05/05/04 (B245) « Faire mentir les mots » par Mohamed Qayaad.

Retour sur la violente
attaque anti-française du gouvernement djiboutien, suite à la
couverture médiatique en France des rebondissements de l’affaire Borrel.
Selon l’auteur, cet emballement des organes de communication « ioguistes
» montre l’intolérance et le comportement dictatorial du régime.

La vieille habitude ioguiste
(1) de faire de tout mensonge d’État une vérité indiscutée
montre l’abîme qui sépare la logique du pouvoir autocratique
djiboutien de celle des opinions démocratiques.

Un débat ? Devant
tant de malheur !

Les organes de propagande d’iog – La Nation et l’Adi (2) – préfèront
asséner des vérités indiscutables afin de mieux enfermer
ceux qui les discutaient – RFI, TFI et autres – dans la posture
de polémistes au cœur de pierre ou de complices dévoyés
à la cause de l’ennemi – la France.

Puisqu’il s’agit de la mort d’un juge que ces deux organes répandraient
en notre nom, les Djiboutiens ont le droit de savoir la vérité
et le droit de ne pas accepter que ces derniers leur refusent les moyens de
penser contre la volonté de leurs gouvernants.

La Nation et l’Adi avaient expliqué : « Ceux qui mettent en cause
les autorités djiboutiennes veulent déstabiliser la RDD ».

Tragique et criminelle manipulation de la part des autorités djiboutiennes.

Entre tragique et grotesque, à quel saint se vouer ?

La nécessité d’une analyse asymétrique s’impose en effet
: RFI, TF1, ne visent pas la population djiboutienne alors qu’IOG s’en fait
le porte-parole ? Lui avait-elle délégué ? Avait-il cette
légitimité morale et politique ? Pas sûr…

Et l’on frôla la caricature quand la RTD, d’une dociliité ioguiste
pourtant toujours prise en défaut, dénonça en les médias
français « un formidable outil de propagande ».

Mr "I", un journaliste djiboutien, déclare que « sans
le totalitarisme du monopole d’État sur la communication audiovisuelle
à Djibouti, certains d’entre-nous ne seraient peut-être jamais
partis au loin pour y être réduits à faire n’importe quoi
pour survivre ». Triste constat !

Les professionnels des médias sont nombreux à fuir aujourd’hui
Djibouti pour échapper à l’intolérance et au comportement
dictatorial d’IOG.

Ces organes sont une arme à sa solde. Mal informée, la population
djiboutienne est forcément partisane.

On l’a compris : la bonne propagande de La Nation et de l’Adi, c’est de savoir
appâter les Djiboutiens devant le souvenir de très vieilles histoires
sans images (le colonialisme) et l’imagination de conséquences encore
inimaginables – et forcément dépourvues d’images, qui charirent
une émotion mille fois plus ductile que l’intelligence.

Cette dictature qui n’a plus de bornes aujourd’hui, qui a tout investi, en
particulier les modes de pensée si bien mis en place, dont l’empreinte
est partout, prête à tout s’adjuger.

Mais, en vérité, tout ne lui appartenait-il pas déjà
?

Hors du club ioguiste,
point de salut.

Il a su imposer sa philosophie sans avoir dû vraiment la formuler ni
même élaborer de doctrine.

Imagine-t-on ce que les Djiboutiens éprouvent dans la lenteur des journées
qui traînent à n’avoir droit à rien de ce qu’on leur expose
comme composant la vie ? Ils ne sont pas des despotes qui auraient inventé
cette dictature et éradiqué cette liberté qui leur fait
tant défaut, comme à leurs familles ?

Leur existence fonctionne comme un cauchemar vague et sans fin, issu d’une
société sans eux, de plus en plus fondée autour de leur
rejet plus ou moins implicite.

Destins annulés, jeunesse détériorée. Avenir aboli.

Exclus d’une société basée sur un système qui
ne fonctionne plus, mais hors laquelle il n’y a ni salut, ni statut. Du moins
dans l’illégalité.

De qui se moque-t-on ? De ces répudiés, de ces laissés
pour compte jetés dans un néant social.

De ces oubliés-là, abandonnés, proscrits. Hors jeu !

Ayant ainsi neutralisé chez RFI, TF1 la possibilité de préjuger,
La Nation et l’Adi vont dénier la possibilité de parler «
d’assassinat », réutilisant, pour conclure, cette étape
de leur prise de parole (s’agissant techniquement d’une péroraison),
le recours à la peur et à l’autorité « vise à
déstabiliser la RDD ».

Je constate l’abondance et l’enchevêtrement de procédés
manipulatoires que ces deux organes enchaînent sans répit.

Tantôt l’Adi a recours ici à un énoncé de faits
qu’elle présente immédiatement comme non connus du public puisque
les médias n’en ont pas parlé. Plus loin, elle reprend alors,
sur le mode de la répétition « suicide » thème
déjà utilisé.

