11/07/06 (B358-A) La presse en parle ! « Le témoin de Verviers se dit sous pression ». Affaire des parents d’IFTIN. Article publié par Le Soir de Belgique le 5/07/06 sous la signature Lallemand

LALLEMAND
Le Soir : édition du 05/07/2006 | page 11

Le scandale est connu : alors qu’il enquêtait sur les pratiques illégales du régime, le juge français Bernard Borrel, devenu conseiller du ministre djiboutien de la Justice, est assassiné le 18 octobre 1995 à Djibouti. Son corps est retrouvé le lendemain, à moitié carbonisé, dans un ravin.

Dix ans plus tard, l’enquête judiciaire remonte vers l’entourage de l’actuel président de la république Ismail Omar Guelleh, au point que ce dernier, en visite à Paris en 2005, se dérobe à une convocation de la justice française et gèle bientôt la coopération judiciaire entre Paris et Djibouti. Il y a une semaine encore, la thèse de l’assassinat était renforcée par la découverte de trois ADN masculins sur le short du juge.

Dans ce dossier, deux témoins-clés, tous deux membres de la garde présidentielle djiboutienne, vont chercher asile en Belgique, trop inquiets du sort qui leur serait réservé en France. Le premier, l’ex-lieutenant Mohamed Saleh Alhoumekani, fournit à la justice française le témoignage d’une conversation accablante entre l’actuel président de la république de Djibouti et les « exécutants ». Dans un premier temps, ce témoignage est contré par une lettre de son commandant, Ali Iftin. . . Jusqu’à ce que ce dernier gagne lui aussi la Belgique en 2002 et – devenu à son tour témoin de la justice française – affirme que le chef des services secrets djiboutiens l’avait contraint d’écrire la lettre infirmant les propos de son lieutenant.

Menaces sur les parents ?

Désormais réfugié politique, Ali Iftin, 45 ans, travaille à Verviers et ne ménage pas sa peine pour aiguillonner dans un certain sens les journalistes qui tentent de lever le voile sur les coulisses de Djibouti. Pas toujours fiable mais prolixe, il est l’une des sources d’un « Droit de suite » diffusé ces derniers jours sur Canal +, où est affirmée la thèse d’un assassinat du juge Borrel planifié au sommet de l’État djiboutien.

Est-ce par rétorsion ?

Toujours est-il que vendredi, les parents d’Ali Iftin, réfugiés au Somaliland, lui font passer un message : des hommes armés auraient quitté Djibouti par avion puis, embarqués dans un camion, se seraient postés vers deux heures du matin aux alentours de leur habitation, dans le village de Borama. Le père, Abdellahi Iftin, 80 ans, ancien officier de gendarmerie de Djibouti, et la mère, Mako, 70 ans, évoquent des « militaires djiboutiens » qui auraient souhaité les ramener de force à Djibouti pour disposer d’un moyen de pression sur le fils.

À défaut d’être vérifiable, l’histoire est simplement crédible : Borama dispose effectivement d’un aéroport où atterrit la compagnie djiboutienne Dallo. Et Djibouti, qui n’a jamais souhaité voir se stabiliser un Somaliland qui lui fait économiquement concurrence, est d’autant plus interventionniste dans cette zone que c’est là que se trouve le clan tribal dont est issu le président djiboutien. Si non è vero. . .

Notons que dans l’immédiat, ce n’est pas le dossier Borrel qui menace le plus le régime de Djibouti, mais une explosion sociale due à la déliquescence par prévarication des entreprises publiques : la rumeur annonce des coupures d’électricité (et d’eau ?) pour l’été.