20/07/02 – Carnet de voyage. Un voyageur récemment rentré de Djibouti nous raconte, à sa manière personnelle, le climat sur place et ses impressions.

Note
de l’ARDHD : nous
tenons à remercier
infiniment ce voyageur
qui nous a confié
son texte. Il contraste
tellement avec les
annonces tapageuses
du pouvoir …. et
il est criant de vérité.
De plus il est bien
écrit et il
décrit parfaitement
la situation. Merci
à lui, au nom
de tous ceux qui luttent
contre la dictature
et pour la vérité.

Le
mois de juin et ses
festivités
?

Le
mois de juin est de
loin le plus festif.
C’est le mois que
notre pays a accédé
à son indépendance.
Rien de surprenant
si on célèbre
cette indépendance
dans la joie et le
progrès.

Seulement voilà
la joie et le progrès
ne sont pas au rendez-vous.
Ils cèdent
à la régression
et à la tristesse.

Malgré cette
situation préoccupante,
plusieurs cérémonies
se sont déroulées.

Des
cérémonies
pour quoi et pour
qui ?
La déception
était grande

Dans
tout le pays, le parti
au pouvoir a organisé
des fêtes et
des concours.
Dans les autres districts
excepté la
capitale Djibouti,
nous avons vu à
la RTD des chants
et danses traditionnels.
Un exploit pour notre
télévision
nationale qui redécouvre
miraculeusement le
direct à l’occasion
du 27 juin et lorsqu’il
y a des élections.

La fête continue
au palais du peuple,
avec la remise des
prix pour un concours
organisé par
le district de Djibouti.

Nous
sommes le 24 juin
2002 et pour cette
remise, beaucoup d’invités
de taille sont présents.
On notera la présence
du premier ministre
Dileita, et au moins
sept de ses ministres
( Ali Abdi dit Ali
bordel, ministre des
affaires étrangères,
Ahmed Abdi , ministre
de l’éducation
et responsable de
l’état déplorable
du réseau routier
djiboutien en tant
qu’ancien directeur
du département
des routes, et bien
d’autres ministres).

Des membres des organisations
internationales sont
venus aussi.

Un certain Monsieur
bien nanti, qui pourrait
être l’organisateur,
ouvre la cérémonie
et rend hommage comme
d’habitude au dictateur
et à ses proches.

Une
femme afar du nom
de Aicha Robleh était
la présentatrice,
et le meilleur prix
qu’elle annonce fut
120.000 FD (environ
550 euros ) + un trophée.

Je
me rappelle des visages
des participants qui
exprimaient une certaine
amertume, la déception
était grande.

A
la question de : reviendrez-vous
l’année prochaine?

Beaucoup
répondent oui,
car ils n’ont rien,
vraiment rien.

Pourtant
ce prix est une misère,
et une somme importante
a été
attribuée à
ce concours. Décidément,
entre les chefs d’arrondissements,
les organisateurs
et les ministres rien
ne leur échappe.

Les
festivités
sont malheureusement
utilisées pour
couvrir de gigantesques
détournements
de fonds publics.

Détournements.
Par exemple, on
parle de 16 millions
pour le district de
Dikhil. La réalité
est que les festivités
n’ont pas coûté
plus de 4 millions.
Le reste est certainement
allé au palais
de Haramous.

La
fête continue
et le soir du 26 juin
2002, c’est le tour
du stade Gouled de
s’y inviter.


Rien n’y fait,
la police est dressée
pour la violence :
le dictateur lui-même
est incommodé
par les Gaz lacrymogènes
des Forces de Police.
Les enfants – figurants
n’ont pas été
nourris !

Devant l’entrée
de l’édifice,
on aperçoit
une foule nombreuse
et un embouteillage
de voitures des nantis.

Soudain des gaz lacrymogènes
sont jetés
et la police commence
à disperser
la foule. Pourtant,
beaucoup de ces gens
avaient une invitation
d’entrée.

Même
le dictateur se rend
compte du degré
de la violence puisque
ses yeux ont été
touchés par
les gaz.

L’intérieur
du stade offre un
spectacle apparemment
agréable. Beaucoup
d’enfants se trouvent
sur la pelouse et
exécutent des
figures.

Au fur et à
mesure que le temps
passe, nous découvrons
des enfants fatigués
qui ont du mal à
suivre la cadence.


La foule manifeste
silencieusement sa
réprobation

Brusquement,
ils commencent à
chuchoter, certains
lèvent leur
pieds, des pieds sans
chaussures. Et puis
ils refusent de faire
la figure du dictateur.
C’est la stupeur à
la tribune officielle.


Nous apprenons par
la suite que les enfants
sont venus vers 14h00
au stade et beaucoup
d’entre eux n’avaient
pas mangé.

Il
s’agit généralement
des enfants des familles
modestes auxquelles
le pouvoir donne quelques
sacs de riz.

Après
le passage des enfants,
c’est le dictateur
qui prend la parole.
Il commence par décorer
les personnes ayant
participé à
la libération
du pays. Parmi les
personnalités
décorées,
on peut citer la veuve
de Mahamoud Harbi
(figure historique
du nationalisme djiboutien),
Karchileh ( auteur
de l’hymne national),
..etc.

Dans
son discours, le dictateur
parle de l’indépendance,
de son indépendance.
Il ne cite pas un
instant les acteurs
disparus de notre
souveraineté
( Mahamoud Harbi,
Hassan Gaulis, Gachamaleh,
Janaleh et bien d’autres)
ou vivants ( Adan
Robleh, Moussa Ahmed,
Ahmed Dini …etc).

Quand
au bilan des 25 ans
d’existence, ne rêver
pas, il le fera dans
les 25 ans qui viennent.
C’est pour vous dire,
il n’y a rien à
attendre de ce pouvoir,
absolument rien.

D’après
les djiboutiens, la
seule réalisation
d’IOG est le lycée
de Balbala, et il
paraît qu’il
n’est même pas
homologué.

A
noter toute la soirée
du 26 juin 2002, la
capitale était
éclairée
par des feux d’artifices.
Combien ont- ils coûté
? Mystère.
En revanche, on sait
qui a eu cette grosse
commande, il s’agit
d’un certain mamassan
nommé Mohamed.


Enfin le matin du
27 juin 2002, le défilé
militaire clôture
les festivités.
Les militaires sont
désabusés.

Des
militaires démoralisés
mais dignes défilent.
Ils nous disent leur
colère.
Ils se disent abandonnés,
car IOG les a désarmé.

Effet tous les armements
lourds sont détenus
ou sous le contrôle
de la garde du dictateur.

Quant
à la question
: Que feriez-vous
si la guerre civile
reprend ?

Ils
répondent de
façon unanime,
nous resterons dans
nos casernes.

Ils
n’ont pas tort, car
ils voient comment
le pouvoir a traité
les blessés
et les handicapés
de la guerre. Comment
il diminue la pension
des retraités.

Décidément,
le mois de juin est
celui de la contradiction.

Des festivités
pour certains, pour
d’autres le moment
idéal pour
réaliser de
fructueux détournements
de fonds.