05/08/03 (B207) Le comité de SURVIE Paris-Ile-de-France adresse une lettre ouverte à Jacques CHIRAC, Président de la République française, pour l’informer de la situation à Djibouti et de toutes les violations commises par le régime dictatorial en place.

à
Monsieur Jacques Chirac,
Président de la République française,
Palais de l’Elysée


Le 04 août, 2003


Monsieur le Président,

Nous nous permettons d’attirer
votre attention sur la situation préoccupante du journaliste djiboutien,
rédacteur en chef du  » Renouveau démocratique « , monsieur
Daher Ahmed Farah. Celui-ci est emprisonné à Djibouti dans des
conditions inhumaines qui ont déjà provoqué la mort de
nombreux prisonniers par le passé. On lui reproche d’avoir diffamé
un des principaux responsables de l’armée et d’avoir porté atteinte
au moral de cette dernière. Victime d’une véritable politique
de harcèlement du pouvoir, il a été placé en détention
à plusieurs reprises depuis le mois d’avril et rien n’assure qu’on
ne saisira pas d’autres prétextes à la fin de sa peine pour
l’y maintenir.

Dans un pays respectueux
des Droits de l’Homme, les écrits de monsieur Farah n’auraient pas
conduit à son incarcération. Comme vous le savez d’expérience,
le respect de la liberté d’expression ainsi que celui des droits de
l’opposition sont indissociables d’une véritable démocratie.

Or, en octobre 2002,
vous avez décoré de la Légion d’Honneur Ismaël Omar
Guelleh, Président de Djibouti, au nom de la France, en notre nom
.

Le 14 juillet, votre
ambassadeur, notre ambassadeur, M. Patrick Roussel, s’est félicité
du climat  » de liberté et de maturité politique dans lequel
se sont déroulées les dernières élections législatives
à Djibouti « , y voyant  » le signe d’une démocratie
qui s’affirme et qui puise largement dans la tradition djiboutienne qui accorde
une place de choix au dialogue « . Il en a conclu que  » Djibouti
est un pays enfin en paix qui veut se tourner résolument vers le développement
« .

Voilà deux grands
symboles de la République française utilisés en notre
nom par votre gouvernement pour soutenir l’action du Président Guelleh.
Mais si les citoyens se sont un jour assemblés en Nation dans notre
pays c’est autour de principes clairs, ceux de la Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen.

A Djibouti qu’en est-il
? Est-ce la mise en application de ces principes que vous récompensez
et soutenez ?

Vous ne pouvez ignorer
que les élections législatives de janvier 2003 n’ont laissé
aucun siège à l’opposition – leur déroulement a été
entaché de nombreuses fraudes. L’espoir né de l’accord de paix
signé en mai 2001 a vite disparu : les réformes institutionnelles
promises ne se sont pas matérialisées, les promesses de reconstruction
des zones de conflit n’ont pas été tenues et Monsieur Guelleh,
en digne héritier de son  » oncle  » (1), a poursuivi sa politique
fondée sur la répression (emprisonnements arbitraires, assassinats,
viols par centaines) et le clanisme. Dans un pays réduit à l’extrême
pauvreté (2), la corruption et son corollaire l’impunité (pilleurs
des fonds publics, violeurs et assassins ne sont pas inquiétés
et au contraire promus) règnent en maître. Un juge français
l’a même payé de sa vie (3).

C’est cela que monsieur
Farah a voulu dénoncer à travers une lettre ouverte à
la jeunesse de son pays le 17 avril 2003 (cf pièce jointe). N’est-ce
pas cela qui lui est en réalité reproché ?

Cependant des millions
d’euros de notre argent de contribuables affluent ces derniers temps dans
les caisses de l’Etat djiboutien. L’aide budgétaire de la France a
explosé pour atteindre 30 millions d’euros malgré l’opacité
de l’utilisation de ces fonds et ses résultats désastreux.

Certes, la plus grande
base de notre armée en Afrique est située à Djibouti.
Certes, les Etats-Unis y disposent depuis peu des mêmes commodités
et ont, de leur côté, versé 31 millions de dollars à
l’Etat djiboutien. Certes, des institutions internationales sises à
Washington (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International etc) alimentent
de plus en plus les caisses de ce même Etat …

L’ambassadeur Roussel
résume bien la situation :  » les relations franco-djiboutiennes
apparaissent plus que jamais fortes, parce qu’elles reposent sur des solides
intérêts partagés et sur une longue tradition […]
d’amitié « .

Pourtant, rien ne justifie
que notre gouvernement soutienne une dictature prédatrice qui maintient
sa population dans la terreur et le dénuement le plus extrême.
Cette  » amitié  » intéressée est inacceptable
au regard de nos valeurs de citoyens français.

Nous vous prions M. le
Président d’exercer sans tarder une forte pression auprès des
autorités djiboutiennes pour que M. Farah ne soit plus inquiété
pour délit d’opinion et de dénoncer les atteintes aux Droits
de l’Homme dans ce pays qui rendent impossible toute véritable coopération.
Votre voix est de celles qui pourraient être entendues.

Dans cette attente, nous
vous prions de recevoir, Monsieur le Président, l’expression de notre
très haute considération.

Pour
Survie Paris-Ile de France,

Claude
Chenaud
,
membre du comité d’administration

Emmanuel
Frigara,

membre du comité d’administration.

(1) M. Hassan Gouled Aptidon,
Président de Djibouti de 1977 à 1999, dont M. Guelleh a été
chef de cabinet et chef de la sécurité pendant 20 ans.
(2) L’IDH y est de 0,445 soit la 149ème position sur 173 pays (PNUD).
(3) Il s’agit du juge Borrel, dont il a été prouvé que
le  » suicide  » n’en était pas un.