23/01/03 (B181) « la démocratie tribale : une solution pour l’ avenir ? » (Point de vue qu’un correspondant soumet aux lecteurs)

Lorsqu’un peuple
prend conscience de sa liberté et de sa diversité et qu’il
apprécie sa diversité ethnique, religieuse et culturelle, l’union
en son sein signifie que tous les citoyens qui composent cette société
humaine sont tombés d’accord.

Or les règles de
conduite en société démocratique ne peuvent devenir consensuelles
et universelles que lorsqu’elles sortent des limites où règnent
les règles tribales et ethniques. L’universalité d’une
règle constitutionnelle signifie qu’elle sublime les frontières
tribales pour aller s’imposer aux citoyens et à chaque citoyen,
de la même façon et avec la même rigueur. Dès lors,
cette évolution entraîne que la loi ne doit en aucun cas traiter
différemment ceux qui sont membres de notre groupe tribal, nos proches
par rapport à nos autres compatriotes.

En conséquence,
les normes éthiques et juridiques selon lesquelles chaque citoyen entre
dans la Nation, espace plus large que la tribu, vont agrandir à leur
tour le nombre de personnes vis-à-vis desquelles chacun est tenu par
des obligations. La puissance publique nationale aura à garantir ces
obligations par la contrainte légale.
Or, nos obligations familiales, tribales, ethniques sont plus chargées
en sympathie que nos devoirs vis-à-vis d’un pays ou de toute l’humanité.

Cette tendance de l’évolution sociale peut conduire à deux
grands régimes différents :

Dans le cas où
l’évolution conduit tout droit à la démocratie tribale
dans laquelle le pouvoir de la République est distillé, partagé,
géré par entente implicite ou pas, entre groupes tribaux organisés
en partis politiques. Le progrès moral s’accompagne du germe de
l’appauvrissement et l’union ne se fera que sur le reflet de l’unanimité
faite autour de la gestion tribale du pouvoir politique par des partis ethniques.
Cette unanimité n’est cependant pas un indice de la fusion des
individus dans une société qui les transcenderait et s’imposerait
à eux. Elle est le résultat de confrontation des intérêts
particuliers des principaux animateurs des groupes tribaux. Ce cadre donne
à la valorisation de l’intérêt tribal un objectif
en soi qui stimule le militantisme tribal, les réunions tribales, l’intégration
tribale et prône la maxime selon laquelle : « Tu ne feras rien
qui porterait atteinte au bien être et aux intérêts des
autres membres de ton groupe tribal ».
Toutes les personnes qui admettent les principes de cette démocratie
tribale pour le pays, pour Djibouti doivent également accepter de conduire
la logique à son terme et d’en tirer les implications sur le statut
de l’opposition. Dans le schéma de la démocratie tribale
qui fonde chaque citoyen à revendiquer sa part de pouvoir économique,
politique et culturel au nom de son appartenance ethnique, une opposition
ne peut être conçue que sur les mêmes bases. On se retrouve
alors sur le champ du partage du pouvoir entre majorité et minorité
ethnique avec des risques de « somalisation ».

La démocratisation
et les libertés politiques dans cette direction aiguisent des conflits
tribaux qui seront tels que si l’on voulait les éviter, l’alternative
serait la dictature d’un chef de clan et de ses alliés. Dans la
démocratie tribale, au nom des intérêts de leurs groupes
tribaux, les opposants, se fondant sur le fait que pour eux les règles
abstraites qui gouvernent la société sont moins pertinentes,
vont refuser de respecter les règles du jeu démocratique. Ils
vont refuser la loi. Ils sont des hors la loi.
Pour le démocrate tribal le crime est rentable car l’opposant
se travestit « en hors la loi » et cette logique porte atteinte
à des équilibres politiques forcément fragiles dans un
pays qui sort peu à peu d’une guerre fratricide qui aurait pu
l’emporter vers l’abîme.

Alors last but no least, je vous laisse méditer sur ce point de vue.