19/08/05 (B312) LDDH / FIDH : Informations sur le procès des disparus du Beach de Brazzaville (Congo)


Le
Président

DIFFUSION D’INFORMATION

DU 19 AOÛT 2005

SUR LE PROCES
DES « DISPARUS DU BEACH » DE BRAZZAVILLE

Suivi par la réaction sur
Radio France Internationale (RFI)
de Patrick Baudouin Président d’honneur de la FIDH

La Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) exprime son soutien moral à toutes les familles des victimes, disparus du Beach (à Brazzaville – Congo)

La LDDH s’associe à la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH), et ensemble : « dénoncent le verdict de la Cour criminelle de Brazzaville qui acquitte purement et simplement les quinze accusés. L’arrêt de la Cour, qui reconnaît que la vérité sur les circonstances de la disparition de ces personnes n’a pas pu être établie, conclut un simulacre de procès et signe la violation flagrante du droit fondamental des victimes à un recours effectif devant une juridiction indépendante et impartiale ».

M. NOEL ABDI Jean-Paul

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Observatoire congolais

des Droits de l’Homme

Procès des « disparus du Beach » de Brazzaville :
des crimes sans auteurs !

Paris – Brazzaville, le 18 août 2005 – Malgré plus de trois semaines de procès à Brazzaville, précédées d’une instruction bâclée, la lumière n’a pas été faite sur la disparition en 1999 au port fluvial du Beach de plus de 350 réfugiés congolais. La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) dénoncent le verdict de la Cour criminelle de Brazzaville qui acquitte purement et simplement les quinze accusés. L’arrêt de la Cour, qui reconnaît que la vérité sur les circonstances de la disparition de ces personnes n’a pas pu être établie, conclut un simulacre de procès et signe la violation flagrante du droit fondamental des victimes à un recours effectif devant une juridiction indépendante et impartiale.

 La Cour criminelle de Brazzaville a décidé, par son verdict du mercredi 17 août, d’acquitter les quinze accusés dans l’affaire des disparus du Beach, tout en reconnaissant la disparition de plus de 85 personnes lors des événements de 1999. Alors qu’il s’agissait de juger des responsabilités pénales individuelles, non seulement la justice congolaise n’a pas pu ni voulu s’acquitter de son obligation; mais cela ne l’a pas empêché de statuer sur la responsabilité civile de l’Etat, en reconnaissant celui-ci responsable de ces disparitions, le condamnant à payer 10 millions de francs CFA (15 000 euros) à chaque famille de victimes.

Cette décision confirme l’analyse de la FIDH et de l’OCDH sur l’instruction et le déroulement de ce procès en trompe l’oeil dont l’issue ne constitue certes pas une surprise, puisque ce simulacre de justice n’avait pas pour objet de condamner les responsables mais au contraire de tenter de les disculper en acquittant ceux d’entre eux qui étaient poursuivis.  

– Le dossier d’instruction était vide.
La chambre d’accusation relevait elle-même que « l ‘information ouverte depuis 2000 n’a pas permis au juge d’instruction de relever des éléments probants sur l’effectivité des faits reprochés aux inculpés  ».

En effet, les commissions rogatoires n’ont pas été exécutées, le juge n’a pu se rendre au Beach pour reconstituer les faits et les principaux documents ne figuraient pas dans le dossier.  

– Le procès n’a pu permettre l’établissement de la vérité dans des conditions impartiales.
La FIDH et l’OCDH ont pu constater durant le procès un évident déséquilibre entre les droits des accusés et ceux des parties civiles.

En effet, la FIDH et l’OCDH dénoncent le fait que durant les premiers jours du procès les familles n’aient pas pu avoir accès à la salle d’audience, dans laquelle des hommes en civil armés se trouvaient debout derrière les magistrats. Difficile dans ces conditions d’imaginer que «  de ce procès [jaillira] toute la lumière, toute la vérité, toute la justice  », comme l’a déclaré le Président de la République congolaise Denis Sassou Nguesso lors de son message à la Nation du 8 août 2005.

En outre, seuls deux jours ont été consacrés à l’audition des parties civiles, souvent interrompues par le Président de la cour, ce qui a rendu impossible le témoignage des 75 parties civiles citées. Seules 13 familles de victimes ont pu témoigner à la barre, et ce dans un climat délétère et d’intimidation. Chaque prise de parole des familles ou de leurs avocats était ponctuée de cris venant du « fan club » des accusés, à tel point qu’il a fallut que le Président intervienne pour que cette hostilité cesse.

Les accusés, quant à eux, comparaissaient libres malgré la gravité des faits reprochés et l’ordonnance de prise de corps rendue pas la chambre d’accusation; ils ont été entendus avec patience et pour certains à plusieurs reprises. Les avocats de la défense ont, en outre, pu plaider pendant quatre journées – ce dont on ne peut que se féliciter, ce procès s’étant au moins caractérisé par un respect scrupuleux des droits de la défense. A cet égard, s’agissant d’un procès présenté par ses organisateurs comme celui d’une « justice africaine » par opposition à la justice française dite « néo-coloniale », on ne manquera pas de relever que la défense a été coordonnée avec talent par des avocats français recrutés par les autorités publiques congolaises elles-mêmes.

– La FIDH et l’OCDH rappellent que cette affaire est pendante devant d’autres juridictions et soulignent qu’elles continueront à se battre aux côtés des victimes pour que justice se fasse.
La FIDH et l’OCDH soulignent, en effet, que l’affaire est pendante devant la juridiction française. Elles rappellent que lorsque les conditions d’un procès juste et indépendant sont réunies, l’organisation d’un procès dans le pays où les crimes ont été commis doit être privilégiée et soutenue. C’est l’absence des droits fondamentaux des victimes à un recours effectif devant une juridiction indépendante et impartiale qui a conduit des rescapés congolais à saisir la juridiction française en décembre 2001, après avoir pendant plusieurs années essuyé un refus de poursuite de la part des autorités congolaises.

