17/05/02 Et si IOG décidait de prendre exemple sur ATT ! (Lecteur)

ATT, des
armes aux urnes

Amadou
Toumani Touré, n’a que 54 ans et déjà
fait figure de sage africain. Mais ATT, comme on l’appelle
affectueusement, malgré son jeune âge a une expérience
de vie publique et politique dense qui lui fait occuper ce
rang de choix tant au Mali que dans toute l’Afrique.

Rien ne
prédestine Amadou Toumani Touré à un
grand destin. Mais dès 1991, sa paisible carrière
de militaire prend un virage qui le propulse au devant de
la scène politique. Le 26 mars 1991, il prend la tête
d’une opération militaire qui renverse le général
Moussa Traoré. Le Mali découvre ce jour un jeune
lieutenant-colonel qui met fin à 23 années de
dictature. Ce 26 mars 1991 tourne la page de plusieurs semaines
de répressions violentes des manifestations de travailleurs
et d’étudiants qui réclament des conditions
de vie meilleure. La garde présidentielle, une unité
militaire d’élite tirent à balles réelles
dans la foule des manifestants, faisant plusieurs dizaines
de morts. Amadou Toumani Touré confiera plus tard qu’il
ne pouvait plus en tant que soldat, «regarder les populations
civiles, se faire tuer sans réagir».

En prenant
le pouvoir, il donne tout de suite une idée de ce que
sera sa mission, par le nom donné au groupe de militaires
«putschistes» qu’il dirige: Comité de réconciliation
nationale (CNR), le nouvel exécutif du pays. Dès
le 29 mars le CNR se mue en Comité de transition pour
le salut du peuple (CTSP). Des civils issus du mouvement associatif,
(les partis politiques sont interdits), pouvent alors siéger
aux côtés des officiers dans un nouveau gouvernement.
Dès lors, quatorze mois de transition vont jeter les
bases de la 3ème république malienne. Plongés
dans une douce béatitude, les Maliens découvrent
et apprécient les espaces de liberté et d’expression
qu’un Etat peut instaurer et garantir. Les qualités
de négociateur de ATT ont permis au Comité de
transition pour le salut du peuple (CTSP) de soumettre au
peuple, et à un rythme soutenu, des mesures pour l’instauration
d’un régime démocratique: tenue d’une conférence
nationale, dont il dirige les travaux, (cas unique en Afrique
où le président de la république préside
la conférence nationale), charte des partis politiques,
suppression des juridictions d’exception, projet de constitution,
code électoral, liberté de la presse, signature
d’un pacte de paix avec la rébellion touarègue
dans le nord du pays, référendum constitutionnel,
élections municipales, élections législatives
et enfin élection présidentielle en avril 1992
à laquelle, bien entendu, il ne participe pas. C’est
aussi une première en Afrique.

L’homme
impressionne par sa qualité de travail et son dévouement.
Il engage une politique d’ouverture et de dialogue à
travers des actes politiques qui s’apparentent à un
programme pédagogique. Son premier métier d’instituteur
lui a certainement fourni les armes, mieux que sa formation
militaire, pour conduire la transition politique au Mali.
Il n’a pratiquement pas exercé ce métier d’enseignant
avant de s’engager dans l’académie militaire de Kati
(Mali) en 1969. Il en sort en 1972 avec un grade de lieutenant
avant de s’embarquer pour l’Union soviétique et la
France où il reçoit une formation en état-major.
Dès son retour au Mali, il commande la garde présidentielle
mais revient en France en 1990 pour suivre une formation à
l’Ecole supérieure de guerre à Paris.

Un an
plus tard le jeune lieutenant-colonel est de retour pour servir
dans les armes, mais les événements politiques
dans son pays ne laissent plus indifférent. «J’avais
honte d’être officier de l’armée. Moussa Traoré
ne servait plus les intérêts du pays» dit-il
pour justifier l’intervention des officiers supérieurs
qu’il a conduite. Certains soldats restés fidèles
au général Moussa Traoré qualifient cette
opération de «trahison» et lui reprochent
encore aujourd’hui d’avoir abusé de la confiance du
général-président «qui a fait sa
carrière». Déçu de n’avoir pas
reçu une promotion, à son retour de l’Ecole
de guerre en France, il est amer sur la conduite des affaires
du pays. Le putsch du 26 mars y trouverait aussi un début
d’explication.

