13/12/05 (B328) LDDH : note d’information sur l’indépendance des Magistrats de la Chambre des Comptes.


Le Président

NOTE D’INFORMATION
DU 12 DECEMBRE 2005
SUR L’INDEPENDANCE DES MAGISTRATS
DE LA CHAMBRE DES COMPTES.



Cette Note d’Information porte sur le dialogue ouvert, par les magistrats de la Chambre des Comptes avec le ministre de la Justice sur le Décret présidentiel N° 2005- 0174/PR/MJAPM daté du 13 octobre 2005 instituant une prime de rendement ;

Ce texte réglementaire constitue une violation grave et manifeste des prérogatives du Conseil Supérieur de la Magistrature qui est le seul organe habilité par la constitution pour juger la disciple des magistrats.

En effet, le décret du 13 octobre instaure un système parallèle et cumulatif de sanction pour les seuls juges de la Chambre des Comptes et de Discipline Budgétaire système, qui est laissé à l’entière discrétion du président de cette juridiction. Ce système ne garantit pas aussi les droits de défense puisqu’aucun recours n’est ouvert pour d’éventuelles réclamations ou corrections. A ce jour le dialogue est au point mort, entre le ministre de la justice et les magistrats, et ces derniers ont décidé de saisir le Conseil du Contentieux Administratif d’une requête en annulation du décret litigieux.

La Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) s’associe à cette démarche légaliste des magistrats et espère que le Conseil du Contentieux Administratif, qui ne siège plus depuis 1996, se prononcera en son âme et conscience sur l’illégalité du décret présidentiel.

Il est bon de rappeler, qu’à plusieurs reprises la Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) : s’était alarmée des dénis de Justice, de la mainmise de l’Exécutif sur le Pouvoir Judiciaire s’inquiétant de ce que l’absence d’indépendance des magistrats conduirait inéluctablement à une dérive préjudiciable au bon fonctionnement des Institutions républicaines.

En montant au créneau, les magistrats djiboutiens confirment bien qu’à posteriori nos craintes et dénonciations répétées des tentatives de bâillonnement de la Justice.
Dans une Requête déposée le 26 novembre dernier, requête motivée avec compétence, elle annonce ce que les Défenseurs des Droits de l’Homme ont toujours dénoncé.

NOEL ABDI Jean-Paul

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Documents ci-après.

  • Quelques points mettant en péril l’indépendance des magistrats.
  • Décret instituant une « soit disante » prime de rendement.
  • Décret sur le Conseil Supérieur de la Magistrature.
  • Plainte auprès déposée par des Magistrats de la Chambre des Comptes (extrait

Quelques points sur la nécessité de l’abrogation du Décret mettant en péril l’indépendance des Juges.

« Les magistrats de la Chambre des comptes et de Discipline Budgétaire, par lettre du 23 octobre 2005 ont saisi le Ministre de la Justice, des Affaires pénitentiaires et Musulmanes, chargé des Droits de l’Homme souligner leurs désapprobations suite au décret N°2005-l 74/PR/MJAPM faussement intitulé «décret instituant une prime au rendement ».

En effet le décret du 13 octobre 2005 méconnaît les règles de base de fonctionnement de nos institutions républicaines. Il porte atteinte à des principes fondamentaux à valeurs constitutionnelles qui sont le socle de notre démocratie et de notre état de droit. Il remet en cause l’indépendance et le serment professionnel qui lie le magistrat.

I. Atteinte à l’indépendance des magistrats qui est Indissociable au concept de l’Etat de Droit, l’indépendance des magistrats reste sans doute un principe sacro-saint dans le fonctionnement des institutions judiciaires.

Cette volonté d’indépendance se matérialise par les dispositions de la loi suprême, notamment l’article 72 de la Constitution du 15 septembre 1992 qui proclame que «le juge n’obéit qu’à la loi …dans le cadre de sa mission, il est protégé ‘contre toute forme de pression de nature à nuire à son libre arbitre»

Dans cet esprit, il est évident que le décret en question menace l’indépendance des magistrats dès lors qu’il offre à une seule personne un pouvoir inouï de pression en lui permettant de décider seule du paiement du salaire aux magistrats.

L’article 3 du décret du 13 octobre 2005 confère au président de la CCDB le pouvoir d’apprécier la qualité des rapports d’instruction» et encore plus grave «des arrêts produits ».

II. Violation caractérisée des attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature

La question se pose à la vue de cet article de la persistance de l’indépendance de la formation de jugements qui est seule habilitée à juger le contenu du rapport d’instruction du magistrat rapporteur en vertu de l’article 46 de la loi n°122/AN/01 fixant l’organisation et le fonctionnement de la chambre des comptes.

Dans sa quête de garantie supplémentaire pour l’indépendance des magistrats, le législateur n’a cessé d’user de formulations les plus claires pour ne guère laisser d’espace à toutes interprétations ambigus ou ingérences.

