27/11/05 (B326) L’ancien président tchadien Hissène Habré de nouveau arrêté (Reuters)

DAKAR (Reuters) – L’ancien président tchadien Hissène Habré a de nouveau été placé en détention par les autorités sénégalaises, qui ont annoncé que la question de son extradition vers la Belgique serait soumise à l’Union africaine (UA).

Habré, inculpé par la justice belge pour des atrocités commises alors qu’il était au pouvoir, de 1982 à 1990, a été assigné à résidence pour 48 heures, au terme desquelles il sera transféré au Nigeria, selon l’un de ses avocats.

« Hissène Habré est mis a la disposition du président de l’Union africaine (Olusegun Obasanjo) à partir d’aujourd’hui », a indiqué le ministère de l’Intérieur dans un communiqué lu par l’avocat de l’ancien président. « Hissène Habré a 48 heures pour faire l’inventaire de ses biens et pour l’exécution du présent arrêté », a-t-il ajouté.

Interpellé la semaine dernière au Sénégal où il vit depuis 15 ans, il avait été libéré vendredi soir, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel s’étant déclarée incompétente quant à son extradition vers la Belgique.

Des policiers sont demeurés toute la nuit de vendredi à samedi à proximité de son domicile, dans la banlieue de Dakar. Il a été arrêté samedi matin et emmené dans les locaux de la Division des investigations criminelles. Il été ramené chez lui peu après, toujours sous escorte.

« C’est une mesure très politique. Je suis serein parce que j’ai le droit avec moi », a-t-il déclaré à une station de radio locale.

CASSE-TÊTE

Me Georges-Henri Beauthier, qui représente les parties civiles, dont certaines disposent de la nationalité belge, a fustigé la décision de Dakar. « Ce compromis n’est pas légal (…) Envoyer Hissène Habré en Belgique est l’unique solution légale », a-t-il affirmé.

« Hissène Habré est assis dans un fauteuil chez lui. Il attend qu’on vienne l’envoyer en catimini au Nigeria », a pour sa part déclaré Doudou Ndoye, l’un des avocats de l’ancien chef d’Etat. « Ce qui se passe est contraire à toute règle de droit. On est dans une situation de non-droit », a-t-il ajouté.

L’affaire a suscité un débat international complexe, la question étant de savoir si les anciens chefs d’Etat recherchés pour atteintes aux droits de l’homme devaient être jugés devant les tribunaux d’autres pays ou seulement dans leur propre pays.

C’est aussi un casse-tête pour le président sénégalais qui, la semaine dernière, déclarait qu’il consulterait l’Union africaine pour savoir s’il devait ou non livrer à Bruxelles Hissène Habré, que les défenseurs des droits de l’homme appellent le « Pinochet de l’Afrique ».

Lors d’une visite jeudi à Bruxelles, l’actuel président tchadien, Idriss Deby, a demandé à Wade d’extrader Habré vers la Belgique, en rappelant que le président sénégalais avait dit par le passé qu’il le ferait si la demande était présentée à son pays.

Wade, estiment des diplomates, ne veut peut-être pas créer un précédent en extradant pour la première fois un ancien chef d’Etat vers une ex-puissance coloniale. Les historiens accusent les autorités belges d’avoir commis des atrocités lorsque le Congo-Kinshasa était une colonie belge.

Hissène Habré a été renversé par Idriss Déby en 1990. Deux ans plus tard, une enquête du gouvernement tchadien accusait le gouvernement Habré de 40.000 assassinats politiques et de 200.000 cas de torture.

S’il n’obtient pas son extradition, le gouvernement belge a d’ores et déjà fait savoir qu’il pourrait porter l’affaire devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye.