04/01/05 (B279) RSF : ETHIOPIE / Une semaine de détention préventive pour « diffamation »: les journalistes d’Ethiop continuent d’être harcelés par la justice

Le quotidien et magazine
indépendant Ethiop, de langue amharique, continue de faire l’objet
d’un harcèlement judiciaire : l’ancien directeur de la rédaction
et actuel rédacteur en chef, Wosonseged Gebrekidan, vient de passer
une semaine en prison à la suite d’une plainte en diffamation. Arrêté
le 23 décembre, il s’est trouvé dans l’incapacité de
payer la caution réclamée par la Haute Cour fédérale.
Grâce à la mobilisation de l’Association des journalistes éthiopiens
pour la liberté de la presse (EFJA) et d’organisations internationales,
la caution a pu être réglée et le journaliste relâché
le 31 décembre dans la soirée.

« Il est inadmissible
que la justice éthiopienne continue d’exiger des journalistes des amendes
ou des cautions exorbitantes pour des affaires de diffamation, a déclaré
Reporters sans frontières. C’est une pratique courante et savamment
orchestrée dans le but d’envoyer les journalistes en prison, puisqu’ils
sont très souvent incapables de payer les sommes réclamées.
Depuis plusieurs années, Ethiop fait les frais de cet acharnement judiciaire.
Le gouvernement doit mettre un terme à cette situation pour que les
journalistes de cette publication, comme tous les professionnels de la presse
indépendante, puissent travailler librement. »

« Dans ce contexte,
nous exhortons le gouvernement à tenir les engagements qu’il avait
récemment pris auprès des organisations internationales de la
liberté de presse sur l’accréditation, la protection des sources
et la création d’un conseil de la presse indépendant De plus,
il est temps que l’Ethiopie suive la tendance de ses voisins africains et
s’emploie à la dépénalisation des délits de presse
»
, a rappelé l’organisation.

Wosonseged Gebrekidan
est poursuivi par la justice pour différentes charges. L’article qui
lui a valu cette semaine de prison est paru en mars 2001 et traitait d’un
litige de voisinage, dans lequel le journaliste estimait que le ministère
de la Justice avait prématurément abandonné les poursuites
contre Eteneshe Abreha, une femme d’affaires accusée d’avoir fait détruire
la maison de ses voisins sans autorisation légale.

Harcèlement
continu

Le 2 décembre 2004,
Ethiop avait été attaqué par Harqa Haroye, ministre de
la Justice de la coalition au pouvoir (le Front démocratique révolutionnaire
des peuples d’Ethiopie, EPRDF) pour diffamation sur la base de la déclaration
sur la presse 34/85 et de l’article 206 du code criminel. Etaient mis en cause,
Wossenseged Gebrekidan, mais aussi le rédacteur en chef, Andualem Ayele,
et son adjoint, Tesfa Tegegne Tadesse, pour un article traitant des mouvances
politiques au sein de l’armée et de la Commission d’arbitrage de La
Haye sur le tracé de la frontière avec l’Erythrée.

Le 10 juillet 2002, Tewodros
Kassa avait été condamné à deux ans de prison
par la Haute Cour fédérale en vertu de la loi sur la presse
et de l’article 480 du code pénal. Il avait été reconnu
coupable d’avoir publié dans trois articles des « informations
fabriquées pouvant inciter à la violence politique et dégradant
la réputation de M. Duki ». Dans un article intitulé «
Le meurtrier non identifié de l’homme d’affaires », Tewodros
Kassa rapportait que Duki Feyssa, suspecté d’être un membre de
l’OLF (Front de libération oromo) aurait été tué
par les forces de sécurité de l’Etat. Son fils avait reproché
au journal Ethiop d’avoir ainsi porté atteinte à la réputation
de son père. Tewodros Kassa avait déjà été
condamné à une année de prison pour les mêmes chefs
d’accusation en 2000.

Le 20 mars 2002, Melese
Shine, un des rédacteurs en chef, avait également été
emprisonné sur ordre de la Haute Cour fédérale. On lui
reprochait d’avoir publié l’interview d’un ancien colonel de l’armée
impériale en exil au Soudan. Dans un autre article, le journaliste
dressait un portrait du Premier ministre en s’appuyant sur les déclarations
d’anciens collaborateurs. Il avait été accusé d’avoir
« diffamé le chef du gouvernement » et « interviewé
un bandit qui se dit être le leader d’une organisation illégale
». Détenu dans un commissariat, il avait dû payer une caution
de 10 000 birrs (environ 1 350 euros).

Leonard VINCENT
Bureau Afrique / Africa desk
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