13/05/05 (B297) LDDH – Rapport et alerte : SITUATION INCERTAINE ET INSTABLE EN REPUBLIQUE DE DJIBOUTI FEVRIER 2005 – MAI 2005


Le Président

RAPPORT DE LA LIGUE DJIBOUTIENNE

DES DROITS HUMAINS (LDDH)

DU 12 MAI 2005

SITUATION INCERTAINE ET INSTABLE
EN REPUBLIQUE DE DJIBOUTI
FEVRIER 2005 – MAI 2005

NOTE LIMINAIRE

Aujourd’hui 12 mai 2005, jour pour jour, c’est le 4 ème anniversaire de la signature des Accords de Paix entre le Gouvernement et le Frud-Armé.

Par respect et à la mémoire de toutes les victimes civiles de ce conflit interne, il est de notre devoir de poser un certain nombre de questions pour qu’enfin la vérité soit établie et mettre fin à l’impunité qui sévit encore en République de Djibouti. (Ces questions sont posées d’une manière directe par les points suivants :

En effet,

  1. Après 28 ans de souffrances physiques, morales dans des zones déclarées zones de guerre ;
  2. Après plus de 10 années d’une répression armée, d’humiliations, de dégradations, de vols et de viols, d’exécutions extrajudiciaires, de blocus alimentaires et sanitaires contre nos populations du Nord et du Sud-Ouest de la République, par nos forces armées et les autorités administratives au ordre d’un Pouvoir politique ;
  3. Après des années de mal gouvernance, de non respect des Institutions républicaines, de non effectivité de l’Etat de Droit, des détournements sans vergogne des Deniers publics et des Biens sociaux, des amputations des Juridictions et de la paralysie d’une Justice sous pression, de l’anéantissement de toute possibilité vers un minimum d’applicabilité des Lois par le respect du Principe de la Séparation des Pouvoirs

Il est donc important, de se demander :

  1. comment sauver la dignité de la personne humaine ;
  2. comment se parer d’une dictature foncièrement sournoise imposée par la force, la peur, et les mascarades électorales ?


RAPPORT PROPREMENT DIT

 1 – SUR LA PREVENTION DES CONFLITS.

La République de Djibouti est entrée dans une période mouvementée à partir du mois de février 2005, suite à l’annonce officielle du refus des Partis de l’Opposition regroupée au sein de l’Union pour l’Alternance Démocratique (UAD) de participer au scrutin présidentiel du 8 avril 2005.

Craignant pour une paix civile déjà fragilisée par la violation des Accords de Paix du 12 mai 2001 signé entre le Gouvernement et le Frud-Armé, et conformément à sa mission de Prévention des Conflits, la Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) a formulé des propositions concrètes visant à instaurer un climat de détente entre le gouvernement et l’opposition.

Dans ce but, la LDDH a publié le 20 février 2005 une note d’information bien documentée sur le contexte politique dans lequel se présentait l’élection présidentielle que le pouvoir comptait organiser malgré le boycott actif prôné par l’opposition unie.

Pressentant qu’en l’absence d’un candidat de l’opposition, le candidat officiel risquait de se retrouver candidat unique, avec tous les risques de dérapages et des dangers consécutifs à la fragilisation de toute crédibilité.

Afin d’éviter un tel scénario contraire à l’esprit et à la lettre des dispositions de la Constitution nationale portant sur la pluralité démocratique, base même de la pluralité des choix électoraux prévus par les Instruments Internationaux ratifiés par la République de Djibouti, la LDDH a donc suggéré le report d’un an de la présidentielle programmée, afin de faciliter la mise en place de la transparence électorale réclamée depuis des mois par l’Opposition.

Malheureusement le régime en place a préféré faire le sourd d’oreille et ignorer nos propositions alors que l’opposition avait manifesté un certain intérêt à notre démarche.

Aussi par un communiqué de presse en date du 9 avril dernier la LDDH a noté avec déception que l’intransigeance du pouvoir djiboutien a eu pour conséquence de créer une situation inédite dans un pays soumis au multipartisme, à savoir : un candidat à sa propre succession, candidat unique seul avec lui-même, imposant par ce fait des élections sans compétition, sans aucune transparence des processus électoraux, sans des Observateurs crédibles non indépendants dans leurs mouvements.

Solliciter le suffrage de nos concitoyen(ne)s dans de telles conditions est un acte qui doit être considéré comme une Haute Trahison à la Nation, en violation à la volonté populaire de démocratie et d’élections libres, transparentes et plurielles.

