29/10/05 (B322) Pour notre rubrique, les interviews éphémères et (presque) imaginaires, Me Aref a accepté de répondre aux questions de l’équipe de l’ARDHD et il explique de façon exclusive sa vision de la situation et de son avenir politique : Délire ou réalisme politique ?

Bonjour Me AREF et d’abord un grand merci de recevoir l’équipe de l’ARDHD.

Bien entendu, nous rappelons en préambule que notre Président n’est pas présent, afin de ne pas interférer dans la procédure que vous avez instruite et plaidée contre lui.

Me AREF :
En effet, il y a des règles et je tiens à ce qu’elles soient respectées. Toute ma vie personnelle et professionnelle a été influencée par un profond respect de l’éthique et de la morale et par un respect absolu de mes devoirs et de mes engagements. La Loi doit être respectée et quiconque s’y oppose, doit être jugé avec la plus grande fermeté. J’y reviendrai plus tard et je vous prouverai que les rumeurs qui sont colportées sont dénuées de tout fondement, à la base même. En tout cas, il est interdit à un avocat de recevoir la partie adverse.

ARDHD :
Maître, pourriez-nous expliquer les raisons pour lesquelles de nombreux observateurs pensent que vous avez effectué un « retournement à 180° » ?

Vous avec été le défenseur des syndicats, en particulier des enseignants, membre reconnu d’Amnesty International, puis arrêté sous Gouled en 91/92, relaxé par le tribunal, puis arrêté de nouveau par Guelleh en 99, pour escroquerie et condamné lourdement à ce motif. Aujourd’hui, on dit que vous êtes l’avocat de la Présidence et en tout cas, celui du Général Zakaria que vous avez défendu à deux reprises : contre DAF à Djibouti et contre l’ARDHD à Paris.

AREF :
Votre question est intéressante, mais elle est mal formulée, car elle présente les faits de façon tendancieuse, surtout quand vous parlez de « retournement ». Je m’inscris en faux contre cette expression et je vais vous expliquer pourquoi.

ARDHD :
Nous sommes attentifs …

Me AREF :
Issu d’une grande famille, je compte parmi mes ancêtres le Bey qui a signé les accords, autrefois avec la France. Plus proche de nous, j’ai des liens de parenté avec le Sultan de Tadjourah. Mon oncle Ali a été Président du Conseil, au temps de la Colonisation française. Un autre oncle, par alliance est Premier des Ministres. J’ai fait mes études dans les écoles militaires de la République française. Bien que ce ne soit pas conforme avec la Constitution(mais qui s’en soucie ?), je bénéficie de la double nationalité française et djiboutienne. Je n’en dirai pas plus, car cela suffit à vous montrer combien notre famille est à la fois proche des Français, mais aussi extrêmement puissante dans la région, bien qu’elle ait passagèrement perdu un peu de pouvoir. Le retour n’en sera que plus marquant.

A l’indépendance qui a marqué un retrait politique notoire de la France dans le Pays, nous avons perdu tout notre pouvoir, mais pas notre influence. C’est le point clef qui explique toute la suite.

Pour récupérer le pouvoir qui avait été accaparé par les Mamassan, nous n’avions d’autre choix que mobiliser les Afar dans une lutte fratricide. En sous-main, nous avons participé au développement du FRUD, dont j’étais membre sans l’être, afin de conserver ma liberté de pencher vers un camp ou vers l’autre, au gré de nos intérêts.

Guelleh que j’admire beaucoup, en dépit du fait qu’il occupe aujourd’hui le poste qui me revenait de droit, avait déjoué, à l’époque, notre fine stratégie à double détente. Il nous a fait incarcérer, mon Oncle, des amis et moi. En réalité, ce n’était qu’une façade, car nous étions pas si mal traités que cela à Ali Adde (mon épouse l’avait confirmé), même si de temps à autre, nous devions faire semblant d’être des victimes sous la menace d’une exécution à brève échéance, afin de remobiliser l’opinion publique, autour de mon image.

L’ARDHD et son Président n’ont rien compris, non pas à la stratégie des Afar en général car il ne faut jamais généraliser, mais à celle de notre clan. Bien involontairement, je dois dire, ils sont tombés dans le piège que nous avions tendu et ils nous ont soutenus avec la force et l’efficacité que le monde entier leur reconnaît. Mais au fond, ils dérangeaient notre stratégie, tout en l’aidant …

Ils la dérangeaient, car nous n’étions pas des vraies victimes en réalité … mais simplement des hommes dont l’espace de liberté avait été provisoirement réduit, en quelle que sorte. Mis à l’écart le temps de se refaire une nouvelle image de marque : celle de victimes, indispensable pour l’application du compromis, dont je vais vous parler.

