25/11/05 (B325) UDT / APPEL POUR LA BIRMANIE.

UDT

Djibouti le 29/10/2005

A
Son Excellence,
le Ministre des affaires étrangères
et de la coopération internationale,
chargé des relations avec le parlement

Placer la Birmanie (Myanmar) à l’ordre du jour du conseil de sécurité des NU

Par cette lettre, je prie notre gouvernement, au nom de mon organisation, l’UDT, de demander au secrétaire général des nations unis de placer ce mois-ci (octobre 2005) la situation en Birmanie (Myanmar) à l’ordre du jour du conseil de sécurité.

Cette demande s’inscrit dans une campagne coordonnée à l’échelon international par notre organisation faîtière, la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL). Elle se fonde sur les recommandations d’un plan récemment présenté par l’ancien président de la république tchèque, Vaclav Havel, et le lauréat du prix Nobel de la paix en 1984, Desmond Tutu (Afrique du sud).

Le récent rapport présenté par Messieurs Havel et Tutu (auquel nous faisons référence dans la suite du document comme le ‘plan Havel-Tutu’) a été largement couvert par les médias partout dans le monde. Le plan indique que l’assemblée générale des Nations Unies a adopté 14 résolutions consécutives réclamant un changement en birmanie. La commission des droits de l’homme des nations unis a adopté 13 résolutions consécutives sur le même sujet. Ces résolutions réclamaient une réconciliation nationale pacifique par la voie de négociations entre la junte militaire au pouvoir, le mouvement démocratique dirigé par la seule lauréate du prix Nobel de la paix à être privée de liberté, Daw Aung San Suu Kyi, et les minorités ethniques de birmanie. En outre, la résolution de l’assemblée générale a conduit le secrétaire général des nations unies, Kofi Annan, à nommer un envoyé spécial (M. Ismaël Razali) pour faciliter ces négociations, tandis que la commission des droits de l’homme a nommé un rapporteur spécial ( le professeur Pinheiro) pour examiner la situation des droits de l’homme dans ce pays.

Le régime birman s’est moqué des nations unies et de son secrétaire général en rejetant catégoriquement tous ces efforts. Les envoyés des nations unies ne sont pour l’instant pas autorisés à entrer dans le pays, et les 27 résolutions ont été complètement ignorées. En outre la junte a fortement limité ces derniers mois la capacité du responsable de liaison du BIT à Rangoon de mener à bien son mandat, visant à aider les autorités à éradiquer le fléau du travail forcé.

1. Pour quelles raisons le conseil de sécurité des nations unies doit-il prendre une action sur la birmanie ?

Pour déterminer si la Birmanie mérite qu’on lui octroie une attention à un niveau si élevé, le plan Havel-Tutu compare la situation en Birmanie à d’autres pays où le conseil de sécurité des NU est intervenu. Le rapport a identifié cinq éléments clés que le conseil de sécurité a pris en compte au moment de décider d’intervenir ou non dans un pays : 1) renversement d’un gouvernement démocratiquement élu ; 2) conflit grave et violent entre le gouvernement central et des factions ethniques ; 3) infractions internes importantes aux droits de l’homme ; 4) fuite de réfugiés ; et 5) production et trafic de drogues. Si aucun de ces facteurs pris individuellement n’entraînera l’intervention du conseil, plusieurs de ces facteurs a conduit dans le passé le conseil à agir concernant la Sierra Leone, Haïti, le Cambodge, l’Afghanistan, le Yémen, le Rwanda et le liberia. La Birmanie est unique en ce sens que chaque élément est en jeu dans le pays-et pas seulement quelques-uns. Ceci montre que les arguments juridiques pour une action du conseil de sécurité des NU concernant la Birmanie sont incontestables.

