04/04/06 (B344-B) LIBERATION / Torture: rappel à l’ordre européen (Sous la plume de Sylvie Briet) La France, en particulier, est montrée du doigt pour le mauvais accueil qu’elle réserve aux victimes de la torture.

Seules 0,5% des victimes ont accès à des soins
appropriés dans l’UE.

La torture, crime caché par excellence, laisse rarement des preuves. Et en Europe, seules 0,5% des victimes ont accès à des soins appropriés. Le réseau européen (1) des Centres de Soin pour les personnes victimes de la torture a lancé, vendredi, un appel aux Gouvernements à tenir leurs engagements internationaux :

«L’écart est énorme entre la capacité de traitement et les besoins. Nos systèmes de santé ne sont pas du tout adaptés pour ces personnes qui ne sont pas prises en charge comme elles le devraient», constate Hubert Prévot, président de l’association Primo-Levi.

Une directive européenne du 27 janvier 2003 le stipule pourtant: « Les États membres font en sorte que les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres violences graves reçoivent le traitement que nécessitent les dommages causés par les actes en question.» Encore faut-il s’en donner les moyens. En France, le centre Primo-Levi est débordé.

« Nous accueillons des personnes fragilisées qui vivent dans le souvenir de la confrontation avec la mort, avec un sentiment de honte, de culpabilité note Sibel Agrali, qui dirige le centre. Elles ont peur qu‘on ne les croie pas. Contrairement à une idée reçue, la torture n’est pas une pratique qui fait parler. Les traumatismes sont aggravés par le mauvais accueil qui est réservé aux demandeurs d’asile, notamment en France ».

Selon les estimations près de 2 millions de victimes de torture vivent en Europe. Parmi elles. 600.000 ont été victimes de régimes passés (communiste, nazi, franquiste…). 900.000 sont arrivées suite aux conflits des Balkans, de Tchétchénie ou de Turquie. Et près de 400.000 viennent du reste du monde.

« Les conséquences sont extrêmement difficiles à estimer », selon Éric Sottas, directeur de I’OMCT, Organisation Mondiale Contre la Torture, qui cite  » le cas d’un rescapé du nazisme de 96 ans, récemment blessé en tombant suite à un cauchemar dans lequel les nazis venaient l’arrêter».

La tendance actuelle, liée au 11 septembre, l’inquiète: «Le tabou de la torture semble remis en cause. On distille l’idée qu‘il vaut mieux faire souffrir quelques-uns et éviter de nombreux morts. ».

SYLVIE BRIET

(1) Le réseau européen créé en 2003 regroupe une centaine de Centres de soins dans les pays membres.