04/09/03 (B210) Témoignage dans le cadre de l’opération de nettoyage ethnique en cours à Djibouti (LDDH)

 

Le Président

DIFFUSION D’INFORMATION
DU 1er SEPTEMBRE 2003

Flegmatiques mais la
peur au ventre, et la rage au cœur des milliers de rapatriés  »
volontaires  » fuient Djibouti :  » Terre de rencontre et d’échanges
!  » Nous publions ci-dessous une production d’un sympathisant et collaborateur
de la LDDH réagissant aux événements majeurs qui se déroulent
chez nous en ce moment.

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Témoignage

HUMEUR CITOYENNE

A un mètre du trottoir
contre la façade extérieure de la clôture d’un bâtiment,
Fatouma a dressé une espèce d’abri fait d’assemblage de vieux
tissus. L’espace intérieur d’environ 3 mètres carrés
est recouvert de morceaux de carton en guise de matelas. A cet endroit précis
elle a donné la vie. Oui elle y a accouché avec pour seule assistance
une dame un peu plus âgée qu’elle.

Une fiction ? Hélas
non. Cela s’est passé à Djibouti le mardi au soir du 26 août
2003 à la rue Pasteur située dans le quartier résidentiel
du Plateau du Serpent. Fatouma, environ la trentaine, est SDF (Sans Domicile
Fixe). Elle fait partie de ces milliers de sans papiers démunis de
tout. Ces parias ignorés des uns, méprisés des autres
et exploités à l’occasion. Ces laisser pour compte dont l’existence
se résume à errer dans les rues de la capitale au milieu des
gros 4×4 flambant neufs.
Comme pour ajouter à sa détresse, Fatouma doit partir. Elle
doit quitter le Territoire dans un délai de quatre (4) jours. La République
ne veut plus d’elle et le fait savoir en grandes pompes. Elle doit réunir
l’argent nécessaire pour le voyage. Si elle y arrive, il lui faudra
pouvoir se hisser dans un wagon. Une épreuve quand on sait la sévérité
de la lutte impitoyable pour accéder aux marches du train.

Le 30 août, Fatouma,
son bébé de trois jours sur le bras, aura subit un calvaire.
Un de plus. Les bousculades, les queues infinies, la canicule. Elle est partie
au milieu de la foule dans un wagon bondé pour rejoindre Shinilé
de son Ethiopie natale. Tiendra-t-elle jusqu’au bout ? Rien n’est moins sûr.
Elle a pris le risque. C’était le prix à payer pour respecter
l’ultimatum. Un ultimatum dont elle craignait tant l’issu. Son expérience
djiboutienne l’a sûrement confrontée aux exactions nombreuses
et la cruauté policières vis à vis de gens de son genre,
sans protection, sans défense ni droits.

Cette histoire, répétons
le, aussi tragique qu’authentique nous amène à des réflexions
et à des interrogations sur le problème de l’immigration en
République de Djibouti.

Arrêtons-nous sur
les faits. Il est indéniable que depuis l’indépendance où
les frontières sont plus lâches, Djibouti attire et accueille
une population immigrée provenant essentiellement des pays limitrophes.

Les guerres qui ont sévi de manière plus ou moins larvée
dans la sous-région ont déversé un nombre important de
réfugiés dans le pays. L’hospitalité naturelle des djiboutiens
aidant, la densité des étrangers installés augmentait
régulièrement au fil des temps. Ils représentent aujourd’hui
une proportion notable des habitants des villes djiboutiennes et même
de certaines localités de l’arrière pays.

Parmi eux figurent les
résidents légaux exerçant des activités économiques
dans les secteurs formels et/ou informels. Plus nombreux sont ceux qui vivent
en famille depuis longtemps dans le pays tout en étant dépourvus
de documents officiels de résidence. Cela ne les empêchait nullement,
jusque là du moins, de travailler au noir ou de développer des
petits commerces individuels leur permettant de se loger et de mener une vie
de monsieur tout le monde.

