04/06/05 (B301) Au Nom De Tous Les Miens ! (Mohamed Qayaad)

Au Nom De Tous Les Miens !
Au Nom De Toutes Les Victimes !

Au nom de tous les miens, est le roman autobiographique de Martin Gray.
Un ouvrage bouleversant, intéressant, passionant et terrorifiant.
Ce livre, dur et Ă©mouvant, dĂ©crivant avec tant de dĂ©tails la barbarie extrĂŞme des nazies, a dĂ©veloppĂ© chez moi deux passions;la lecture et l’Histoire.

Il devrait être lu par tous les opposants djiboutiens car il développerait chez eux le respect et la non-violence. La haine, la peur , le désir de vengeance sont destructeurs, toujours !

MĂŞme s’il est passĂ© inapercu, c’est l’un des Ă©vènements majeurs du mois d’Avril 2005 : la rĂ©pression violente de la manifestation de l’UAD du 08/04/05 oĂą Mahdi Ibrahim Ahmed God fut grièvement blessĂ©.

Je ne m’attarderai pas – Ă  quoi bon ? – sur l’indignation sĂ©lective des ( pseudo ) opposants djiboutiens (Ă  l’exception du MRD de DAF et LDDH/ARDHD) que je n’ai jamais entendus dĂ©noncer le calvaire que subit MIAG et qu’il n’ait pas droit au millionième de la compassion dont avaient bĂ©nĂ©ficiĂ© – Ă  juste titre -l’escroc stratège Me Aref, Abdallah Leh et autres.

« La forme supĂ©rieure du mĂ©pris, c’est le silence », disait Senèque.

Il est choquant et je me demande sans cesse : Ă©taient-ils vraiment des ĂŞtres humains ? et dire qu’aujourd’hui encore, il y a des gens de cette sorte ?

Comment l’expliquer ou l’analyser ?

Il faut Ă©crire pour ne pas oublier et essayer de comprendre !

N’en ayons pas peur ne serait-ce que par respect pour dignitĂ© de cet homme dĂ©muni, que l’opposition djiboutienne a trop souvent laissĂ© Ă  son sort alors que quotidiennement, l’intĂ©gritĂ© de son corps et la sacralitĂ© de sa vie sont bafouĂ©es.
MIAG est un homme qui va se battre, pour faire vivre sa famille. Il a tout vĂ©cu:la disparition de son père dans des conditions obscures, la peur , les humiliations, l’Ă©loignement de sa famille et que sais-je encore . Il ne se souvient plus du bonheur car celui-ci s’est battu pour ne plus laisser place qu’Ă  la souffrance.

LĂ , l’enfer commence vraiment. Et impuissant il voit tous les siens pĂ©rir ou s’exiler.
La mort n’ayant pas voulu de lui, il met toute son Ă©nergie pour s’Ă©chapper et survivre.

Tout au long de la dictature, il fait preuve d’un grand courage et d’une grande humanitĂ©, allant jusqu’Ă  refuser les subsides d’un rĂ©gime agonisant. Sa vie sera ensuite un combat pour se construire une forteresse oĂą se mettre Ă  l’abri de l’inhumanitĂ© de ses bourreaux.

Cet homme est tout simplement une oeuvre inégalable.

J’en ai tirĂ© de nombreuses leçons de vie et j’ai rĂ©alisĂ© Ă  quel point le bonheur pouvait ĂŞtre Ă©phĂ©mère.

Mais j’ai Ă©galement compris que lorsqu’on continue d’espĂ©rer, de vivre et de survivre, on peut toujours s’en sortir grandi. Comment ne pas Ă©prouver un sentiment de rage envers ces bourreaux et comment ne pas pleurer face aux diffĂ©rents drames que traverse MIAG ?

Une telle rage de vivre malgrĂ© toutes ces Ă©tapes auxquelles n’importe quel ĂŞtre humain aurait pu succombĂ©, cette force inĂ©puisable m’a laissĂ© Ă©mue troublĂ©e et diffĂ©rente.

L’horrible injustice que vous subissez me saute brutalement aux yeux et me rĂ©volte. Comment une telle cruautĂ© a pu s’installer Ă  Djibouti sans Ă©mouvoir personne.

Bravo MIAG pour toutes ces épreuves que vous avez traversé en ne vous retournant jamais sur vos pas.

Et la vĂ©ritĂ© et que j’ai renoncĂ© Ă  m’Ă©tonner de cet Ă©trange deux poids deux mesures qui est automatiquement de mise dès lors qu’il est question d’une victime djiboutienne « afar ».