Ils nous aidaient, car ils contribuaient à véhiculer cette image de martyr, montée de toutes pièces.

ARDHD :
Ce n’est pas simple à comprendre. Quels étaient les objectifs de cette mise en scène ?

AREF :
Vous les Européens, vous êtes incapables de comprendre les subtilités de la diplomatie des Africains. Nous ne sommes pas cartésiens, mais nous sommes habiles et je suis passé maître dans l’art de jouer sur deux tableaux à la fois ….

ARDHD :
Mais les objectifs ?

AREF :
Soyons clairs ! Conserver notre force d’influence mais retrouver le pouvoir. Après le début des combats, nous avons négocié un compromis avec Gouled et avec Guelleh. Il avait été convenu que Guelleh ferait deux mandats et qu’il me repasserait directement les commandes ensuite afin d’assurer une alternance familiale. Je ne suis pas tribaliste, mais il faut accepter les réalités du terrain et le tribalisme est le seul lien qui unit des hommes issus de la même origine … il participe activement au soutien des familles dirigeantes.

Donc, il fallait jouer finement pendant les deux mandats qui étaient réservés à Guelleh. D’abord apparaissant comme la victime d’un harcèlement judiciaire, durant le premier mandat, je devais évoluer vers un rôle majeur de défenseur, afin de reprendre progressivement ma place sur la scène politique.

Encore une fois, Schaal n’a rien compris à ma stratégie et il n’a jamais accepté, non pas que je retourne ma veste, mais que j’applique les accords passés et préparés de longues dates. Les grandes lignes de cette stratégie avaient été élaborés dès 1991 par les sages de nos familles respectives : Ali Aref d’un côté et Gouled de l’autre. L’arrivée de Dileita comme PM, était prévue : elle fait partie de l’application de cette stratégie et elle confirme ce que je vous disais : nous avons toujours notre capacité d’influence mais sans aucun pouvoir effectif.

Croyant bien faire et j’en suis convaincu, l’ARDHD, qui n’a pas compris le sens caché des messages que je lui ai fait passer, s’est mise en travers de mon chemin. Il fallait donc l’éliminer, d’autant plus que sa notoriété progressait fortement, comme média de l’opposition.

Pour rester honnête, comme je l’ai toujours été, je dois dire que l’ARDHD est l’une des rares forces véritables de l’opposition : son site est le plus lu. Vous savez pourquoi ? Parce qu’elle ne cherche pas à prendre le pouvoir !

Ce n’est pas le cas des nombreuses organisations qui sont dirigées par des Djiboutiens : beaucoup ont bien compris leur intérêt et les subtilités de la partie, puisqu’elles négocient périodiquement avec les représentants de Guelleh.

A quelques exceptions près (Ils étaient parmi ceux qui ont eu la cohérence d’assister au procès le 18 octobre), on ne peut généralement pas parler d’opposants purs et durs au régime, mais d’un système au sein duquel chacun échafaude des stratégies pour se positionner au mieux et ne pas perdre les avantages qu’il pourrait obtenir, du fait de l’importance relative de son audience parmi la communauté.

ARDHD :
Intéressant. Pourriez-vous nous donner des noms de partis politiques qui sont dans un cas ou dans l’autre ?

AREF :
Absolument pas, c’est plus qu’un Secret Défense et on ne le déclassera pas ! Mais interrogez donc les Djiboutiens : beaucoup pourraient vous les donner …. !

ARDHD :
Passons, tout cela nous semble bien compliqué et un peu alambiqué.

AREF :
Pour que je prenne le pouvoir, sans combat, à la fin du mandat de Guelleh, il est indispensable que j’abatte l’ARDHD, qui me fait de l’ombre maintenant et surtout qui médiatise ce qu’elle appelle « mon retournement », qui n’en est pas du tout un, car c’est l’application d’un plan conçu il y a plus 15 ans.