Nul besoin pour l’Adi de le déveloper longuement, chacun l’a déjà
entendu des milliers de fois.

Cet amalgame permet d’ouvrir une chaîne de fausses causalités,
qui va lier entre eux les Djiboutiens et les Français (en réalité
les commanditaires de cet assassinat et la justice française).

La situation ainsi manipulée est complètement retournée
– le juge Borrel parce qu’il s’est suicidé, Elisabeth [son épouse,
ndlr] n’a plus qu’à s’en prendre à elle-même.
Le recours à la peur alterné avec la séduction démagogique
illustre bien le message manipulatoire.

Ces organes de propagande dénoncent le complot dont Djibouti est victime
et tentent d’en démonter les rouages.

Ils s’emploient,inlassement,à expliquer ce qu’ils croient être
une machination ourdie contre Djibouti.

Ils insistent sur l’idée d’une élaboration lente et rigoureuse,autant
que sur la structure compliquée de la machination.

Aussi la Nation et l’Adi ont-elles encore une fois recours au champ lexical
de l’art,indissociablement lié à celui de la tromperie et de
la falsification des apparences.

Elles sont en train de donner le pire exemple de l’intégrisme,c’est-à-dire
de la prétention de détenir la vérité absolue
et par conséquent,d’avoir non seulement le droit mais le devoir de
l’imposer à tous(tes) les djiboutiens(nes).

Elles s’obstinent à nier l’évidence,s’enferment dans le fantasme
puéril de la conspiration,dans la posture paranoiaque du dissident,la
méfiance systématique, cette fausse lucidité qui est
la version sophistiquée du révisionnisme.

Hors ces organes pas de salut,hors de leur vérité,l’erreur.

La Nation, l’Adi auront-elles le courage, le génie de dénoncer
tous les effets pervers de cette dictature ?

Que peuvent les djiboutiens attendre d’elle (dictature) ? Que peuvent-ils
attendre de l’avenir ? Avenir sans projet ? Un avenir qui leur réserve
« chomage », « misère », « rejet »
? Le sentiment d’être inutiles ou, même, parasitaires ? Des virtuoses
de l’exclusion !

Quand tiendront-elles compte, non pour s’en indigner ou s’y opposer, mais
pour en repérer la logique ?

Combien de temps leur faudra-t-il pour s’en éveiller ?

Hélas, à Djibouti on peut-être émigré, immigré
sur place ; être de par pauvreté, en exil dans son propre pays.

Et cela, encore une fois, La Nation ou l’Adi ne le disent pas !

Ces malheureux Djiboutiens n’étaient pas fabriqués pour devenir
des misérables, des affamés, des victimes, mêmes s’ils
y étaient destinés. Combien sont-ils à déplorer
le fait que la citoyenneté ait été vidée de son
contenu ? Reste-t-il un être humain sur la terre qui ait encore l’illusion
du contraire ?

Ils sont rejetés sur les bords de la route, qui ne mène plus
aux mêmes lieux.

Où conduit-elle ? Nul ne sait.

Lutte comparable à celle menée pour sa vie par la chèvre
pathétique de Monsieur Seguin ?

Il est certes question, ici encore, d’un côté de ne pas périr,
de l’autre, d’assouvir un appétit inextinguible.

A comparer nos situations, on peut se demander quelle devrait être la
réaction de l’opinion occidentale face aux discours de leurs politiciens
sur « les droits de l’Homme, la démocratie et la liberté
». Quelle confiance leur accorder quand les djiboutiens les voient pour
des raisons d’intérêts économiques, géostratégiques,
collaborer avec les régimes les plus ignobles, les plus terroristes
et les plus corrompus ?

On soutient des dictatures qui étouffent leurs peuples et les oppositions
sous une répression quotidienne.

Dire de si belles choses, en faire ou en laisser faire de si noires…

On le savait, on le disait, on le voit confirmé tous les jours : ce
sont les intérêts géostratégiques qui ont un prix,
le droit d’un peuple, son choix et sa liberté seront sacrifiés
sur l’autel de l’intérêt ou pour parler comme l’ancien ministre
de l’Intérieur, Pasqua, au nom de la raison supérieure de l’État.

La notion de démocratie et l’idéal de liberté sont, dans
la pratique, vidés de leur contenu. A qui donc faire confiance ?

Imposer un tel ordre dictatorial à Djibouti et continuer à user
des notions de « droits de l’Homme » et « démocratie
» c’est faire mentir les mots et dévoiler les hypocrisies.

Il faut faire le compte aujourd’hui de l’horreur provoquée par l’endettement
de Djibouti et par l’asservicement général qui en découle
et il faut, de la même façon, prendre la mesure de l’écart
qui existe entre les beaux discours parsemés de références
à la grandeur de l’islam et les pratiques financières les plus
troubles et les moins avouables.

L’hypocrisie est totale. L’air est à la démission.

MOHAMED
QAYAAD