Enfin, la catégorie
sans doute le plus visible est constituée d’une population flottante
sans ressources ni domicile fixe. La pauvreté extrême de ces
SDF n’est pas sans poser des problèmes d’hygiène, de sécurité
et de santé publique.

Et pourtant même
cette couche rend des services à petits prix dans tous les quartiers
populaires de la capitale qu’elle squatte en majorité. En effet, il
n’est pas rare d’y croiser des femmes et des enfants portant sur la tête
des gros paquets de poubelles suppléant ainsi à la défaillance
des services de voirie. Ce sont aussi ces gens qui entretiennent le réseau
superficiel de conduits d’eaux usées très fréquents dans
ces mêmes quartiers.
Le constat énoncé ci-dessus appelle naturellement des questions
:
– l’immigration, aussi clandestine soit-elle, peut-elle être synonyme
de tant de maux que ne veut le faire croire la campagne actuelle dont l’agressivité
frise la xénophobie ? (voir encadré :extraits fidèles
d’articles de la presse écrite gouvernementale.)

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Extraits de La Nation
Le compte à rebours a commencé !
… la présence des milliers de clandestins a favorisé
d’une certaine manière le chômage et la paupérisation.

La lutte contre la pauvreté dans laquelle Djibouti s ‘est engagé
ne pouvait ignorer cet aspect du problème..

LA
NATION n° 62 du lundi 04 août 2003.

Sans
immigration Djibouti sera-t-il sans bras ?

….ce raz de marée à la quête d’un quelconque emploi
dont le phare étant Djibouti, objet de convoitise des pays limitrophes,
risquait bel et bien de générer les problèmes suivants
:
– Multiplication de la délinquance, augmentation de l’insécurité…..
– L’apparition du phénomène du commerce parallèle autrement
dit la fuite des capitaux.
– La création des emplois destinés aux clandestins et échappant
à toute forme juridictionnelle.
– Augmentation cruelle du trafic des stupéfiants.
– Dans certains quartiers djiboutiens et à Tadjourah-ville en particulier
les clandestins détiennent le monopole du commerce et n’hésite
pas à décider du prix des petits produits.

LA
NATION n° 62 du lundi 04 août 2003

Les
personnes en situation irrégulière doivent se préparer
à quitter le pays..

…pour que ces gens puissent survivre. Ils se livrent à toutes
sortes d’activités sans exception ? ( vol, violence, cambriolage,
drogue, prostitution) et polluent aussi partout, la plupart étant
sans domicile fixe. De plus ils affluent se poursuivent sans répit
partout sur le territoire. Ils nous est presque impossible de les contenir.

LA
NATION n° 60 du lundi 28 juillet 2003

_________________________________ Suite du témoignage

– Et puis quand bien même
une immigration massive et incontrôlée pose problème à
qui la faute? Certainement pas aux clandestins. Il appartient à la
nation hôte d’édicter des règles claires et de les faire
respecter sans pour autant attenter à la dignité humaine. La
brutalité des mesures actuelles visant à renvoyer les clandestins
est pour le moins choquante voire inhumaine.

L’intensité de la campagne médiatique et l’exiguïté
du délai accordé ont provoqué un affolement chez la population
concernée qui s’est jetée en masse sur les chemins du retour
à tel point qu’il arrive à ces personnes de passer trois (3)
nuits devant la gare pour trouver une place.

Est-il vraiment nécessaire
de mettre ces gens dans des conditions aussi pénibles sous le soleil
d’août ?

Et puis que dire des tous
ceux-là qui se sont installés dans le pays sans se soucier de
papiers que d’ailleurs personne n’a jamais exigés de leur part. Ils
ont crée leurs propres activités (micros entreprises, commerces…)
avec la complicité de prête-noms locaux.

Aujourd’hui ils sont contraints
de brader leurs œuvres quand ils ne sont tout bonnement expropriés.