L’article 73 alinéa 3 et 4 de la constitution de 1992 dispose expressément que « le CSM veille sur la gestion de la carrière et donne son avis sur toute question concernant l’indépendance des magistrats.

Il (le CSM) statue comme conseil de discipline pour les magistrats»

Tous les articles du décret en question ignorent ces dispositions constitutionnelles puisqu’il n’est fait à aucun moment références au CSM pour déterminer la faute qui conduira à la sanction pécuniaire.

Par ailleurs les droits et devoirs des magistrats sont clairement définis et affirmés par la loi organique du 18 février 2001, portant statut de la magistrature. Cette loi a prévu un ensemble de sanctions à l’encontre des magistrats défaillants et en a exclusivement réservé l’exercice au conseil supérieur de la magistrature qui détient seul le monopôle légal en matière de sanctions des magistrats.

Le décret visé en objet est venu créer une rupture dans cet ordre légal, en instaurant une sanction pécuniaire spécifique à une catégorie de magistrat; sanction inédite, échappant complètement au CSM et dévolue au seul président de la Chambre de Comptes en contradiction totale avec les dispositions des textes supérieures
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REPUBLIQUE DE DJIBOUTI
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
CHEF DU GOUVERNEMENT
DECRET N° 2005-0174/PH/MJAPM
Instituant une prime au Rendement

Vu la constitution du 15 septembre 1992, Vu le décret n° 2005-0067/PRE du 21 Mai 2005 portant nomination du Premier Ministre

Vu le décret n° 2005-0069/PRE du 22 Mai 2005 portant nomination des membres du gouvernement;

Vu la Loi n° 122/AN/01 du 1er avril 2001 complétant et modifiant la loi n° 136/AN/ 1997 du 02 Juillet 1997, Vu le- décret n°95-0063/PRE relatif aux conditions de rémunération et avantages accordés aux contrôleurs financiers,

Vu le décret n°96-0147/PR/FIN du 16 décembre 1996 relatif aux indemnités, aux logements administratifs et aux avantages en nature, Vu le décret n°98-035/PR/MEPPP du 05 avril 1998 rationalisant l’octroi des indemnités,

DECRETE

Article 1er : Le principe du salaire contrepartie d’un travail effectif doit trouver sa pleine application dans le calcul des salaires du Personnel magistrat et non magistrat de la Chambre des Comptes et de Discipline Budgétaire, garante de la bonne utilisation des fonds publics. Le strict respect des horaires de travail, tel que défini par les textes en vigueur et notamment par la circulaire du Président de la République en date du 3 Septembre 2005, est obligatoire.

Article 2 : Les absences et retards non justifiés donneront, par conséquent, lieu à une retenue de salaire correspondant au temps de travail non effectué. Un état des absences et retards dressés par le Président de la Chambre, faisant ressortir le nombre total des heures de travail non réalisées, sera transmis à la Direction des Finances avant le 05 de chaque mois.

Article 3 : L’indemnité de responsabilité (50 000 FD) et l’indemnité spécifique de contrôleur financier (100 000 FD) sont indexés sur le rendement de chaque magistrat, apprécié notamment suivant les critères de respect du budget/temps prédéterminé pour chaque mission et au vu des fiches de saisie informatique quotidienne, de la qualité des rapports et arrêts produits, des ateliers de restitution organisés par chaque bénéficiaire d’une formation à l’étranger au profit des autres membres de la Juridiction.

Article 4 : Pour ce faire, le Président de Li Chambre des Comptes et de Discipline Budgétaire établira, éventuellement au vu des propositions des Présidents de section et directement pour ces derniers, une notation trimestrielle sur 100 qui servira à la liquidation des indemnités du trimestre suivant. La note du Substitut Général sera établie par le Procureur Général et communiquée au Président de la Chambre pour insertion à la feuille de notation.

Article 5 : Les sommes ainsi retenues sont comptabilisées au Trésor dans un compte particulier ouvert à cet usage. En fin d’année ces sommes, après définition de leur montant entre le Comptable de l’Etat et la Chambre des Comptes, sont répartie entre les magistrats et non magistrats les plus méritants à hauteur de 70% et le solde consacré au fonctionnement de la Juridiction.

Article 6 : L’application des présentes dispositions ne fait pas obstacle à la saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature pour les sanctions disciplinaires relevant de sa compétence.

Article 7 : Le présent décret sera publié, enregistré et communiqué partout où besoin sera

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EXTRAIT DE LA REQUETE

Contre

Le décret n°2005-0174/PR/MJAPM en date du 13 octobre 2005 instituant une prime au rendement

1/ Sur la recevabilité

A) Sur l’intérêt à agir
Le décret N°2005-1 74/PR/MJAPM intitulé ((décret instituant une prime au rendement » en date du 13 octobre 2005 touche directement aux intérêts matériels et moraux individuels des magistrats de la Chambre de Compte et de Discipline budgétaire de la Cour Suprême. En privant ces magistrats jusqu’à la moitié de leur rémunération acquise sur la base de texte légale antérieur, le décret méconnaît les règles de base de fonctionnement de nos institutions républicaines.

