à casser une partie de l’Ordonnance du Juge d’Instruction
sans des faits nouveaux, sans motifs valables, sans aucune
nouvelle preuve, sans aucune argumentation motivée,
sans une autre cause ? That’s the big question !


NOEL ABDI Jean-Paul

___________________________________________


ANNEXE N° I


Réquisitions

Vu la
Procédure d’information suivie contre FATHI MED GUELLEH
ET MOHAMED ABDILLAHI GOD.

Vu l’arrêt
de renvoi devant la Cour Criminelle de la Chambre d’Accusation
de la Cour Suprême et le renvoi devant la Chambre d’Accusation
de l’affaire dont il s’agit.

Vu l’article,
466 du code de procédure pénale et de l’article
3 nouveau de l’ordonnance du 5 juillet 1984 portant réforme
de la Cour Suprême.

SUR CE

Adaptons
les faits et les motifs des précédentes réquisitions.

Attendant
que les faits reprochés aux accusés sont graves
et constants.

Qu’il
sont établis par les faits de la cause concernés
par les pièces de la procédure.

Que par
conséquent il y a lieu de les renvoyer des chefs d’inculpation
retenus à leur encontre devant la Cour Criminelle pour
y être jugés conformément à la
loi.

P ar
ce motifs

Dire que
les faits reprochés aux accusés sont établis.

Ordonner
le renvoi des accusés devant la Cour Criminelle aux
jugement.

Ordonner
la contrainte par corps.

Réserver
aux dépens.


DJIBOUTI le 11/01/02
M r ALI MOHAMED ABDOU
PROCUREUR GENERAL