11/07/06 (B358-B) L’Humanité : C’en est fini des enquêtes made in Canal Plus (Info lecteur)

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L’équipe d’investigation de la chaîne cryptée est dissoute avec la disparition du magazine bimestriel 90 Minutes.

« Très surpris et très déçus. » C’est fini, 90 Minutes ne figurera plus dans la grille de rentrée de Canal Plus. Au lendemain de l’annonce de la nouvelle par la direction de la chaîne, Luc Hermann, co-rédacteur en chef avec Paul Moreira du magazine d’investigation, affichait un étonnement sincère.

« On venait pourtant de nous garantir que l’émission serait reconduite, elle était très appréciée par nos abonnés. » Pas assez au goût de la chaîne qui invoque à demi-mot un choix budgétaire, mais justifie surtout son choix par le « manque de lisibilité de 90 Minutes, que les abonnés regardent peu et confondent souvent avec Lundi investigation ». Les choses seront désormais on ne peut plus claires : c’en est fini de l’investigation made in Canal Plus.

L’ensemble des sujets de Lundi investigation étaient achetés à des production extérieures. À l’inverse, 90 Minutes bénéficiait de sa propre rédaction. Et d’un esprit de persévérance et de rigueur.

Au répertoire des enquêtes qui ont fait date depuis le lancement du magazine en janvier 2001, des révélations sur la mort du juge Bernard Borrel à Djibouti, sur le travail forcé de Total en Birmanie ou, à l’automne 2004, sur la répression violente des manifestations d’Abidjan par l’armée française.

La rediffusion originellement prévue de cette dernière avait d’ailleurs été annulée.

Et à la rentrée suivante, l’émission mensuelle est devenue bimestrielle. « Les choses s’étaient pourtant calmées », rappelle Luc Hermann, qui revendique le sérieux du travail mené par l’équipe : « Nous avons toujours travaillé en journalistes responsables. Nos enquêtes ont à plusieurs reprises constitué des éléments clés de dossiers judiciaires. Elles ont été relayées par la presse. 90 Minutes contribuait à l’image de la chaîne, une étude marketing récente a d’ailleurs montré l’intérêt des abonnés pour notre travail. »

« Le paradoxe, c’est que nos abonnés ne regardent pas forcément nos émissions, mais ils ne peuvent se passer de Canal Plus pour l’image qu’elle porte, comme quelq un qui ne renoncerait pas à un journal, sans pour autant prendre le temps de le lire », soulignait récemment une chargée de programme.

En supprimant 90 Minutes, la direction de Canal Plus profite de la confusion, réelle, avec Lundi investigation. à moins d’un an de la présidentielle, la dissolution de la seule cellule d’investigation de la chaîne est un signal fort. « Notre déception n’est pas sociale, mais éditoriale », souligne Luc Hermann qui ne veut pas « jouer les martyrs ». « Nous sommes en CDI, nous serons reclassés.

Mais il est évident que réaliser des sujets au sein de la structure Canal Plus nous protégeait d’éventuelles pressions extérieures. »

Contactée à plusieurs reprises, la direction de la chaîne n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.

Anne Roy