04/03/99 Une victime de la torture et l’ARDHD dépose, à Paris, une plainte pour crimes contre l’humanité, à l’encontre de Gouled et de Guelleh

Texte
intégral de la plainte déposée
par notre Association (ARDHD)
et par un plaignant djiboutien
(dont nous ne communiquons par l’identité
pour GARANTIR SA SECURITE)


auprès
du procureur de la République
Tribunal de Grande Instance de Paris

Plainte
préparée par
Maître R-V Calatayud

________________________

à
Monsieur le Procureur de la République
Tribunal de Grande Instance
Palais de Justice
Boulevard du Palais
75003 PARIS

 

Aff.:
PLAINTE ASSOCIATION POUR LE RESPECT DES DROITS DE L’HOMME
A DJIBOUTI & M. XXXXXXXXX /
HASSAN GOULED APTIDON & ISMAEL OMAR GUELLEH

Paris,
le 4 mars 1999

Monsieur
le Procureur,

L’Association
pour le Respect des Droits de l’Homme à Djibouti ( A.R.D.H.D.) dont le siège
est à 75004 Paris, 84 rue Saint-Louis en l’Ile, représentée par son président,

ET Monsieur
XXXXXXXXXXX, de nationalité djiboutienne, entendent porter plainte pour actes
de torture et crimes contre l’humanité à l’encontre de Monsieur Hassan GOULED
APTIDON, actuellement Président de la République de Djibouti, et Monsieur
Ismaël OMAR GUELLEH, Directeur de Cabinet, demeurant tous deux, Palais Présidentiel,
DJIBOUTI, République de Djibouti
.

Depuis de
nombreuses années, le système politique mis en place à Djibouti par MM. Hassan
GOULED APTIDON et Ismaël OMAR GUELLEH fait régner la terreur dans tout le
pays par des moyens criminels, niant les droits fondamentaux de l’homme tels
qu’édictés par l’ensemble des instruments internationaux.

Des actes
de torture, des disparitions, des exécutions sommaires, des procès judiciaires
dénués de fondement et violant les règles de procédure ont été encore récemment
dénoncés par de nombreux rapports d’organisations de défense de droits de
l’homme. Les citoyens djiboutiens sont privées des libertés constitutionnelles
d’aller de venir, d’expression, ou d’association.
Les partis politiques sont strictement contrôlés ou interdits et les chefs
de l’opposition sont réduits au silence à l’approche de l’élection présidentielle
du 9 avril 1999.
La corruption a été étendue à tous les secteurs de l’administration et à tous
les niveaux de la hiérarchie, jusqu’au sommet de l’Etat.

Monsieur
XXXXXXXX, plaignant, tient à porter à votre connaissance les faits suivants:

Le XXXXXXX, il a été arrêté par deux gendarmes qui ont également opéré une
perquisition à son domicile sans autorisation judiciaire.
Placé en détention arbitraire à la brigade Nord, il était interrogé sévèrement
sur des événements auxquels il était étranger.
Transféré à la Villa Saint Christophe, il a été sauvagement torturé et il
en garde des séquelles physiques et psychologiques pour la vie.

Lors de manifestations
sur la voie publique, le 18 décembre 1995, les
forces de l’ordre ont usé des armes à feu sur les élèves, blessant un élève
de 5ème au collège de Boulaos et tuant un autre élève du collège d’Ali Sabieh
le mardi 9 janvier 1996.

Le 14
janvier 1996,
treize dirigeants syndicaux du Syndicat des Enseignants
du Primaire et du Syndicat des Enseignants du Second Degré, ont été arrêtés
et incarcérés dans le « centre de détention » de Nagad. Ils furent jugés le
16 janvier 1996 pour « troubles à l’ordre public ».

Le 7 août
1996
, cinq opposants, dont trois parlementaires, ont été condamnés à l’inéligibilité
et à la prison pour simple offense au Président de la République, au mépris
des règles de levée de leur immunité parlementaire. Amnesty International,
l’Union Interparlementaire et la Fédération Internationale des Droits de l’Homme
ont dénoncé et condamné cette atteinte aux droits de l’homme et à la Constitution
djiboutienne.

Le 2 février
1997,
les forces de l’ordre ont chargé à coups de matraques et de bombes
lacrymogènes les retraités qui réclamaient pacifiquement le paiement de leur
pension accusant six mois de retard.