L’ARDHD brouille les cartes et contribue à dégrader dramatiquement mon image sur le plan international, ce qui est inacceptable. Par exemple, elle a agi pour que je sois destitué de mon poste de Vice-président de l’UIDH et bien d’autres encore. Alors que j’avais besoin de ces « couvertures » pour continuer mon double jeu, qui est l’un de mes domaines de prédilection.

Donc l’ARDHD dérange mes plans. Peu importe s’ils m’ont défendu avec honnêteté et engagement, moi je n’ai aucun état d’âme, vous le savez bien. En parfait accord avec Guelleh, nous avons pris le prétexte du Général Zakaria (c’aurait pu être un autre, mais j’ai remarqué que l’ARDHD avait dépassé les limites dans ce cas et donc que les rigueurs de la Loi devaient s’appliquer aussi à cette Association) pour déposer une plainte contre l’ARDHD. Pour moi, c’est sans risque : si l’ARDHD est condamnée, tout le mérite me reviendra et je pourrais le valoriser devant Guelleh, si c’est le contraire, c’est le Général seul qui aura perdu … et il s’en expliquera avec Guelleh, qui sera furieux !

ARDHD :
Ce n’est pas élégant …

AREF :
Pas du tout, mais le résultat seul compte. Alors que j’ai toujours des soutiens personnels au sein de la diplomatie non seulement française mais aussi américaine (nouée lors d’un voyage « de formation » qui m’a été offert aux USA, par le Gouvernement fédéral), je ne vais pas prendre des gants avec des gens qui n’ont rien compris à notre stratégie et qui, par pure naïveté, prennent les choses au premier degré. Tant qu’ils pouvaient m’être utiles, je leur envoyais des lettres de chaleureux remerciements. Maintenant le contexte est différent et c’est devant un tribunal français que je les attaque. C’est cela, la politique-réalité. Aujourd’hui, mon tremplin politique, c’est Guelleh, alors je m’appuie sur lui. Demain, eh bien on verra !

ARDHD :
Merci Me AREF pour ces réponses franches qui permettent de mieux clarifier votre action. Peut-on écrire : AREF sera le futur Président après Guelleh ?

AREF :
Surtout pas, car je vous attaquerai de nouveau au pénal pour diffusion de fausses informations destinées à me nuire auprès d’IOG ! Et cette fois, vous n’aurez aucun élément pour le prouver ni aucun témoin pour vous soutenir.

ARDHD :
Mais si vous le faisiez, pourriez-vous plaider pour vous ?

AREF :
Certainement pas et vous le savez très bien ! Je demanderai à mes excellents amis, Me Martinet ou Me Wabat Daoud de le faire et cela m’étonnerait qu’ils me refusent un tel service, sachant mon avenir politique.

ARDHD :
Comment voyez-vous la suite ?

AREF :
Mon retour dans la majorité au pouvoir se fait progressivement. D’abord, sans étiquette, avec mon Oncle Ali Aref, nous avons soutenu officiellement la campagne présidentielle de Guelleh.

Ensuite je vais me rapprocher officiellement de nos amis, qui ont rejoint les bancs de la majorité avant nous, comme Gabayo, Aden Robleh ou Moumin Bahdon, pour ne citer qu’eux. Seule la majorité a les compétences et l’infrastructure pour gérer efficacement ce pays et pour poursuivre efficacement les actions et les sytèmes « particuliers » mis en place. Je vous défie de me dire qui, au sein de l’opposition, pourrait le faire : il manquerait d’éléments !

ARDHD :
Toujours le réalisme politique, façon AREF ?

AREF :
Entre nous et « Off record » l’avenir vous le confirmera. Faites enfin, un effort pour comprendre les subtilités africaines et la stratégie de ma famille. Reconquérir le pouvoir perdu, mais sans ne jamais le dire. Dans quelque temps, je retrouverai le fauteuil qui me revient de droit, non pas seulement pour mes compétences, mais surtout pour mes origines familiales. L’alternance n’est pas un vain mot, mais l’alternance familiale uniquement.

En quittant le bureau de Me AREF, nous nous souvenions qu’il avait été condamné à Djibouti pour escroquerie et rayé du barreau en 1999. Difficile de se prononcer sur la réalité des charges d’escroquerie financière, mais pouvait-on retenir aujourd’hui et après l’interview : celles d’escroquerie intellectuelle ? Il faudra que les lecteurs soient bien tolérants pour comprendre et pour accepter cette présentation pour le moins, byzantine, des faits ? Ce n’était pas encore gagné !