27/01/06 (B334-B) OUEST-France : le combat d’Elisabeth Borrel continue (Article signalé par l’ARD et repris sur son site)

Le combat d’Élisabeth Borrel continue

Ouest-France, Normandie, jeudi 26 janvier 2006

La veuve du juge en rencontre-débat à Lisieux et à Caen ce week-end

Plus de dix après la mort du juge Borrel, son épouse se bat toujours pour la vérité.

Officiellement, l’ancien procureur de la République de Lisieux s’est suicidé à Djibouti, mais tout porte à croire qu’il a été assassiné. Ce week-end, Élisabeth Borrel témoignera à Lisieux et Caen. Bernard Borrel est arrivé dans l’ancienne colonie française en 1994, en tant que conseiller auprès du ministre de la Justice djiboutien. Il venait de Lisieux, où il occupait, depuis 1988, le poste de Procureur de la République. À cette époque, son épouse était juge d’application des peines à Caen. Le 19 octobre 1995, le corps de Bernard Borrel est découvert, en partie carbonisé, à 80 km de la capitale de Djibouti, au pied d’une falaise.

Dix ans après la mort de votre mari, où en est l’enquête ?

Un nouveau juge d’instruction a été nommé en 2002. De nombreuses pistes sont ouvertes avec les nouvelles autopsies. On a trouvé un trou au crâne qui n’a pu être provoqué par une chute sur des pierres. Il y a une fracture au bras gauche, typique d’un mouvement de défense. Les experts ont identifié deux produits inflammables différents sur le corps alors qu’un seul bidon a été retrouvé. Le sens d’écoulement de l’essence allait des pieds vers la tête. Des éléments suffisants pour que le juge demande une levée du secret défense. Mais nous n’avons eu que des documents qui datent d’après 1997.

Et du côté de Djibouti ?

Après avoir classé l’affaire, le procureur – que la justice française veut entendre dans cette affaire (1) – a finalement ouvert une information judiciaire. Il veut avoir accès au dossier et savoir ce que nous savons. En France, le juge d’instruction s’y oppose. Il y a deux ou trois semaines, Djibouti a saisi la Cour internationale de La Haye pour non-respect de la coopération judiciaire. C’est plutôt positif. La France va devoir prendre position.

Pourquoi aurait-il été assassiné ?

C’est justement ce que je veux savoir ! Il devait probablement gêner le pouvoir de Djibouti. Plusieurs pistes sont examinées. Notamment celle d’un trafic d’uranium enrichi. Bernard avait aussi mis le nez dans l’attentat antifrançais du « Café de Paris », en 1990, à Djibouti (un mort et quatorze blessés).

Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

Je reviens de deux cancers, j’en ai pris plein la gueule mais je suis toujours là. Je n’ai aucun compte à régler, je veux simplement que le dossier avance. On m’a enlevé mon mari et quelques illusions sur mon métier. Mais je ne me suis pas battue pendant dix ans pour décrocher maintenant.

Avez-vous gardé des attaches dans la région ?

La Normandie est la région qui m’a le plus soutenue. Au niveau politique, Yvette Roudy a été la femme la plus présente. Anne d’Ornano fait également partie de mon association. Je suis toujours en contact avec des collègues, des amis de Lisieux. Bernard s’était plu ici. À l’époque, il aurait voulu rester.

Recueilli par Guillaume BOUNIOL.

Pratique.
Élisabeth Borrel sera en rencontre-débat, samedi 28 janvier, à 10 h 30, à la médiathèque de Lisieux.

Dimanche 29 janvier, elle témoignera au Mémorial de Caen, entre 16 h et 17 h, dans le cadre du concours de plaidoiries. Entrées libres.

(1) Une plainte pour subornation de témoins a été déposée en novembre 2002 par Élizabeth Borrel. La juge d’instruction a demandé – sans succès – à entendre le chef des services secrets et le procureur de Djibouti. D’où certaines tensions : à l’automne, Djibouti a décidé d’expulser six coopérants français détachés dans ses ministères. De son côté, la France tient à préserver ses intérêts et sa présence militaire sur ce territoire sensible. Le 17 mai, Jacques Chirac a reçu le chef d’État djiboutien, Ismaël Omar Guelleh.