En outre, la gravité de ces facteurs en Birmanie est particulièrement prononcée dans chacun de ces domaines. 1) la junte n’a jamais autorisé la LND à former un gouvernement, en dépit d’une victoire électorale écrasante (80%) en 1990 et la LND n’est pas non plus autorisée à participer à ladite « convention constitutionnelle » du régime. 2) un violent conflit armé interne a fait rage pendant des décennies entre les militaires birmans au pouvoir et les groupes ethniques du pays, qui représentent environ 40% de la population. 3) ce conflit, de même que la nature dictatoriale du régime, a entraîné des violations des droits de l’homme à une échelle massive, détentions, le recours au viol comme arme de guerre, et deux phénomènes qui ont atteint des proportions sans précédent où que ce soit dans le monde : Le recours systématique au travail forcé et le recrutement forcé et massif d’enfants soldats. 4) en raison de la nature brutale du régime, et en particulier du recours au travail forcé, on estime à 2 millions au moins les personnes qui ont fui la Birmanie pour se rendre dans des pays voisins, en particulier la thaïlande. 5) la Birmanie est le producteur principal de méthamphétamines de l’Asie du sud-est, exportant des centaines de millions de pilules par an.

Le rapport Havel-Tutu note également que les actions de l’OIT concernant le travail forcé en Birmanie sont absolument sans précédent. Jamais auparavant au cours de ses 86 ans d’histoire l’OIT n’avait invoqué l’article 33 de sa constitution concernant les droits fondamentaux des travailleurs dans quelque pays que ce soit. En effet, et comme les affiliées de la CISL et celles des FSI le savent, le travail forcé en Birmanie est si important que la commission d’enquête du BIT a jugé qu’il équivalait à un crime contre l’humanité.

2. éléments pour un débat au conseil de sécurité des NU et une résolution sur la Birmanie

Le plan Havel-Tutu comporte quatre éléments. Tout d’abord, il suggère l’organisation par le conseil de sécurité des NU d’un débat et l’adoption d’une résolution obligeant le régime militaire birman à travailler avec le bureau du secrétaire général des NU en vue de formuler un plan de réconciliation nationale. Cette proposition va dans le droit fil de nombreux appels des nations unies et de ses agences spécialisées, dont l’OIT, au dialogue en Birmanie entre le régime au pouvoir, le mouvement pour la démocratie et les minorités ethniques. En deuxième lieu, le plan Havel-Tutu demande au secrétaire général des NU de rendre compte périodiquement au conseil de sécurité des NU. Et troisièmement, le plan demande au régime de permettre que l’aide humanitaire parvienne aux personnes les plus démunies en Birmanie, une aide que le régime bloque pour l’instant. Enfin, le rapport demande la libération immédiate de Daw Aung San Suu Kyi. Chacune de ces recommandations serait incluse dans une résolution qui devrait être adoptée par l’entièreté du conseil.

Il convient de préciser que, afin de recueillir un soutien maximum des membres du conseil de sécurité, le plan Havel-Tutu ne réclame pas de sanction ou autres mesures punitives contre le régime militaire birman, puisqu’une telle proposition serait, on le présume, rejetée par un ou plusieurs membres permanents du conseil. En outre, les voisins de la Birmanie dans l’Asie du sud-est ont demandé une approche multilatérale qui n’exclue pas des sanctions. La proposition présentée ci-dessus est dès lors destinée à traiter ces préoccupations.

Comme vous le savez fort probablement, si les membres permanents du conseil de sécurité ont un « pouvoir de veto », ils ne peuvent cependant pas exercer ce pouvoir pour exclure un point de l’ordre du jour ou pour empêcher un débat formel. Il est par conséquent essentiel d’obtenir le soutien du plus grand nombre de pays possible. Notre organisation, l’UDT, exprime dès lors le ferme espoir que notre gouvernement apportera son ferme soutien à une telle initiative.

3. calendrier et urgence

Cette année est le moment idéal pour placer la Birmanie à l’ordre du jour du conseil de sécurité. En particulier, ce mois (octobre) peut être l’occasion idéale, puisque la parution du plan Havel-Tutu a été largement couverte dans les médias.

Compte tenu de ce qui précède, j’engage vivement notre gouvernement à soutenir publiquement l’introduction de la Birmanie à l’ordre du jour du conseil de sécurité des NU et à envoyer une lettre au secrétaire général des NU lui demandant qu’un débat sur la Birmanie ait lieu au conseil de sécurité des NU.

Je vous saurais gré de bien vouloir m’informer le plus rapidement possible de la position du gouvernement sur cette question.

Dans l’attente d’une suite favorable à notre demande, nous vous prions d’agréer, son excellence, l’expression de notre haute considération.

Le secrétaire général de l’UDT
ADAN MOHAMED ABDOU