Quel pathos ! Quelle pathĂ©tique indignation ! On n’aurait presque pensĂ© ĂŞtre face Ă  la milice politique d’IOG pendant une action libertaire contre le racisme Ă©tatique et l’expulsion des sans-papiers. Les mĂŞmes gestes, la mĂŞme autosuffisance, le mĂŞme refus d’ouvrir les yeux, le mĂŞme renfermement sur soi, la mĂŞme absence totale de recul autocritique. Mais ce qui m’a le plus dĂ©goĂ»tĂ© c’est les rationalisations complaisantes qui ont suivis.

Mais oĂą sont passĂ©s les pĂ©titionnaires, les scandalisĂ©s et autres pleureuses ? Leur silence m’assourdit.

MIAG est attaquĂ© parce qu’il est membre de l’ARD et non l’inverse. L’objectif majeur de ce système tortionnaire et en son sein, la fonction du bourreau est de produire de la dĂ©culturation en dĂ©saffiliant la personne de ses groupes d’appartenance. DĂ©culturation, car Ă  travers une personne singulière que l’on torture, c’est en fait son groupe d’appartenance que l’on veut atteindre: appartenance professionnelle, religieuse, ethnique, politique, sexuelle. VoilĂ  comment on fabrique la terreur collective.

MIAG devient la figure du « mal par excellence », qui porte en lui tous les stigmates d’une nĂ©gativitĂ© morale et politique qu’il diffuse et propage autour de lui, et sur laquelle, par consĂ©quent, l’on doit concentrer les coups les plus percutants.

Peut-on être plus pondéré, plus tolérant et plus courtois envers son adversaire politique ?

Je pense qu’il existe une rĂ©elle volontĂ© de criminalisation de l’opposition dĂ©cidĂ©e en haut lieu. Nous sommes en plein scĂ©nario orwellien . Les nquiĂ©tudes Ă©noncĂ©es dans le roman  » 1984  » se dĂ©roulent bien Ă  Djibouti en 2005. Le BIG BROTHER national dĂ©cortique le moindre discours, tente de trouver un sens cachĂ© derrière chaque mot. BientĂ´t, l’opposition devra tenir des meeting en mode muet – en Ă©vitant mĂŞme le langage des signes – pour ĂŞviter toute poursuite judiciaire.

Le rĂ©gime dictatorial lui demande de s’amender, de se purifier, en rompant ses liens avec un Ă©lĂ©ment qui personnifie l’injustice, le crime, et Ă  qui est refusĂ©e de ce fait, toute possibilitĂ© de rĂ©forme ou d’amĂ©lioration.

Jean Paul Sartre, dans RĂ©flexions sur la question juive, range « l’indignation sĂ©lective », parmi les instruments privilĂ©giĂ©s auxquels recourt le discours antisĂ©mite.
On peut lĂ©gitimement se demander, si l’on adopte le critère de Sartre, quelles sont les motivations de cette mouvance anti-iog ?

Prendre en compte et soulager les souffrances de tous les djiboutiens ou bien nuire les ethnicistes, les placer dans la position d’accusĂ© unique, et pour ce faire, dĂ©couper dans l’histoire et l’actualitĂ©, un cadre rĂ©ducteur oĂą on leur fera endosser le costume carcĂ©ral ?

J’affirme que l’intention première de telles campagnes n’Ă©tait pas de combattre ce système, ni d’assainir les moeurs ni de changer les mentalitĂ©s, mais bien de monter de toutes pièces un scĂ©nario dans lequel la communautĂ©  » issa  » Ă©tait artificiellement placĂ©e dans la position de la seule responsable des malheurs de la communautĂ©  » afar « .

C’est un tribunal permanent oĂą l’Ă©lite intellectuelle politisĂ©e de cette dernière communautĂ© serait le procureur et oĂą la première , serait l’Ă©ternelle accusĂ©e , supposĂ©e coupable de ses origines et qu’elle doit Ă©ternellement prouver sa non culpabilitĂ©.

IdĂ©ologie qui vise Ă©galement, comme parachèvement de la violence, Ă  inoculer Ă  la première « la culture de la culpabilité », Ă  persuader l’agressĂ© qu’il porte en lui-mĂŞme un destin de « victime », que le bourreau est dans son droit, que la victime doit s’adapter au bloc adverse et rendre des comptes, afin d’espĂ© r une amĂ©lioration de son sort au lieu d’adopter une culture de fiertĂ© et de combat ; ce n’est pas pour autant justifier le mythe de la prĂ©dominance crue et fantasmĂ©e par une grande majoritĂ© d’incultes et une minoritĂ© Ă©litiste .

On en revient toujours lĂ  :soit la culture de la honte, du complexe, de la soumission idĂ©ologique aux arguments de l’ennemi, de la mauvaise conscience et de la « justification permanente », soit la culture de l’indĂ©pendance, de la lĂ©gitimitĂ© et de la fiertĂ©.