La procédure française, entamée en avril 2004, n’est pas terminée, comme ont pu le dire à tort certains avocats de la défense à Brazzaville. En effet, un arrêt de la Cour de cassation revenant sur la décision de la Cour d’appel de Paris d’annuler l’ensemble de la procédure française concernant « l’affaire des disparus du Beach » est attendu dans les mois prochains.

En outre, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI), organe des Nations unies, par une lettre du 26 juillet 2005 informait la FIDH de la transmission au gouvernement du Congo de 80 cas de disparitions, dont 49 étaient cités comme parties civiles dans la décision du 11 juillet 2005 de la chambre d’accusation renvoyant les 15 accusés devant la Cour criminelle de Brazzaville. Les Nations unies demandent ainsi aux autorités congolaises que «  des enquêtes appropriées soient menées pour élucider le sort et l’endroit des 80 personnes portées disparues  ».

L’instruction et le déroulé du procès n’ont fait que confirmer les craintes exprimées par la FIDH et l’OCDH: le sort des victimes n’aura pas été élucidé; les responsabilités n’auront pas été établies; les victimes restent bafouées dans leurs droits à la vérité et la justice, mais on attend manifestement d’elles qu’elles en prennent leur partie moyennant rétribution.

 La FIDH et l’OCDH expriment leur disponibilité à accompagner les rescapés du massacre et les familles des victimes qui entendront récuser ce chantage de la honte et qui continueront à revendiquer vérité et justice : les autorités congolaises se trompent en imaginant que le pseudo procès de Brazzaville mettra un point final à l’affaire des « disparus du Beach ».

Contacts presse :
FIDH :
Daniel Bekoutou : +33-1 43 55 25 18 / 14 12

Pour plus d’information sur l’affaire des « Disparus du Beach » voir :

– Rapport de la FIDH : « Procès des disparus du Beach de Brazzaville – Mission d’observation judiciaire 17 juillet – 17 août 2005 » (à paraître)

Rapport de la FIDH : « Développements et enjeux des procédures en cours en France, en République du Congo et devant la Cour internationale de Justice Décembre 2001 – Juillet 2004 » http://www.fidh.org/IMG/pdf/Affbeach400.pdf

– Communiqué du 27/07/2005 « Procès des disparus du Beach: la FIDH et l’OCDH dénoncent un climat d’intimidations » http://www.fidh.org/article.php3?id_article=2570

Communiqué du 23/11/2004 « Affaire des disparus du Beach: La justice française instrumentalisée, les victimes insultées ! » http://www.fidh.org/article.php3?id_article=2056

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Réaction sur Radio France Internationale (RFI)
de Patrick Baudouin Président d’honneur de la FIDH

 

Congo Brazzaville

«Disparus du Beach» : personne n’est coupable

Le verdict de la Cour criminelle de Brazzaville, statuant sur l’affaire des «disparus du beach» est tombé le 17 août en fin d’après-midi. Les quinze accusés ont tous été acquittés, mais la Justice condamne l’Etat congolais à verser des indemnités aux ayant-droits des victimes.

Le procureur Robert Armand Bemba, qui avait requis des peines de prison, allant de cinq à dix ans de travaux forcés contre certains hauts cadres de l’armée et de la police congolaises, présumés impliqués dans la disparition de quatre-vingt-six congolais (plus de 300 selon certaines organisations de défense des doits de l’Homme) s’est dit satisfait de l’acquittement général prononcé par la Cour criminelle de Brazzaville. Pour lui « c’est une décision d’apaisement ». La réaction de ce magistrat résume bien le contexte singulier de ce procès dans lequel on s’est arrangé pour ne fâcher personne, surtout pas les dignitaires, quitte à mécontenter quelques citoyens.  

La curiosité de ce verdict réside également dans la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat congolais, condamné à verser 10 millions de francs CFA (15 000 euros) aux proches des 86 disparus, sans que ne puissent être établies les circonstances de leur disparition. Condamner l’Etat, c’est-à-dire personne, est la pirouette trouvée par les magistrats pour reconnaître des responsabilités mais sans compromettre les barons du pouvoir. « C’est une machination. C’est dommage. Nous sommes déçus », a déclaré à l’AFP Vincent Niamenkessi, le vice-président du Comité des familles de réfugiés disparus en 1999 au port fluvial de Brazzaville. 

«Simulacre de justice »

Ce procès n’a établi aucun fait au grand désespoir des familles qui ne savent toujours pas ce qui s’est réellement passé au «Beach», pour enfin faire le deuil de leurs parents. Les familles ont décidé de se pourvoir devant la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays. « Tout ce qui vient de se passer a été décidé en dehors de l’enceinte du tribunal, bien avant, par les plus hautes autorités (…). Il est assez rare de voir les bourreaux se condamner eux-mêmes », a déclaré l’avocat Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

Par ailleurs l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH) et la FIDH ont dénoncé un « simulacre de justice » et espèrent aussi qu’une procédure sera ouverte à Paris en 2006. Me Baudouin a  également fait remarquer que le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions demande « des explications » à l’Etat congolais sur le sort des « personnes présumées disparues » au «Beach» de Brazzaville. Selon Me Baudouin l’affaire est loin d’être terminée.  

 

Didier Samson

Article publié le 18/08/2005

Dernière mise à jour le 18/08/2005 à 19:04 (heure de Paris)