22/10/03 (B217) LE FIGARO – Affaire Borrel : la thèse de l’assassinat se renforce

Par Tanguy Berthemet
[22 octobre 2003]

Pendant huit ans le doute
a plané sur les circonstances de la mort de Bernard Borrel. En 1995,
la dépouille calcinée de ce juge français avait été
retrouvée dans un ravin à 80 kilomètres de Djibouti.
Désormais la thèse du suicide, longtemps brandie en guise d’explication
à cette mort brutale, est écartée. Une nouvelle expertise
rendue publique hier par les avocats de la veuve conclut que «l’hypothèse
de l’intervention d’un tiers ou de plusieurs tiers à l’origine du décès
de Bernard Borrel se trouve renforcée».


Déjà en novembre dernier, à la demande du juge d’instruction
Jean-Baptiste Parlos, ce collège de trois experts avaient mis en évidence
que le suicide était «difficilement crédible». Il
pointait du doigt l’existence, jusqu’alors jamais décelée en
dépit de plusieurs autopsies, d’une importante lésion sur le
crâne et d’une autre au poignet attribuées à «un
objet tranchant et contondant». Mais, il ne s’engageait guère
sur l’origine de ces coups. La seconde mission est plus précise. Elle
insiste sur le fait que le traumatisme crânien est peu compatible avec
une chute alors que la blessure à l’avant-bras correspond à
une «lésion de défense». Enfin, les spécialistes
écartent la possibilité «d’une autoaspersion» d’essence.


«Il semble désormais clair que Bernard Borrel a été
frappé, aspergé d’essence et enflammé par son ou ses
assassins», insiste Me Olivier Morice, l’un des défenseurs d’Élisabeth
Borrel. Et de mettre en avant «une nouvelle preuve» de l’assassinat
: une trace d’hydrocarbure «qui n’est pas de l’essence» découverte
sur le pied de la victime. «Or, on a retrouvé près du
corps qu’un seul jerrycan et il contenait de l’essence», rappelle l’avocat.


Élisabeth Borrel, elle aussi magistrat, entend maintenant lancer une
offensive judiciaire tous azimuts pour «connaître la vérité»
dans «cette affaire d’Etat». Ainsi, dans les semaines à
venir, ses avocats demanderont la saisine de la commission de levée
du secret défense. De fait, fin août, dans un courrier, le ministère
de la Défense a indiqué qu’il possédait douze documents
«présentant un lien avec la mort du juge Borrel» mais que
ces pièces étaient «protégées au titre du
secret défense». Par ailleurs, la veuve attend le développement
d’une plainte pour «subornation de témoins» confiée
au doyen des juges d’instruction de Versailles. La procédure vise les
pressions qu’ont subies Ali Ifti et Mohammed Aloumekani. Ces deux anciens
membres de la garde présidentielle de Djibouti affirment avoir été
les témoins d’une conversation en haut lieu à propos de «la
mort du juge fouineur».


Reste que dans cette «quête de la vérité»
le plus difficile est sans doute à venir. Ainsi les mobiles du meurtre
demeurent flous. Conseiller auprès du ministre de la Justice de Djibouti,
Bernard Borrel aurait découvert des informations sur des dossiers sensibles,
notamment l’attentat de 1990 contre le Café de Paris, un bar de Djibouti
fréquenté par les expatriés. Mais cette fois ni expertises
ni témoignages ne sont là pour étayer cette hypothèse.