07/02/06 (B336-A) LDDH : sixième anniversaire des accords de Paix. Un bilan tragique, négatif, sans illusion et sans espoir si le régime poursuit cette politique d’appauvrissement de la population.


Le Président

COMMUNIQUE DE PRESSE

DU 7 FEVRIER 2006
Sixième anniversaire de l’Accord de Paix
Du 7 février 2000


Bref aperçu historique

La République de Djibouti a connu durant sa brève existence (29 ans en juin 2006), un parti unique (1981-1992), un quadripartisme jusqu’en 2002 et surtout une terrible guerre civile (1991-2000) à laquelle a définitivement (?) mis fin l’Accord de Paix du 12 mai 2001. Ni le multipartisme intégral, effectif depuis octobre 2002, ni les différentes institutions créées sous les pressions conjuguées de la résistance armée et des bailleurs de fonds (Chambre des Comptes et de Discipline Budgétaire, conseil constitutionnel, CENI…) n’ont apporté une contribution significative à la paix et au développement économique escomptés. Hérité de la période coloniale, désactivé en 1996, le tribunal du contentieux administratif est aujourd’hui inopérant.

Témoin parce que conviée par le gouvernement à la signature de cet Accord, la Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) a, en toute objectivité, constaté sa violation par le gouvernement dès sa signature…jusqu’à sa dénonciation par l’autre partie en septembre 2005. Ce qu’elle a déploré. Depuis, la LDDH n’a cessé de s’alarmer tant auprès des belligérants, puisqu’il faut malheureusement les appeler ainsi, qu’auprès de la communauté internationale pour qu’une issue honorable pour les deux parties soit rapidement trouvée à cette impasse. En vain à ce jour !

Plus gravement, la LDDH a déploré les propos du chef de l’Etat djiboutien déclarant sur une onde étrangère qu’il n’existait aucune opposition à Djibouti : à force de réprimer celle politique et pacifique, le régime s’expose à susciter une militaire et violente.

Plus que jamais, la LDDH s’inquiète aujourd’hui du boycott des prochaines échéances régionales que l’opposition a choisi. A l’absence des conditions objectives de transparence électorale s’ajoute une remise en cause unilatérale par le gouvernement de la Décentralisation telle qu’elle avait constitué le volet essentiel de l’accord de paix.

Sans nous en lasser, nous réitérons notre proposition de médiation pour prévenir et éviter l’inéluctable déflagration à laquelle cette impasse promet d’aboutir. A l’anarchie en Somalie et aux bruits de bottes récurrents chez les deux puissances régionales voisines (Ethiopie et Erythrée) s’ajoute l’état d’anomie patente de l’Etat djiboutien.

Etat des lieux à Djibouti

Le constat est accablant : non seulement les exécutions extrajudiciaires sont passées de la brousse à la Capitale depuis le 7 février 2000, mais la paix conclue à cette date n’a apporté aucune amélioration aux conditions quotidiennes d’existence des Djiboutiens. Alors que la fin des hostilités aurait normalement dû se concrétiser par une réaffectation des ressources budgétaires, il est regrettable de constater que le tristement célèbre « impôt patriotique » a été reconduit sous une autre appellation, dépréciant de 30% le pouvoir d’achat des salariés.

Le Port de Djibouti, raison d’être du pays, contrôle le passage entre le canal de Suez, la Mer Rouge et l’Océan Indien et joue seul à ce jour le rôle vital de débouché vers l’Ethiopie ainsi qu’un rôle important au sein de la COMESA. Ce qui explique entre autres facteurs, la présence importante des forces de l’OTAN.

Les trois quarts de la population sont concentrés dans la capitale. Il est édifiant de constater que l’affectation des droits perçus sur le Port, l’Aéroport et les bases militaires étrangers, représentant à peu près 80% du P.N.B, relève encore de l’opacité la plus totale. Un comble quand l’accroissement de la présence militaire occidentale à Djibouti se justifie par le renforcement de la Démocratie dans le monde !

Le chômage y atteint 68% des femmes actives et 54% des hommes, pour ne nous en tenir qu’aux chiffres officiels fournis par les E.DA.M (Enquêtes Djiboutiennes Auprès des ménages) réalisées en 1996 et 2002 avec les concours financier et technique du P.NU.D, la Banque Mondiale et du FNUAP et consignées dans le Rapport National sur le Développement Humain 2004, publié par le PNUD.

Ces enquêtes ont montré que la pauvreté relative (moins de 3 dollars/adulte/jour) touchait en 2002 74% de la population contre 45% en 1996. Tandis que la pauvreté extrême (moins de 1,8 dollar/adulte/jour) est passée durant la même période de 9,6% à 42%. Le même rapport officiel constatait que «pauvreté et marginalisation allant de pair à Djibouti, elles frappaient les quartiers périphériques et les zones rurales ». Outre le chômage, ce rapport identifiait la centralisation administrative et économique comme principale source de pauvreté à cause de la « concentration des activités économiques exclusivement dans la capitale »

Perspectives

Six ans après les Accords de Paix de Février 2000, signés à Paris entre le Frud-Armé et le Gouvernement, à la veille d’une échéance électorale (régionale) cruciale à laquelle l’UMP (Union pour la majorité Présidentielle) semble se diriger toute seule et en ordre dispersé pour (mais sans) faire illusion, la Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH), attachée à la paix civile et conformément à sa mission de prévention des conflits,

– Considère que la participation démocratique à ces élections est impérative.

– Constate que le cavalier seul du régime et les réticences fondées de l’opposition conduisent tout droit à la somalisation de Djibouti.

– Estime qu’une urgente paix de braves doit être recherchée et trouvée, faute de quoi un brasier de plus risque de s’ouvrir dans une région déjà instable.

– Propose de concilier et pourquoi pas réconcilier les parties en conflit en les conviant à un dialogue (table ronde) constructif sur le sujet, en gardant à l’esprit que de son succès ou échec dépendra l’avenir du pays et sans doute de la région.

A ces fins, les Défenseurs des Droits de l’Homme associent à leur démarche de médiation tous les partenaires à la paix civile et au développement économique de Djibouti qui continuent de manifester leur intérêt en ce sens : la France, l’U.E, les U.S.A, la Ligue Arabe et leurs organismes spécialisés.

M. NOEL ABDI Jean-Paul