N’était-il pas
possible de prendre en compte leur différence ?

On ne balaie pas en 35
jours les résultats de 25 années de laxisme politique en matière
d’immigration. On ne gère pas la vie des gens, ne fussent des clandestins,
à coups d’ultimatums.

La législation
djiboutienne relative à la nationalité et à la délivrance
de permis de séjour pour étrangers a toujours été
aussi opaque que sévère et son application souvent à
géométrie variable. Ceci n’a pas manqué de décourager
beaucoup d’étrangers vivant avec nous, de tenter une régularisation
quelconque.

Peut-on passer sous silence
l’existence de milliers de personnes présentes sur le territoire depuis
3 générations avec un statut ambigu de ni citoyen ni étranger.
Apatrides est sûrement le terme qui convient le mieux.

Dans le fond nul ne peut
reprocher au pouvoir en place de mettre un peu d’ordre à la maison
cependant la manière de s’y prendre risque de créer une fracture
entre des populations voisines. Par ces actes ne mettons-nous pas en danger
l’intégration régionale de notre pays et de manière plus
immédiate la sécurité même de nos concitoyens séjournant
dans les pays dont les natifs sont ainsi traités ? Déjà
les rumeurs font état de représailles populaires à l’égard
des djiboutiens à Dire Dawa ( Ethiopie).

Le discours Oh! combien
populiste de  » je chasse l’étranger pour te faire de la place
 » a déjà montré sa nocivité dans d’autres
contrées en d’autres temps. Il a historiquement été synonyme
de mensonge et de danger. C’est encore le cas aujourd’hui.

Les étrangers incriminés
à Djibouti remplissent généralement des taches dures
et ingrates que peu de djiboutiens convoitent réellement. Ils participent
à la vie économique et sociale. Les djiboutois palpent déjà
les premières conséquences de leur départ forcé.
Au marché la viande est plus rare donc plus chère. La raison
: la chaîne de production/distribution dont des maillons essentiels
étaient des étrangers, est rompue brutalement.
Le cas du pain est aussi sur toutes les langues. La qualité de la baguette
s’est soudain dégradée. Là aussi des étrangers
étaient au four, à 50°C . Aujourd’hui ils manquent à
l’appel. A moins , bien sûr, que ces derniers n’aient mangé tout
le bon pain avant de partir.

Une chose est sure, la
xénophobie ambiante et entretenue à dessin par la presse gouvernementale
ne résoudra en rien le problème du chômage à Djibouti
pas plus qu’elle ne jugulera une pauvreté désormais chronique
dans le pays. Tout au plus maintiendra-t-elle sur un irrationnel hypertrophié
une illusion doublée d’une frustration.

L’avenir de la Nation
passe par le rapprochement des peuples et repose sur le respect des valeurs
universellement reconnues comme étant source de progrès.
Le peuple attend la JUSTICE, LA LIBERTE, LA PROBITE DES SES RESPONSABLES…
Bref, IL ATTEND LA REPUBLIQUE.

Souleiman
A. Mohamed

______________________________ Bref
commentaire de l’article (LDDH)

Tout en appréciant
cet article à sa juste valeur nous laissons le soin aux lecteurs la
perception de la douleur profonde ressentie aussi bien par des djiboutiens
que par les rapatriés forcés.

Constat
de la LDDH.

La Ligue Djiboutienne
des Droits Humains (LDDH) est consciente que les mesures extrêmes consistant
à vider en quelques jours tous les  » sans papiers  » du territoire
national sont regrettables.

Elle déplore le
non-respect et le non-application des textes législatifs et juridiques
en vigueur et ce depuis l’indépendance et rappelle que ceci conduit
inéluctablement à des décisions extrêmes et brusques
;

La Ligue Djiboutienne
des Droits Humains (LDDH) ne manquera pas de tracer au moment opportun les
importantes incidences financières et sociaux-économiques consécutives
à ces mesures brusques.

NOEL
ABDI Jean-Paul