Le 5 février
1997,
Me Aref Mohamed Aref, Doyen des avocats et militant des droits de
l’homme, a été interdit d’exercer sa profession sans avoir été jugé.

Le 26
septembre 1997,
plusieurs opposants politiques appartenant au Front pour
la Restauration de l’Unité de la Démocratie (FRUD) furent arrêtés en Ethiopie
et extradés vers Djibouti pour y être emprisonnés. Parmi eux, Madame Aïcha
Dabale, épouse de l’un des opposants politiques, militante des droits de l’homme,
sans activité politique, enceinte de trois mois.

Le 17
février 1998,
le Président du Front Uni de l’Opposition Djiboutienne et
le Directeur du journal AL WAHADA ont été arrêtés et transférés à la prison
de Gabode.

Le 23
mars 1998,
une centaine d’employés du ministère de la santé ont été arrêtés
et transférés dans le « centre de détention » de Nagad à la suite d’une grève.
Six d’entre eux, parmi lesquels une femme, ont été incarcérés à la prison
civile de Gabode, le 25 mars 1998. Un employé de l’hôpital, passé à tabac
par les forces de l’ordre, est tombé dans le coma suite à ses blessures.

Le 3 mai
1998,
le Directeur de l’hebdomadaire LE POPULAIRE et son adjoint ont été
arrêtés et transférés à la prison civile de Gabode. L’abomination des actes
de torture commis dans les salles de l’horreur de la Villa Saint-Christophe
est connue de tous. Toutes les subventions françaises, européennes et internationales
sont détournées par le clan du président de la République.

Plus récemment
encore, le 15 février 1999, un avocat djiboutien, Me AREF MOHAMED AREF,
militant des droits de l’homme a été illégalement condamné à une peine de
2 ans de prison dont 6 mois ferme. Les avocats français qui avaient été choisis
ont été interdits de visa et se sont vu refuser le droit de plaider pour lui.

Le dossier ne comportait aucune accusation sérieuse, aucune investigation
n’avait été diligentée et la Cour Suprême de Djibouti est toujours saisie
de plusieurs recours formés par Me AREF, ce qui aurait dû interdire au tribunal
de première instance de statuer en cet état.
Le seul observateur d’Avocats sans Frontières présent sur les lieux n’a pas
été autorisé à plaider, et ce en violation de la convention franco-djiboutienne
de coopération judiciaire.

C’est
pourtant sur les bases de cette convention qu’un magistrat français a été
envoyé auprès du ministère de la justice de Djibouti lequel était présent
dans la salle d’audience lors des débats.

Me AREF, arrêté sur l’audience, est actuellement détenu à la prison de Gabode
dans des conditions inhumaines. Enfermé dans le quartier réservé aux déments
et aux personnes dangereuses, il a été placé dans des toilettes turques (cellule
n°12) exiguës en guise de salle de détention, sans autorisation de sortie
dans la cour.

A la suite
des protestations venant de toutes les instances internationales, le gouvernement
de Djibouti l’a changé de cellule (cellule n°10) et lui a accordé une heure
de promenade tous les 2 jours.

Il lui a
été interdit de se rendre au greffe de la prison pour relever appel de cette
décision inique. Il lui est impossible de se mouvoir, de se coucher ou de
se protéger de la chaleur.
Aucune
visite n’est autorisée et il a été mis au secret absolu dans le quartier de
haute sécurité.

Ces
conditions de détention constituent des traitements dégradants, inhumains
et des actes de torture au regard de toutes les conventions internationales.
Dès lors, ses jours sont en danger et la volonté du pouvoir d’attenter à sa
vie est démontrée par de tels agissements qui doivent être poursuivis et condamnés.

Le comité
des droits de l’homme du Haut Commissariat des Nations Unis de Genève, l’Union
Interafricaine des droits de l’ homme, la Commission Internationale des Juristes,
le Centre pour l’indépendance des avocats et des magistrats, Amnesty International,
Avocats sans frontières et la quasi totalité des grandes organisations de
défense des droits de l’homme se sont mobilisés pour dénoncer cette situation
qui sévit à Djibouti.

