20/10/05 (B320) Le Monde / Affaire Borrel : polémique autour de la déclassification de documents « secret-défense »

(Le Monde 19/10/2005)

Après l’appel d’une cinquantaine de personnalités lancé, lundi 17 octobre,  » pour la vérité sur l’assassinat du juge Bernard Borrel », la ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie, a confirmé, mardi, la déclassification de 23 documents jusque-là couverts par le secret-défense, dans le cadre de l’enquête sur la mort du juge Bernard Borrel, dont le corps a vait été retrouvé en 1995 à Djibouti.

« A deux reprises, j’ai été sollicitée par le juge d’instruction qui est chargé des investigations pour déclassifier des documents qui avaient été rédigés par les services de renseignement du ministère de la défense », a-t-elle expliqué devant l’Assemblée nationale. « La commission consultative du secret-défense a donc été saisie. (…) Cette commission a estimé que 23 documents présentaient un rapport direct avec les faits. J’ai déclassifié l’intégralité de ces documents », a-t-elle rappelé.

La remise d’autres éléments demandés par la juge chargée du dossier lui a été, en revanche, refusée, a-t-elle confirmé, au motif selon elle qu’ils n’ont « pas de rapport direct avec les faits ».

« ON SE MOQUE DE NOUS »

Assurant son « entier concours à la recherche de la vérité », la ministre a aussitôt été contredite par Olivier Morice, l’avocat de la famille Borrel, qui estime qu’elle a tenu secrets des documents essentiels. « Tous les documents des services secrets DGSE et DST qui concernent l’actuel président de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh, et son entourage, ou ceux en rapport avec l’attentat du Café de Paris [en 1990 à Djibouti] n’ont pas encore été déclassifiés », a expliqué Me Morice. Il soutient que ces documents ont un rapport avec l’affaire et ajoute : « La ministre cherche à éteindre le feu par une fausse déclaration. »

Le 19 octobre 1995, le corps du juge français Bernard Borrel était retrouvé carbonisé dans un ravin à 80 km de Djibouti. L’hypothèse d’un suicide, qui a longtemps prévalu au fil d’une enquête à rebondissements, a été mise à mal en 2003 par une série d’expertises qui ont conduit la justice à privilégier la thèse d’un assassinat. Selon elle, son mari enquêtait sur des affaires dans lesquelles était impliqué l’actuel président djiboutien, Ismaël Omar Guelleh.

Ces affaires auraient pu concerner des trafics d’armes mais aussi l’attentat du Café de Paris à Djibouti, en 1990, qui avait tué un Français et fait 11 blessés. Ces accusations, qui ont été démenties par le président Guelleh, empoisonnent depuis des années les relations diplomatiques entre Djibouti et la France, qui entretient dans ce pays une base militaire stratégique.

En février, la juge Clément n’a obtenu qu’une déclassification très partielle de documents de la direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage). « En autorisant la déclassification de deux feuillets, on se moque de nous. Cela confirme que nous sommes en présence d’une affaire d’Etat », avait expliqué Me Morice, qui se dit aujourd’hui convaincu qu’une déclassification totale permettrait de connaître la vérité sur cette affaire.

Avec AFP et Reuters