03/12/05 (B327) Extrait de Jeune Afrique. Comme il le pratique régulièrement pour justifier les subventions qu’il reçoit de plusieurs chefs d’Etat africain, Jeune Afrique, l’Intelligent diffuse une interview « léche-bottes » de Guelleh. C’est tellement pitoyable et insipide que l’ARDHD se refuse de la commenter, laissant aux lecteurs le soin de se payer … une bonne tranche de dérision …

Peut-on considérer que la génération nationaliste arrivée au pouvoir en 1977 a passé le relais aux cadets ?
La génération que vous évoquez a accompli avec brio son devoir : elle a assuré les conditions et les moyens de notre existence en tant qu’Etat, nation et peuple. Ce n’est pas rien, dans cette partie de la Corne de l’Afrique où le magma tribalo-ethnique peut entrer en éruption à tout instant. Aujourd’hui, les cadets poursuivent et prolongent l’objectif des aînés : offrir à tous nos compatriotes un développement harmonieux, en phase avec leur identité culturelle.

Les jeunes Djiboutiens, c’est-à-dire vos concitoyens nés après l’indépendance (1977), sont-ils confrontés à des défis particuliers ?
S’il y a un problème transversal, commun à tous nos Etats africains, c’est bien celui de la jeunesse. Du Cap au Caire en passant par Djibouti, la jeunesse forme une classe, au sens sociologique du terme. Même si les situations varient d’un pays à l’autre, nos jeunes sont une réalité démographique et sociale incontournable, quand nous réfléchissons sur le développement durable… Comment y parvenir sans garantir l’épanouissement de la jeunesse, sur le tripe plan de l’éducation, de la santé et de l’emploi ? Les défis posés à la génération post-indépendance, qui constitue 70% de la population djiboutienne, sont autant de paris que l’Etat doit gagner.

Comment les pouvoirs publics prennent-ils en compte, dans leurs réflexions et dans leurs réalisations, les aspirations des jeunes ?
Notre essor social et économique est impossible sans la participation des jeunes. Leur dynamisme, leur faculté de proposer ou de maîtriser des innovations technologiques ainsi que leur inclination à la mobilité géographique sont des atouts considérables.

Encore faut-il que nous leur offrions des opportunités. Le chômage généralisé et la montée des incertitudes, aussi bien au niveau national que continental, ne facilitent pas la tâche.

D’autant que les contraintes budgétaires, surveillées par le FMI et la Banque mondiale comme le lait sur le feu, ne nous permettent pas d’investir ambitieusement dans cette formidable source d’énergie qu’est la jeunesse.

Pourtant, nous ne baissons pas les bras : depuis les états généraux de l’éducation, en 2000, nous avons entamé une politique qui combine les impératifs de l’éducation pour tous et les indispensables formations professionnelles adaptées au marché du travail.

Egalement grâce à de petits projets financés par micro-crédit — à travers un fonds social de développement mis en place par mon gouvernement — des centaines de jeunes femmes ont tourné le dos à la misère. Nous allons poursuivre dans cette voie.

Quelles sont les menaces majeures qui guettent les jeunes déstabilisés par le chômage ?
Les jeunes Africains sont confrontés à la même problématique : urbanisation concentrationnaire et exode rural massif créent des conditions de promiscuité et de déviances dangereuses. Parmi les risques encourus, la déstructuration des réseaux de solidarité traditionnelle et la déperdition des valeurs et des cultures propres à cimenter le lien social. Il serait judicieux que le Sommet de Bamako examine ce problème de déracinement et de perte des repères dont sont victimes nos jeunes en milieu urbain.

Où les jeunes Djiboutiens pourraient-ils investir leur dynamisme et leur altruisme ?
Il faut faire en sorte que leur énergie, leur vitalité ne soient pas captées par des entreprises mafieuses ou extrémistes. La solution classique de la lutte par le sport contre la délinquance et l’oisiveté ne suffit pas. Il faut intéresser davantage nos jeunes aux vertus de la société civile et aux actions d’intérêt général. J’observe déjà que, depuis que le secrétariat de lutte contre le sida travaille avec les associations de jeunes, la sensibilisation contre ce fléau a gagné en efficacité.