Imposer le 8 avril 2005 au peuple djiboutien des élections mascarades, en violation au multipartisme, est un crime de Haute Trahison, crime difficile à pénaliser dans le contexte actuelle des juridictions locales concernées.

Rappelant qu’auparavant, dans une ultime tentative de trouver une issue positive à l’impasse, la LDDH avait saisi le Président de l’Assemblée Nationale, le Ministre de l’Intérieur, pour qu’ils assument chacun dans son domaine, leur entière responsabilité.

M. NOEL ABDI Jean-Paul avait expliqué, en tant que Défenseur des Droits de l’Homme, les risques et violations de ces présidentielles sur les Ondes internationales du service français de la BBC.

2 – SUR DES REPRESSIONS AUX CONSEQUENCES INCALCULABLES

A la veille du 8 avril et en pleine campagne du candidat unique, le pouvoir en place a, dans un élan répressif, tenté d’empêcher les rassemblements de l’opposition tant dans la capitale que dans les districts de l’Intérieur.

Ainsi le 4 avril les forces de police ont tenté d’arrêter des dirigeants de l’opposition à Obock. Le même jour ces dirigeants ont été empêchés d’entrer à Tadjourah par l’armée alors que des militants et cadres de l’ARD étaient arrêtés et transférés manu militari pour être arbitrairement détenus au Centre de l’Ecole de Police de Nagad à Djibouti ville.

En réaction à ces actes répressifs, la LDDH a vigoureusement dénoncé les arrestations arbitraires en publiant un communiqué de presse le 5 avril 2005.

Durant pratiquement deux mois avant le scrutin des arrestations, des fermetures des restaurants fréquentés par l’opposition, des rafles et des intimidations essentiellement axées vers le secteur commercial informel supposé proche de l’opposition étaient l’une des priorités de la machine de répression au service d’un candidat devenue solitaire.

Il est vrai que, les Défenseurs des Droits de l’Homme n’ont pas manqué de dénoncer toutes les répressions contre les électeur(ices)s par les forces armées, et ce, à chaque fois qu’ils étaient alertés.

3 – APOGEE DE LA REPRESSION

Si, durant les 48h précédant le jour du scrutin, un calme relatif a été observé le 8 avril 2005, quelques milliers de militants de l’UAD ont organisé un rassemblement pacifique juste devant leurs sièges sis à l’Avenue Gamal Abdul Nasser pour faire le point de l’impact de leur politique de boycott actif.

Vers midi, alors que les participants au meeting fiers de leur succès, s’apprêtaient à se disperser dans le calme, et se rendre à la Mosquée pour la prière du vendredi, les brigades d’interventions des forces armées ont furieusement chargé à coup de matraques et de grenades lacrymogènes.

Des balles réelles ont été tirées en l’air, semant la panique au sein des habitants circonvoisins des sièges de l’UAD.

Ces forces, en principe de maintien de l’ordre, ont outrepassé leurs prérogatives :

  1. en ratissant par les « méthodes dites d’éjections » les personnalités présentes dans les locaux des Partis légaux, et blessant gravement le Codirecteur du Journal  « Réalité » M. MAHDI IBRAHIM GOD
  2. en violant, en autres, délibérément les locaux officiels d’un Parti Politique de l’Opposition, par occupation des lieux durant deux jours, « comme dans un camp ennemi conquis».

Conclusion

Le bilan de ces agressions est lourd de conséquences, car les victimes sont nombreuses et avec toutes les infractions collatérales, elles ne peuvent qu’engendrer :

  • incompréhension ;
  • intolérance ;
  • tout en instaurant un climat de révolte dangereux pour l’avenir de la République de Djibouti.

Les perspectives sont incertaines et instables car

  • les tensions commencent à être persistantes car les Accords de Paix du 12 mai sont bloqués et tous espoirs d’une paix sociale s’estompent et fait place à la colère, à des sentiments vindicatifs, à la vindicte populaire.
  • instabilités flagrantes car non seulement les présidentielles ont été anticonstitutionnelles, mais elles ont été sanctionnées par les urnes avec un taux de participation insignifiant. Pire encore dés son « investiture » le désespoir s’est installée au cœur même de l’Administration et des Forces armées, car son départ précipité a plongé le pays dans l’inconnu le plus total. Djibouti est depuis le 8 mai 2005 sans Gouvernement.
  • La vacance de Pouvoir continue et la grogne du peuple s’amplifie.

M. NOEL ABDI Jean-Paul