03/01/04 (B228) Lu sur le site du GED. Comment une équipe dictatoriale corrompue peut-elle manipuler le FMI, la Banque mondiale ou toute autre institution internationale ? (Sous la signature d’Abdourahman Yassin, membre du GED)

Question Economie –
Entretien avec notre expert, Docteur en Economie et Enseignant de haut niveau
qui va tenter de nous expliquer succinctement certains aspects du fonctionnement
de l’Economie et ses subtilités.

Par M Abdourahman
Yassin

L’économie mondiale
contemporaine peut être regardée comme un ensemble de sous-systèmes
inégaux et de relations entre des institutions dominantes et dominées.

Les principaux types d’institutions
sur cette scène sont les administrations des États, les entreprises
multinationales et les grandes entreprises industrielles, commerciales et
bancaires nationales, privées ou publiques, les organisations professionnelles
patronales ou non patronales des diverses activités, soit nationales
soit internationales, et les organisations intergouvernementales.

Pour comprendre les relations
économiques et monétaires internationales actuelles, il est
préférable de partir de l’idée que le monde n’est pas
une juxtaposition de pays qui font des échanges.

Ce sont non pas des quantités
de produits ou de capitaux qui s’affrontent, mais des institutions et ceux
qui les dirigent et, à travers eux, des populations très divisées.

Question
– Comment peut-on tromper la vigilance du FMI au niveau d’une Banque centrale
et d’un Ministère des Finances ?.

Réponse
– Par un simple  » tripatouillage  » des comptes publics. On peut
omettre sciemment de renseigner certaines lignes et ne pas y mentionner des
opérations qui sont sujettes à caution.


Par ailleurs on peut y mentionner des opérations fictives, il est très
difficile de contrôler un budget dans le détail y compris celui
d’un Ministère.

Question
– Ceci veut dire que l’on peut nommer l’incompétence au poste du Directeur
de la Banque centrale comme au niveau d’un Ministère des Finances ou
autre Ministère à la seule condition que l’on ait derrière
des  » tripatouilleurs  » ?.

Réponse
– Oui, tout à fait possible mais ce sont tout de même de rares
exceptions réservés aux Etats qui perçoivent des Aides
internationales importantes et dans lesquels la corruption est entretenue
car chacun y trouve son intérêt à très haut niveau.


Dans de tels pays, il faudrait soit un Ministre des Finances, un Directeur
de la Banque centrale et des experts économistes à la hauteur
de leurs responsabilités, soit des observateurs permanents du Fonds
Monétaire International et de la Banque Mondiale sur place qui puissent
suivre en temps réel avec un  » Droit de Regard  » sur tous
les comptes à tous moments et sans limite.


Les pays  » Bailleurs de Fonds  » imposent parfois un Ministre des
Finances choisi par eux dans le pays.


Le contexte de gestion peut être alors différent et c’est d’ailleurs
pour cela que certains Ministres des Finances, dans les pays qui reçoivent
de telles Aides arrivent très rapidement à se mettre en opposition
car ils sont un obstacle, exigent des comptes de la part d’autres Ministres
et sont sans cesse en proie aux ordres venus  » d’en haut  » qui considèrent
les  » finances publiques  » comme un puit sans fin.

On
peut même dire que la présidence attend souvent que le Ministre
des Finances soit en déplacement à l’étranger pour lancer
des opérations importantes et donner des ordres à ses subordonnés,
ordres que ledit Ministre n’aurait pas acceptés s’il avait été
présent.

Question – Un
pays étranger, important bailleur de fonds que nous appellerons A aide
un pays que l’on appellera B, peut-il intervenir au profit de B et dans le
cadre du FMI comme il le fait avec la Banque mondiale en « couvrant »
ce pays et les excès de ses dirigeants ?.

Réponse
– Oui dès l’instant où le pays A en question est un important
 » Bailleur de Fonds  » il peut à tout instant intervenir auprès
du Fonds Monétaire International et user de son influence auprès
de lui. Il a forcément un intérêt à le faire ;
reste à savoir lequel ?.

C’est toujours le  »
Payeur qui commande « , en l’occurrence le  » Bailleur de Fonds « .

