23/08/03 (B209) Djibouti expulse ses clandestins mais perd sa main d’oeuvre étrangère (AFP du 18/08)

DJIBOUTI, 18 août
(AFP) – L’ultimatum des autorités djiboutiennes lancé aux immigrés
clandestins originaires d’Ethiopie et de Somalie pour quitter le pays avant
le 31 août va priver Djibouti d’une main d’oeuvre étrangère
bon marché.

De plus en plus de Djiboutiens
s’interrogent sur la politique gouvernementale: Qui assurera l’entretien de
la maison? Qui s’occupera du linge sale et des enfants en l’absence de la
mère partie travailler? Qui ira au marché ou fera la cuisine?

Qui assurera la gardiennage
du magasin, de l’entrepôt ou de l’habitation? Qui lavera la voiture
ou assumera les multiples tâches ingrates ou physiques, de vendeurs
à la sauvette ou de livreurs?

Dans ce petit pays de
la Corne de l’Afrique qui jouit d’une relative propérité grâce
à la présence de bases militaires française et américaine,
de nombreux petits métiers sont occupés par des étrangers,
clandestins ou non.

Les Djiboutiens interrogés
par l’AFP sont partagés entre leur désir de sauvegarder leur
situation confortable en retenant les personnes à leur service, leur
promettant qu’ils ne risquent rien et celui d’obéir aux injonctions
du ministère de l’Intérieur qui les a invités à
régler aux immigrés économiques leurs dûs et à
les laisser partir rapidement.

« Je ne laisserai
jamais partir une femme qui m’aide depuis 10 ans »
s’exclame ainsi
Anissa Mohamed, âgée d’une soixantaine d’années.

Tout en estimant que les
clandestins sont trop nombreux et trop voyants, de nombreux habitants ont
entrepris une véritable course contre la montre pour sauver « leurs »
clandestins.

Ils tentent d’obtenir
de vrais ou faux documents pour garder leurs « protégés »
et même prouver leur citoyenneté. Certains n’hésitent
pas à recourir aux mariages blancs ou tentent de corrompre des fonctionnaires
pour obtenir des visas longs séjours.

Le ministre de l’Intérieur
Abboulkader Doualeh Waïs a d’ailleurs averti que tous les « cadis »
ou juges musulmans qui délivreront des actes de mariages entre citoyens
djiboutiens et étrangers « risquent d’être traduits devant
la justice ».

« Les Djiboutiens
se plaignent de l’insécurité et du très grand nombre
d’immigrés clandestins qui risque à terme de bouleverser l’équilibre
ethnique du pays mais refusent de laisser partir leur femme de ménage
ou leur gardien », a-t-il souligné.

Farah, qui a longtemps
vécu en Europe, invite de son côté les Djiboutiens à
être plus lucides et à s’adapter à leurs nouvelles conditions
de « non assistés ».

« Nous devons apprendre
à laver, à cuisiner et à aller au marché »
dit-il.

Selon lui, les familles
djiboutiennes économiseront les soldes de l’employée de maison
et du gardien soit en moyenne 20 à 30.000 francsdollar US = 178 fdj).

Houssein, un syndicaliste,
se met lui à rêver d’une résorption du chômage dans
le pays du fait des emplois libérés par les clandestins. Ils
seront « automatiquement occupés par des Djiboutiens », il
suffirait « d’augmenter un peu les soldes », affirme-t-il.

Des hauts responsables
commencent toutefois à admettre sous couvert de l’anonymat que des
raisons sécuritaires plus qu’économiques, liées à
la présence américaine dans le pays et à la multiplication
des avis américains de « menaces terroristes » à travers
le monde depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, dictent
ces mesures d’expulsion qui risquent de bouleverser le vie des Djiboutiens.

« Nous sommes tenus
de mieux contrôler nos frontières pour savoir qui entre et qui
sort », a récemment déclaré l’un d’eux à l’AFP.