De nombreux
autres cas de détentions illégales et de crimes contre l’humanité ont été
constatés qui violent tous les conventions internationales:
De
nombreux autres cas de détentions illégales et de crimes contre l’humanité
ont été constatés qui violent tous les conventions internationales :

Arrêtés
illégalement en Ethiopie puis extradés aussitôt à Djibouti
pour être accusés
d’assassinat, de tentative d’assassinat et de vol en bande armée :

Extradés
le 27 septembre 1997

Ali Mohame
Makki, né en 1958
Mohamed Kadamy Youssouf
né le 12/05/1950
Mohamed Daoud Chehem Extradés le 4 octobre 1997
Kamil Mohamed Ahmde dit Kabir, né en 1960
Mohamed Boula’ Hassan, né en 1961 à Gannari

Extradés
:

Aden Moussa Yakissa (arrêté à Sakhisso) né en 1970 à Hanlé
Amine Haggar Barho (arrêté à Aissata) né en 1977 à Mahia
Bourhan Mohamed Cheikh (arrêté à Manda) né en 1966 à Tadjoura
Houssein Ali Mohamed (arrêté à Sakhisso) né en 1969 à Hanlé
Osman Dardar Mohamed (arrêté à Aissayta) né en 1962 à Obock
Radoul Yayo Saïd (arrêté à Aïssayta) né en 1967 à Bouya

2 – Arrêtés
dans les districts du Nord de Djibouti:

Aboubaker Mohamed Ayoub, blessé, né en 1975 à Obock
Aden Hassan Houmed dit Eder, blessé et sans soins, né en 1974 à Djibouti
Ali Ahaw Houmed, blessé, né en 1980 à Djibouti
Ali Mohamed Ali, né en 1974 à Mabla
Daoud Ali Ahmed, blessé, né en 1967 à Djibouti
Haïssama Idriss Hami, blessé, né en 1970 à Alaïli-Dadda
Houmed Moussa Houmed, né en 1969 à Mabla
Houssein Ali Houmed, né en 1976 à Garassou

3 – Arrêtés
près d’Arta:

Abdi Houfaneh Liban, né en 1964, marié, père de 2 enfants,
Abdi Moumin Djama, né en 1980, célibataire,
Abdilahi Moussa Bouhoul, né en 1969, marié, père de 6 enfants,
Arab Ibrahim Amin, né en 1969, marié, père de 2 enfants,
Farah Ali Rirach, né en 1963, célibataire,
Houssein Hagi Awaleh, né en 1969, marié, père de 4 enfants,
Ibrahim Mahamoud Abdi, né en 1977, célibataire,
Moussa Omar Waïs, né en 1972, célibataire,
Omar Aden Abdi, né en 1962, marié, père de 2 enfants,
Osman Youssouf Houfaneh, né en 1967, marié,
Robleh Farah Arreh, né en 1974, célibataire,
Waberi Hersi Bahdon, né en 1966, célibataire,

4 – La
famille et les relations d’Ismaël Guedi,
ancien proche de la Présidence,
qui a démissionné pour ne plus cautionner les exactions commises par le Gouvernement
:
Abdourahman
Hassan Aïnan, marié, père de 6 enfants,
Ahmed Hoche Hared, marié, père de 9 enfants,
Ali Robleh Darar, marié, père de 12 enfants,
Andilahi Robleh Darar, marié, père de 2 enfants
Daher Guedi Hared, célibataire, Eleyeh Aman, marié, père de 2 enfants,
Ibrahim Samireh Darar, célibataire,
Mahamoud Miguil Obsieh, marié, père de 11 enfants,
Omar Guedi Hared,
70 ans, père de 22 enfants,
Saïd Mahamoud, marié, père de 5 enfants,
Waïs Guelleh Bahdon, marié, père de 12 enfants,

La population
est affamée; la mort court les rues du pays.

Le
Président Hassan GOULED APTIDON et son neveu et Directeur de Cabinet, Ismaël
OMAR GUELLEH, vivent sur la population, la pillent et la martyrisent. Il sont
responsables d’actes de torture et de crimes contre l’humanité.


C’est
pourquoi, l’Association pour le Respect des Droits de l’Homme à Djibouti ( A.R.D.H.D.) et M. XXXXXX vous dénoncent ces faits pour que vous leur réserviez
les suites pénales qui s’imposent.

Je vous prie
d’agréer, Monsieur le Procureur, l’expression de ma parfaite considération.

 

Roger-Vincent
Calatayud

Avocat
Ancien Bâtonnier