La communauté internationale contribue-t-elle à réduire les maux dont souffre la jeunesse africaine ?
Hélas ! l’émigration massive, les menaces d’épidémie, les tentations terroristes induites par la pauvreté et le chômage à travers notre continent n’interpellent pas suffisamment la communauté internationale… Même si celle-ci risque d’en subir les retombées. Les engagements des bailleurs de fonds à doses homéopathiques ne suffisent pas pour inverser la tendance. Les normes et les exigences des institutions bancaires ne facilitent pas les emprunts.

Peut-on évaluer l’aide au développement que vous consacrent votre partenaire historique, la France, ainsi que les Etats-Unis ?
Paris nous a toujours manifesté son soutien et sa solidarité. Bien entendu, la coopération française a été adaptée aux évolutions de notre société : les enseignants coopérants sont ainsi progressivement remplacés par des compétences nationales. Ce sont là des choix stratégiques de développement qui illustrent le souci d’une coopération de qualité, adaptée aux besoins spécifiques de notre pays. De même, nos amis français s’investissent dans des secteurs aussi importants que la mobilisation sociale ou la construction des écoles rurales, qui participent à la mutation de notre société. Pour ce qui concerne nos amis américains, le retour de l’Usaid sur notre territoire, depuis 2002, est de bon augure… Ceci dit, l’aide au développement ne peut pas se passer des investissements dans le secteur privé. Or les entreprises françaises ne sont pas assez sensibilisées aux opportunités offertes par le port de Doraleh, qui va faire de Djibouti un grand centre de distribution pour toute la région.

La France remanie son dispositif militaire sur le continent. Abritant l’une des plus grandes bases françaises hors de l’Hexagone, votre pays est concerné… Y aura-t-il un impact économique ?
Je crois savoir que le redéploiement français est purement stratégique. Il ne s’agit pas de diminution ou d’augmentation des effectifs, mais d’optimisation du dispositif militaire à la lumière d’une nouvelle géostratégie intégrant l’Union africaine comme un partenaire. C’est une avancée majeure qu’il faut saluer, car le principe d’un soutien logistique de la France et d’autres pays à des forces africaines prépositionnées est un élément central dans la gestion et la prévention des conflits sur notre continent. Je peux vous dire que Djibouti est fier de participer à cette entreprise de paix et de développement.

Le voisinage de Djibouti est connu pour son instabilité endémique. A quand une Corne de l’Afrique pacifiée et stabilisée ?
Je crois que, pour la première fois depuis longtemps, plusieurs foyers de tension régressent dans la Corne de l’Afrique. J’en veux pour preuve la résolution du conflit fratricide au Soudan, qu’on pensait insoluble car de nature confessionnelle. A souligner aussi la sortie du tunnel de la Somalie, avec la constitution d’un gouvernement entériné par tous les protagonistes… Bien sûr, nous avons nous-mêmes contribué à résorber ces crises. Mais il faut surtout applaudir l’implication d’un organisme comme l’Igad — l’Autorité intergouvernementale pour le développement — qui s’est beaucoup investie dans le problème somalien par exemple. De son côté, la communauté internationale devrait faciliter la transition vers une culture de paix plus qu’elle ne le fait actuellement.

Le Comesa, organisation économique regroupant les Etats de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe, va tenir en 2006 son Sommet à Djibouti. Quelle est la portée de cet événement?
Le Comesa est avant tout un espace commercial, qui ambitionne de réaliser un grand marché commun fondé sur la libre circulation des biens, des personnes et des services à travers une vingtaine de pays membres. Car, en cette époque de mondialisation, aucune économie ne peut s’épanouir ou se protéger dans le seul cadre national. Bien évidemment, dans cet ensemble, notre pays entend développer son économie et jouer un rôle primordial. Notre position stratégique au carrefour de l’Afrique, de l’Asie et de la péninsule Arabique nous y prédispose. L’organisation du prochain Sommet du Comesa chez nous témoigne de notre détermination à promouvoir un tel ensemble.

Votre pays peut-il devenir le pôle de la Francophonie est-africaine ?
Il ne faut pas comprendre la Francophonie comme une simple association linguistique. La Francophonie, c’est aussi un ensemble de valeurs et de principes que nous partageons en commun, comme l’atteste le dernier Sommet consacré au développement durable. La Francophonie, c’est également la diversité culturelle, le respect des minorités, une exigence de bonne gouvernance… Dans cette optique, nous serions honorés d’être un foyer de rayonnement francophone pour toute l’Afrique de l’Est.