20/05/05 (B299) LE NOUVEL OBS : « Le président Guelleh fait du chantage » (Info lecteur)

NOUVELOBS.COM | 20.05.05 | 16:19

Par Olivier Morice,

avocat d’Elisabeth Borrel,

veuve du juge Borrel,

assassiné à Djibouti,

le 19 octobre 1995



Le Quai d’Orsay considère comme étant « normal » le fait que le président djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, ne réponde pas à la convocation en tant que témoin du juge d’instruction à propos de l’affaire Borrel. Comment réagissez-vous à cette annonce?



– C’est un discours dans la logique des déclarations du Quai d’Orsay, qui essaye de ménager le président Guelleh depuis le début de cette affaire. Le but du ministère des Affaires étrangères est évidemment de sauvegarder les intérêts français, militaires notamment, à Djibouti. Mais il est tout de même invraisemblable, alors que des magistrats veulent entendre Ismaïl Omar Guelleh, qu’il refuse de se présenter.

Il n’était ni mis en examen, ni convoqué en qualité de témoin assisté. Il était simplement invité à donner sa version des faits et des informations complémentaires pour l’enquête. Sa contribution aurait pu apporter un peu plus de lumière sur cette affaire. Par ailleurs, le président Guelleh aurait eu tout intérêt à se présenter à cette audience et défendre ainsi sa version. En agissant ainsi il ne fait qu’alimenter les soupçons qui pèsent sur lui.



Comment interpréter cette visite.

Est-ce un défi lancé à la France ou une tentative d’apaisement des relations entre les deux pays ?



– Le président Guelleh a instauré un rapport de force qu’il domine nettement. Il a déjà annoncé la couleur. La parfaite illustration de sa stratégie transparaît dans son premier voyage qu’il a choisi d’effectuer aux Etats-Unis. C’est une façon de mettre la pression sur la France. Depuis, dès qu’une décision française lui déplait, il expulse des ressortissants français de Djibouti.

Je ne peux interpréter ce geste que d’une seule manière. Le président Guelleh fait du chantage.



Aujourd’hui les preuves de l’assassinat du juge Bernard Borrel sont réunies. Reste à connaître les motifs et les commanditaires. Comment ce pas peut-il être franchi ?



– Les preuves de l’assassinat sont effectivement réunies. Le meurtre du juge Borrel est à présent reconnu par le magistrat de l’instruction et par le parquet de Paris. Le seul moyen pour que l’affaire avance réside dans les investigations à mener. Je ne vais pas vous révéler les secrets de l’instruction mais de possibles mises en cause sont envisageables. Une volonté politique forte aurait également servi la cause de la vérité.

Mais je n’ai jamais ressenti cette volonté et aujourd’hui encore nos rapports avec le Quai d’Orsay sont déplorables.



Propos recueillis par Dimitri Charitsis

(vendredi 20 mai 2005)