29/01/05 (B283A) Les rançons de l’oubli (Contribution proposée par un lecteur)

Au soir du
27 juin 1977, le nouveau chef de l’Etat naissant proclamait la disposition de
Djibouti à tourner la page d’une colonisation d’un siècle d’âge
et d’ouvrir une page blanche. Cela voulait dire qu’on ne parlerait plus de l’enfer
qu’avait subi notre peuple mais c’était aussi une façon de fermer
les yeux sur la collaboration dans un pays totalement dépourvu de cadres.
Il m’est resté à la gorge ce défunt député
qui avait piétiné à mort une frêle et pauvre dame d’une
cinquantaine d’années qui avait eu le tort d’être du comité
du parti indépendantiste d’Ambouli et proche de Ahmed Dini.

Mais
voyez vous une nation qui ferme les yeux sur son passé se condamne à
le revivre.

Pour
avoir négligé cet aspect, non seulement chez nous mais un peu partout
en Afrique, nous vivons aujourd’hui ces foucades déstabilisatrices de ceux
qui violaient nos femmes, torturaient les plus braves d’entre nous, asphyxiaient
notre destin pastoral par des barbelés.

S’il
fallait réécrire ce discours, j’aurais parlé de pardon mais
absolument pas d’oubli. Car l’oubli prédispose au recommencement. Pour
preuve l’inique propagande véhiculée par l’Etat français
à travers ses médias et d’une justice plus que jamais à sa
botte.

Que l’on
ne se méprenne, les français restent et demeurent foncièrement
coloniaux. Un de leurs anciens présidents les caractérisaient comme
 » remueurs de toutes les idées et conservateurs de tout ce qui les
entoure « . C’était peu dire.

Le
scénario djiboutien vient s’ajouter de nouveau à la longue liste
des turbulences que provoquent chez ces gens la moindre préoccupation portant
sur des intérêts nationaux. C’était hier avec la création
d’Air Djibouti, récemment avec la privatisation du Port, maintenant avec
la mise à disposition du territoire à la coalition antiterroriste.
Et je passe beaucoup sous silence.

Face
à cette récurrence interminable et fatigante, quelle attitude adopter
?

A un journaliste
qui lui demandait quelle gage nous offririons aux investisseurs un peu avant l’indépendance,
le regretté Ahmed Dini répondait  » notre volonté de
conserver notre indépendance « . Eh bien, celle-ci est d’autant plus
vivace que nous avons goutté à ses fruits.

Jetons
un coup d’œil sur le destin des populations qui ont choisi de rester dans
son giron. La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe. Alors qu’en 25 ans,
nous sommes arrivés à former tant de djiboutiens dans toutes les
disciplines, la France éprouve des  » difficultés insurmontables
 » à donner à ces populations les moyens de disposer d’eux-mêmes.
Elle est même obligée de maintenir une espèce de Marill à
la tête de la Polynésie.

Paris
ne s’est pas fait en un jour et il nous reste beaucoup à faire. Mais nous
le ferons dans la liberté à l’égard de toute intrusion dans
nos affaires.

Notre
indépendance ne vaut pas 30 millions d’euros dont il faut défalquer
toutes les nuisances annexes. Cherté de la vie, dépravation des
mœurs, immixtions intempestives dans la politique, …etc. La présence
effrontément rassurante des militaires français dans nos rues a
quelque chose de blessante. Ou plutôt un couteau qu’on remue dans la plaie
béante de la colonisation.

L’oubli
est tellement consommé que nos jeunes générations qui n’ont
pas connu nos camps de concentration expriment parfois des regrets. C’est très
sournois et abjecte.

Nous
devrions nous inspirer de cette initiative ivoirienne d’écrire l’histoire
confiée à des universitaires.

Et de tirer toute les leçons
du drame ivoirien avec ce sabotage de la défense nationale. Nous serons
tous seuls en ce qui concerne les dirigeants du continent prêts à
vendre leurs voisins pour un chèque de remise de dette.

Le
Sénégal s’initie à ce jeu sur les pas de Hosni Moubark au
grand dame de ces grands peuples.

Une
chose est sure. La France incapable de tirer les leçons de sa propre histoire
s’y cassera les dents.

R.
DOB