Le pays en question peut
tout à fait intervenir officiellement dans un cadre bilatéral
et n’est pas tenu de faire publicité dans la presse de toutes les sommes
allouées au pays B ;

sommes qui ne passent pas forcément par le Ministère des Finances
de B qui peut ne pas en être informé si le président ne
le souhaite pas.

Question
– Vous voulez dire que le  » Bailleur de Fonds  » A. peut décider
d’affecter une somme de 10 millions d’USD voire plus sans pour cela que cela
se sache ?.

Réponse
– Cela se saura forcément à un haut niveau du Ministère
des Finances A ou des Ministères A allouant cette aide mais rien n’oblige
l’Etat  » bailleur de Fonds  » et l’Etat B à en faire publicité.


De plus et si l’opération est bien montée avec un Organisme
écran et officiel que nous appellerons C rompu à ces pratiques
et n’ayant pas d’organismes de contrôle de sa gestion, la pratique n’en
sera que plus aisée.


N’oublions pas que l’aide peut être fournie par exemple sous forme de
prêts octroyés par des organismes privés. Mais ces derniers
peuvent être encouragés à le faire par des hauts responsables
du pays bailleur.


Une affaire qui s’inspire de telles pratiques a défrayé la chronique
dans les années 85 et fut l’exemple des possibilités offertes
en matière de  » tripatouillage « . Quelques têtes sont
tombées, l’affaire n’est pas allée jusqu’à son terme
car toutes les barrières furent mises en place pour empêcher
la justice d’aller au bout.

Des amendes à
hauteur de 500 et 600 000 francs furent prononcées par le Tribunal
à l’encontre de ceux qui étaient considérés comme
les principaux responsables à l’époque et dont peu se souviennent
de leurs noms aujourd’hui.

Question – Le
FMI et la BM n’interviennent pas dans la gestion si un pays donateur A fournit
une aide à B et que ces sommes sont détournées ?.

Réponse
– Non, le FMI et la BM sont des organismes multilatéraux, théoriquement
ils n’ont pas de vocation politique et n’ont donc pas à intervenir
dans une opération bilatérale, même pour s’opposer aux
 » tripatouillages  » et n’ont pas à les dénoncer.


Le FMI observe, constate, analyse ce qu’on lui présente au niveau de
la Banque centrale et du Ministères des Finances du pays concerné.

Si nécessaire,
il propose des plans d’aménagements structuraux de l’Economie du pays
concerné.

La Banque mondiale fournit
des Aides à fonds perdus pour des projets d’infrastructures particuliers
et ciblés ou des prêts qui contribuent à augmenter la
dette publique.


Supposons qu’une Aide bilatérale du  » Bailleur de Fonds  »
améliore en instant T les comptes publics, visiblement sur le plan
comptable ce qui ne changerait rien sur le terrain, le Fonds Monétaire
International n’aurait plus aucune critique à formuler sur la situation
financière pour un temps ce qui n’empêcherait pas d’avoir une
situation économique et sociale catastrophiques.

Il
n’empêche que les experts du Fonds sont au courant de la supercherie.

Question – A
la supposition que le pays B soit une plaque tournante du blanchiment d’argent
au niveau international et que les sommes qui transitent par les banques locales
soient faramineuses et se chiffrent en dizaines de milliards d’USD chaque
année est ce que ceci contribue à l’amélioration en apparence
de l’économie locale ? ou comment peut-on masquer la situation exacte
de l’économie derrière une monnaie dite en bon état ?.

Réponse
– Ma réponse est d’évidence oui, ce qui ne veut pas dire que
la situation économique soit bonne.


On la rend bonne en superficie apparente alors que le taux de chômage
peut atteindre 80 % de la population dite active et que le niveau de vie de
ses habitants peut se situer aux dernières places d’un continent.


On peut ainsi jouer au  » yoyo  » avec la monnaie du pays et on peut
 » arranger  » ses comptes publics, on peut même arriver à
casser la monnaie.

M
Abdourahman Yassin

Membre du Conseil de Gouvernement
en Exil de Djibouti Chargé des Finances, de l’Économie et de
la Planification