L’absence totale de rĂ©action face Ă  ces humiliations, Ă  ces privations de droit, la pratique du « deux poids deux mesures » ne sont pas rĂ©voltantes. Elles sont perçues comme la confirmation que la vie de MIAG vaut moins que celle de Me Aref, Abrahim Ali (directeur de la CPS) , Mohamed Daoud Chehem ( PrĂ©sident du PDD), par exemple. Pourquoi ?

C’est la rĂ©sultante de l’indiffĂ©rence, de la passivitĂ©, du silence.

« La barbarie n’est pas un phĂ©nomène de gĂ©nĂ©ration spontanĂ©e », disait Hannah Arendt.

On banalise une petite injustice, puis une grande, la violation d’un droit civique et on s’Ă©tonne de se retrouver dans une guerre qu’on qualifiera de « barbare et d’incomprĂ©hensible » parce qu’on a fermĂ© les yeux sur tout ce qui nous y a amenĂ©.

Quel regard donc porter sur ces plumitifs anti-iog qui ont multipliĂ© les condamnations de la rĂ©pression d’Arhiba 18/12/91 ? – bien entendu, rien de tout ceci ne peut excuser la manière dont sont morts ceux qu’on nous a montrĂ©. Je comdamne et dĂ©plore la mort de tout ĂŞtre humain, je sais qu’il est difficile de dĂŞfendre ce qui paraĂ®t indĂ©fendable, surtout s’il porte une charge ĂŞmotive. Et cela me semble bien le cas. Je trouve inacceptable la manière dont on les a fait pĂ©rir , mais je ne suis pas tout Ă  fait d’accord avec les traductions simplistes qu’on en fait.

Il est tout de mĂŞme assez rĂ©vĂ©lateur que certains prĂ©fèrent uniquement s’Ă©gosiller sur ces morts alors que la torture , le viol systĂ©matique et les emprisonnements arbitraires ont Ă©tĂ© Ă©rigĂ©s en mode de gouvernement Ă  Djibouti – ou plus cemment d’IOG et de ses Ă©lections ? Condamnations des uns , blanchissements des autres.

Cette opposition de la discorde jouera un rĂ´le prĂ©pondĂ©rant dans cette politique haineuse de division, d’Ă©puration idĂ©ologique et de dĂ©sinformation. Mais avec un certain recul , l’opinion saisira le fossĂ© existant entre la rĂ©alitĂ© de la tragĂ©die djiboutienne et la manière dont cette opposition en rendait compte.

Des marauds politiques utiliseront durant ces années de braise, une certaine frange de victimes de la tragédie comme fonds de commerce et comme tremplin à leurs desseins inavoués. On ne peut prétendre ériger en politique la simple manipulation du désarroi !

On pleurera certains morts et on applaudira d’autres. Les uns seront traĂ®tĂ©s de hĂ©ros et d’autres de chiens. Certains citoyens seront qualifiĂ©s de « patriotes » d’autres des « lâches ».

Le honteux concept d’indignation sĂ©lective fleurira Ă  l’ombre au nom de la dĂ©mocratie et de la rĂ©publique.

On voit donc qu’il faut que MIAG s’identifie imaginairement Ă  une catĂ©gorie. Il s’agit en quelque sorte de figer les variations de la demande en affirmant qu’il n’est qu’une rĂ©ponse. Comment alors envisager sortir de la rĂ©pĂ©tition stĂ©rĂ©otypĂ©e de cette demande, jamais dĂ©placĂ©e ? Comment ne pas se condamner Ă  une relation, nĂ©vrotique bien entendu mais ici condamnĂ©e Ă  la chronocitĂ© ? MIAG a-t-il terminĂ© son Ă©volution, son parcours ?

Cela n’a pas inspirĂ© aux opposants d’iog le moindre mot de compassion. Et nous ne saurons pas si il laisse une famille Ă©plorĂ©e aimante, si il sera regrettĂ© et si sa disparition violente (eh oui) constituera un traumatisme pour les siens.

Ne nous y trompons pas: les acteurs ont changĂ©, les dĂ©cors aussi, mais l’intrigue et l’idĂ©ologie du nouveau spectacle restent les mĂŞmes.

Face Ă  cela, les djiboutiens ne sont gratifiĂ©s que d’un silence gĂŞnĂ©. Comme si MIAG Ă©tait vouĂ© Ă  ĂŞtre une exception Ă  jamais. Ou encore, pour emprunter un concept du philosophe algĂ©rien Sidi Mohamed Barkat  » corps d’exception « .

Jusqu’Ă  quand ce traitement. . . particulier sera-t-il rĂ©servĂ© Ă  Mahdi Ibrahim Ahmed GOD ?

Mohamed Qayaad