Mais il
a su faire accepter au commun des Maliens que ces réserves
et critiques ne sont que pures médisances, en faisant
de la paix et de la justice sociale les axes prioritaires
de son passage à la tête de l’Etat. Et pour marquer
les esprits, son dernier acte politique au Mali s’est conclu
par la signature du Pacte social pour l’amélioration
des conditions de travail et de vie des travailleurs, entre
l’Etat et les syndicats. Sa réputation franchit les
frontières de son pays et le prépare à
une carrière internationale.

L’ancien
président Jimmy Carter, ne lui laisse point le temps
de la réflexion. Il sollicite ses compétences
et services, cinq mois seulement après son départ
du pouvoir, pour des ouvres humanitaires. Et le revoilà
parti pour de nouveaux défis. En août 1993, il
crée sa propre Fondation pour l’enfance, avec le soutien
de son épouse, elle-même sage-femme. En regardant
leurs trois enfants grandir c’est aussi aux «petits
Maliens» qu’il pense. «Aujourd’hui, l’avenir des
enfants grandissant dans nos villes en expansion non contrôlée,
tend à devenir beaucoup plus difficile que celui des
parents ayant grandi le plus souvent à l’abri de valeurs
et de styles de vie traditionnels procurant un filet de sécurité
sociale».

Le
soldat de l’humanitaire

Sollicité par l’Organisation mondiale de la santé,
il est membre du Comité international pour la lutte
contre la poliomyélite en Afrique et parraine des actions
ponctuelles d’organisations non gouvernementales à
travers le monde et qui travaillent en direction de l’Afrique.
Les membres du Réseau interafricain en faveur des enfants
de la rue, le portent à la présidence de leur
mouvement. Bref, le général en disponibilité
de l’armée de son pays se reconvertit progressivement
à l’action humanitaire avant d’être rattrapé
par la politique. «La culture de la démocratie
et la paix doivent occuper constamment notre esprit»
disait-il, lorsqu’il était encore président
du Mali. Les instances onusiennes et l’OUA s’en sont souvenues
et se sont rappelées au bon souvenir de l’homme politique
qui savait jouer avec le temps sans brûler les étapes
tout en orchestrant un changement radical de comportement.
Ils lui confient des missions de médiation en République
centrafricaine, en prise à des mutineries, dans la
région des Grands lacs où les pays sont en guerre.
Il participe également aux commissions d’observation
des élections en peu partout en Afrique. A ce titre
l’Observatoire panafricain de la démocratie lui décerne
en 1996 une distinction de «promoteur de la culture
de la démocratie en Afrique». En juillet 2001,
il reçoit les félicitations spéciales
du Conseil de sécurité de l’ONU et de son secrétaire
général pour la «qualité»
de la conduite de toues les missions qui lui ont été
confiées.

Ces félicitations
qui sont pour lui une satisfaction personnelle ont, par ailleurs,
pris la forme de remerciement pour solde de tout compte. Dégagé
de toues ses «obligations» internationales, il
se dégage aussi, quelque temps plus tard, de ses «obligations
militaires» en donnant sa démission de l’armée
malienne. Le futur candidat à l’élection présidentielle
prend ainsi date pour un nouveau challenge. Mais les défis
ne sont plus les mêmes. L’homme intègre, volontiers
appelé «sage», immergé dans l’arène
politique pourra-t-il résister longtemps aux intrigues
politiciennes où les «combines» font partie
du jeu ? Ce militaire (para-commando) qui n’a rien d’un tueur
risque de s’y «brûler les ailes» disent
ses amis restés membres d’organisations humanitaires
et non gouvernementales. «ATT est volontaire et courageux.
Il n’a pas peur d’aller au feu» précisent-ils.
C’est peut-être cette culture militaire qui s’additionne
à ses propres qualités humaines pour faire de
lui un homme d’exception. Mais ses adversaires disent de lui
qu’il est fin calculateur. Sa carrière internationale
est «savamment orchestrée» en vu d’un retour
programmé de longue date.

Pourqoui
IOG ne prend-il pas exemple sur cet africain rare ?