05/10/05 (B318) Le Gouvernement n’a même pas réagi à l’annonce de la rupture des accords de mai 2001. Et la France, pourtant très impliquée dans la signature de cet accord, se tait honteusement !


Le Président


NOTE D’INFORMATION DU 3 OCTOBRE 2005

RELATIVE A LA DENONCIATION
DE L’ACCORD DE PAIX DU 12 MAI 2001

LE SILENCE TUE !

Par un communiqué en date du 24 septembre 2005, le parti politique dénommé Alliance Républicaine pour le Développement (ARD) a annoncé sa décision de dénoncer l’accord de paix du 12 mai 2001, dont il était cosignataire en tant que FRUD-armé.

Dans le cadre de sa mission de prévention des conflits, la Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) s’était déjà à plusieurs reprises inquiétée de la pérennité d’une paix civile fondée sur un accord dont une partie dénonce sans cesse la violation.

Si cette dénonciation par l’ancienne guérilla transformée en parti politique pacifique est compréhensible, c’est aujourd’hui le silence du gouvernement, et de la communauté internationale ayant salué en son temps cette indispensable réconciliation interdjiboutienne, qui inquiète la LDDH au plus haut point.

SUR LA FORME :

Par un courrier officiel adressé au chef de l’Etat le 6 juin 2002, M. Ahmed Dini (que Dieu garde son âme en paix), cosignataire de l’Accord de paix du 12 mai 2001, avait déjà mis le premier magistrat du pays devant ses responsabilités quant aux violations dont la partie gouvernementale se rendait coupable.

Par une lettre en date du 29 juin 2002, le gouvernement lui avait répondu, sous la signature du premier Ministre, le défiant de fournir la preuve de la moindre violation par la partie gouvernementale.

Or, pour départager les deux parties signataires sur une quelconque violation, il suffit de se référer au point b de l’article 24 dudit accord qui stipule expressément que « Les deux parties signataires du présent Accord conduiront de concert l’application stricte et honnête de la totalité de son contenu et de toutes autres mesures entreprises dans son cadre ou en rapport avec ses objectifs ».

La LDDH constate, sauf contestation de l’une des deux parties signataires, que c’est uniquement dans le cadre du désarmement et de la démobilisation de ses combattants que le FRUD-armé a été associé par la partie gouvernementale à l’application d’une disposition de cet accord.

Quant à l’ARD, transformation légale du FRUD-armé, elle a toujours dénoncé non seulement sa mise à l’écart de toute application de l’accord de paix du 12 mai 2001, mais surtout les violations perpétrées dans ce cadre par la partie gouvernementale ; violations porteuses d’un nouveau conflit et dont la LDDH s’est à plusieurs reprises gravement inquiétée.

SUR LE FOND :

Dans le cadre de la défense des droits humains, notamment politiques, économiques et sociaux, la LDDH est la première à regretter que les avancées, dont l’accord de paix du 12 mai 2001 était virtuellement porteur, n’en soient restées qu’au stade de la virtualité, sans aucune réalisation concrète ni aucune perspective d’espoir.

Du déroulement des deux dernières consultations électorales (législatives du 10 janvier 2003 et présidentielle d’avril 2005) constituant une violation des dispositions dudit Accord relatives au Conseil constitutionnel et à la Commission Electorale Nationale Indépendante, à la Décentralisation unilatéralement amendée d’une manière anticonstitutionnelle par la partie gouvernementale cosignataire, en passant par la Réhabilitation des zones affectées par le conflit (qui, à Obock, avait soulevé l’indignation du représentant local du Croissant Rouge scandalisé par l’attribution des nouveaux logements sur une base partisane, alors que rien n’a été entrepris dans le Sud-Ouest), cette application unilatérale de l’Accord de paix est loin d’avoir contribué à la réconciliation nationale qui est officiellement son objectif premier.

Par ailleurs, la LDDH reconnaît que les autres points, dont l’ARD dénonce l’absence de toute application, sont effectivement restés lettre morte : du retour des réfugiés à l’indemnisation des biens civils détruits, en passant par la réinsertion des anciens combattants, rien n’a été entrepris par le gouvernement.

Plus significatif de cet unilatéralisme systématiquement voulu, les quelques cadres de l’ancienne guérilla, réintégrés dans la Fonction Publique, ont vu leur salaire arbitrair)ement suspendu dès la création de l’ARD, en violation du seul Statut général de la Fonction publique.

PERSPECTIVES D’AVENIR :

La LDDH, soucieuse de la pérennité de la paix civile, s’inquiète sérieusement des inéluctables conséquences de la dénonciation de l’accord de paix du 12 mai 2001, officialisée le 24 septembre dernier par l’ARD, continuité du FRUD-armé.

La LDDH rappelle qu’elle a vu le jour en 1999, dans un contexte d’exactions des troupes gouvernementales contre les civils du Nord ; exactions ayant prouvé toutes les limites de l’accord de paix du 26 décembre 1994.

C’est pourquoi il est du devoir de la LDDH d’exprimer sa plus vive inquiétude face au silence par lequel l’autre partie signataire de l’accord de paix du 12 mai 2001, c’est-à-dire le gouvernement, se refuse à répondre à cette dénonciation d’un accord de paix dont la communauté djiboutienne espérait tant et que la communauté internationale avait unanimement salué, toutes deux en attendant la concrétisation dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

PROPOSITIONS :

1. La LDDH invite expressément la partie gouvernementale à tout mettre en œuvre afin que tout renouvellement du conflit armé soit conjuré: dans l’actuel contexte régional et eu égard aux insondables frustrations populaires, le fait que le FRUD-armé ait déposé toutes ses armes est loin de constituer le gage d’un avenir pacifié, ni d’une coexistence harmonieuse entre les différentes composantes de la communauté djiboutienne.

2. La LDDH accueillerait avec le plus grand soulagement l’ouverture d’un dialogue franc et sincère dans les meilleurs délais entre le Gouvernement et l’ARD (les deux parties signataires de l’Accord de Paix Historique du 12 mai 2001.

3. La LDDH invite également la communauté internationale et les puissances militairement présentes sur le sol djiboutien à assumer leurs responsabilités afin de sauver la paix civile en République de Djibouti: la lutte contre le terrorisme international gagnerait en efficacité et en crédibilité si notre pays devenait stable, pacifié et démocratique.

NOEL-ABDI Jean-Paul