Les émoluments du magistrat sont légalement accordés aux magistrats sur la base de textes légales et réglementaires.

Il résulte que les demandeurs ont intérêt à agir contre le décret n°2005-l74/PR/MJAPM en date du 15 octobre 2005.

B) Sur la qualité pour agir
Agissant en conformité des dispositions de l’article 21 alinéas 3 du Statut de la Magistrature fixé par la loi organique n°9/AN/01/4éme L en date du 18 février 2001
« Les magistrats ne peuvent défendre ni verbalement, ni par écrit, même à titre de consultation, les causes autres que celles qui les concernent personnellement»

Les dispositions du décret n°2005-l74/PR/MJAPM en date du 15 octobre 2005 concernent chacun des demandeurs à cette requête et la loi les autorise à se défendre par tous les moyens légaux.

C) Sur le délai pour agir –
Le décret N°2005-174/PR!MJAPM daté du 13 octobre 2005 instituant une prime au rendement a été édicté il y a moins deux mois ce qui laisse encore ouvert le délai de recours pour excès de pouvoir.

III sur le fond

A/-Sur la rupture de l’égalité de droit
A/-double notation par rapport aux autres magistrats du pays –

Le décret mis en cause introduit une rupture de l’égalité devant la loi du corps magistral de notre pays, le principe est qu’il n’existe qu’un seul type de magistrat dont le statut est prévue par la loi organique n°9 du 1 8 février 2001.

L’article 25 de la loi organique interdit une double sanction des magistrats, par ailleurs ce même article prévoit les fautes et les sanctions encourues par les magistrats.

Cette faute disciplinaire ne peut d’ailleurs être appréciée que par le CSM.

Dans le cas d’espèce, le décret- litigieux dispose expressément dans son article 6 que les sanctions sont « cumulables » avec ceux attribués au CSM. Cette pratique a pour conséquence une retenue sur salaire qui sera opérée sur les magistrats de la CCDB et constitue donc une sanction autre que celles prévues par-le CSM. –
Il est constant en droit, qu’une même faute ne peut donner lieu à deux sanctions cumulées.

– 2/-changement de nature des indemnités par rapport au contrôleurs financiers de l’Etat

Les indemnités que le décret du 15 octobre 2005 entend transformer en primes de rendement – rétroactivement, ont d’abord été créées pour les contrôleurs financiers de l’Etat par le décret n°95-0063/PRE du 14 juin 1995 et c’est en alignement sur ce décret qu’une somme de 100 000fd sur la totalité des indemnités a été concédée aux magistrats de la CCDB. Rendre ces indemnités comme assujetties à la bonne volonté du président de la CCDB est une rupture dans l’égalité des droits de tous les citoyens face à la loi.

En outre, l’ensemble de magistrats du pays sont soumis à la même législation et surtout à un mode de rémunération équivalent. Ils ne sont en aucun cas payés au rendement. Constitue donc une violation du statut de la magistrature cette indexation réglementaire, surtout que les critères de détermination du rendement ne sont absolument pas objectifs.

Au surplus, ce décret viole aussi les règles de droit budgétaire.

B/-Sur la violation du statut de la magistrature
1/-atteinte aux règles législatives d’organisation judiciaire

Dans sa quête de garantie supplémentaire pour l’indépendance des magistrats, le législateur n’a cessé d’user des formulations les plus claires pour ne guère laisser de faille à toutes interprétations ambiguës ou ingérences.

L’article 73 alinéas 3 et 4 de la constitution de 1992 dispose expressément que « le CSM veille sur la gestion de la carrière et donne son avis sur toute question concernant l’indépendance des magistrats.

Il (le CSM) statue comme conseil de discipline pour les magistrats»

Tous les articles du décret en question ignorent ces dispositions constitutionnelles puisqu’il n’est fait à aucun moment référence au CSM pour déterminer la faute qui conduira à la sanction pécuniaire. Ce décret donne le plein pouvoir au Président de la Chambre de Comptes et de Discipline -Budgétaire d’intervenir dans les domaines de compétence du Conseil Supérieur de la Magistrature. – – – –

L’ensemble de ces prérogatives, à savoir le relevé de la faute, sa dénonciation l’application de la peine et enfin le- partage de l’amende est du ressort d’une seule cl même personne. Le magistrat ainsi mis en cause «à aucun moyen de recours ni de défense.

Par ailleurs les droits et devoirs des magistrats sont clairement définis et affirmés par la loi organique du 18 février 2001, portant statut de la magistrature. Cette loi a prévu un ensemble de sanctions à l’encontre des magistrats défaillants et en a exclusivement réservé l’exercice au