05/12/02 (B174 / 2) Affaire Borrel: de nouvelles expertises infirment la thèse du suicide (AP)

PARIS (AP) – "Aujourd’hui
j’ai l’impression de resurgir d’une nuit de sept ans": Elisabeth Borrel
n’a pas caché son soulagement mercredi en présentant de nouvelles
expertises médico-légales qui tendent à infirmer la thèse
du suicide de son mari, le magistrat Bernard Borrel, décédé
en 1995 à Djibouti dans des circonstances mystérieuses.

"L’hypothèse
de l’auto-agression est difficilement crédible compte tenu des sérieuses
réserves que nous avons formulées. Dès lors, l’hypothèse
de l’intervention d’un ou plusieurs tiers, quelles que puissent en avoir été
les modalités, ne peut être exclue", ont noté les
professeurs Patrice Mancin, Daniel Malicier et Eric Baccino dans leur pré-rapport
transmis il y a quelques jours à la juge d’instruction Sophie Clément
en charge de l’enquête.

Par ailleurs, l’autopsie
réalisée sur le corps du magistrat, exhumé en juin dernier,
a révélé une lésion crânienne et une fracture
de l’avant-bras gauche intervenues avant la mort de Bernard Borrel. L’expert
Gérald Quatrehomme en a conclu que "le choc direct par instrument
contondant ou tranchant-condondant est beaucoup plus plausible qu’un choc
dû à une chute contre un élément contondant en
relief".

"C’est un assassinat
qu’on a voulu déguiser en suicide", a affirmé Me Laurent
de Caunes, l’avocat toulousain de Mme Borrel fustigeant l’attitude des autorités
françaises et djiboutiennes qu’il a qualifié "d’ennemies"
dans cette affaire.

La brigade criminelle
ainsi que les juges d’instruction Roger Le Loire et Marie-Paule Moracchini,
désaisis du dossier en juin 2000, avaient privilégié
la thèse du suicide par immolation du magistrat dont le corps carbonisé
a été retrouvé le 19 octobre 1995 au lieu dit "Le
Goubet" face à l’île au Diable.

Les magistrats instructeurs
qui s’étaient rendus deux fois à Djibouti se fondaient notamment
sur l’expertise des Drs Dominique Lecomte et Guy Nicolas qui éliminait
en avril 2000 l’hypothèse selon laquelle Bernard Borrel aurait pu être
précipité par ses assassins de la falaise qui surplombe "Le
Goubet".

Elisabeth Borrel et ses
avocats ont toujours soutenu que Bernard Borrel avait été assassiné
en raison de ses fonctions de conseiller auprès du ministre djiboutien
de la Justice.

Ils ont été
réconfortés dans leurs convictions par le témoignage
d’un ancien garde présidentiel djiboutien aujourd’hui réfugié
en Belgique qui accuse l’actuel président de la République de
Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, ainsi qu’un terroriste libanais et un
restaurateur corse, d’être les commanditaires de l’assassinat du magistrat
français.

Mohamed Saleh Alhoumekani
a notamment rapporté les termes d’une conversation entre le président
Guelleh et d’autres hommes qu’il aurait écoutée le lendemain
de la mort de M. Borrel au palais présidentiel de Djibouti. "Le
juge fouineur a été éliminé", aurait rapporté
l’un des hommes au chef d’Etat.

Bernard Borrel travaillait
notamment sur l’attentat contre le café de Paris, un établissement
djiboutien fréquenté par les expatriés français,
qui a fait un mort et 11 blessés en septembre 1990, en pleine guerre
du Golfe. Les services de renseignement français ont désigné
le président Guelleh comme l’un des commanditaires possibles de cet
attentat.

Les avocats de Mme Borrel
ont demandé à la juge Clément, qui a pris en septembre
la succession du juge Jean-Baptiste Parlos, d’entendre Ismaël Omar Guelleh.
Ce dernier a refusé en invoquant l’immunité de chef d’Etat.