02/09/03 (B210) Effectivement la vie des Djiboutiens est désorganisée. (AFP)

Les habitudes de nombreux
Djiboutiens bouleversées par l’exode des clandestins

DJIBOUTI, 2 sept (AFP)
– "J’ai acheté une machine à laver, malgré les récriminations
de mon mari qui craint d’avoir une facture d’électricité salée",
explique Zahra, une habitante de Djibouti, dont la femme de ménage,
en situation irrégulière, vient de quitter le pays sur ordre
du gouvernement.

Avec le départ
depuis un mois de plusieurs dizaines de milliers de clandestins, dont beaucoup
travaillaient comme personnel de maison ou occupaient des "petits boulots",
la population de Djibouti-ville voit ses habitudes bouleversées et
la capitale transformée.

L’emploi de personnel
de maison était particulièrement répandu au sein de la
classe moyenne djiboutienne, essentiellement des commerçants et des
fonctionnaires.

Par rapport aux pays de
la région, les salaires de Djibouti sont beaucoup plus élevés,
le salaire minimum étant par exemple de 17.500 francs djiboutiens,
soit 100 dollars, en raison d’une relative prospérité due à
la présence de bases militaires française et américaine.

Saïda, secrétaire
dans l’administration, explique pour sa part qu’elle quitte son travail une
heure plus tôt pour préparer le repas de midi depuis le départ
de sa cuisinière.

"Je suis depuis
plusieurs jours à la recherche d’une aide à domicile et je n’en
trouve pas", se plaint cette mère de cinq enfants, âgée
de 35 ans.

Fin juillet, le gouvernement
djiboutien a lancé un ultimatum aux clandestins, essentiellement des
Ethiopiens et des Somaliens, pour quitter ce petit pays de 600.000 habitants,
situé dans la Corne de l’Afrique, une des régions les plus instables
du monde.

La date butoir, initialement
fixée au dimanche 31 août, a finalement été reportée
au 15 septembre, et les personnes en situation illégale continuent
à fuir le pays.

De plus en plus de responsables
de l’administration djiboutienne, sous couvert de l’anonymat, reconnaissent
que la décision du gouvernement est notamment liée à
la présence américaine dans le pays et aux avis de "menaces
terroristes" à travers le monde, lancés depuis Washington.

Après le départ
de son personnel de maison, Fozia, employée de banque de 45 ans et
mère de trois enfants, s’inquiète pour la rentrée scolaire,
prévue la semaine prochaine.

"Qui ira à
la boutique, préparera le thé, qui cherchera tôt le matin
les beignets, les galettes de dourrah (spécialité djiboutienne
à base de céréales) ou le pain ?", se demande-t-elle.

"Il m’est impossible
d’arriver en retard ou de quitter mon travail une heure plus tôt",
explique-t-elle. "Il faudra apprendre aux maris et aux enfants à
mieux s’organiser, les femmes ne sont pas les seules corvéables",
lance Saïda.

"Les anciennes
conventions dictées par les moeurs, la tradition ou même la religion
et qui empêchaient jusque-là qu’un homme cuisine ou s’occupe
du linge sale sont dépassées", estime-t-elle.

Des hommes ont d’ailleurs
commencé à mettre la main à la pâte. "Ils
vident les poubelles, repassent le linge, vont à la boutique, remplissent
les bouteilles d’eau et s’occupent de la vaisselle ou de la voiture",
assure Hibo, commerçante d’une quarantaine d’années, qui se
demande toutefois combien de temps cela va durer.

Depuis quelques jours,
la vie dans la capitale paraît s’être subitement assoupie.

Entre midi et 18 heures,
une bonne partie de la population s’abandonne encore à mâcher
du khat, une plante euphorisante très consommée dans la Corne
de l’Afrique, mais les places jusque-là grouillantes de monde semblent
désertes, et la circulation beaucoup moins dense que d’ordinaire.

Dans les rues, les multiples
abris de fortune faits de branches, de planches et de tôles sont abandonnés.
Les clandestins qui les habitaient ont plié bagage. D’ici quelques
jours, les services de la voirie devraient les brûler.