08/08/06 (B362) Djibouti –  » Disons nous et disons à nos enfants que tant qu’il restera un esclave sur la surface de la Terre, l’asservissement de cet homme est une injure permanente faite à la race humaine toute entière.  » Victor Schoelcher. (Par Africanman)


Roger Picon
Nous estimons qu’il est de notre devoir de Djiboutiens et de Français de regarder les vérités en face aussi désagréables et fondées soient-elles, mais aussi de savoir tourner les pages les plus noires de notre histoire commune et celles des mauvaises séquelles de la colonisation.

Djiboutiens et Français, nous ne voulons plus d’une société archaïque. Nous voulons une société où les individus puissent s’organiser librement suivant les principes et les fondements de la République ; hommes et femmes assumant leurs choix et prenant leurs responsabilités. Lasse des errements ruineux et des fausses solidarités imposés par des États aussi centralisés qu’épuisés, la société civile – qu’elle soit djiboutienne ou française – doit reprendre l’initiative dans tous les domaines.

DEVRAIT-ON RESSASSER LES ERREURS DU PASSÉ ?

Ayons le courage de regarder ensemble notre histoire commune, admettons-le une fois pour toutes ! L’Afrique fut une terre asservie par le colonialisme développée par certains représentants locaux de la France et majoritairement à des profits personnels et non à des intérêts d’Etats – comme par ceux d’autres puissances colonisatrices – qui ont abusé des enfants de l’Afrique selon une échelle de valeur aujourd’hui dépassée, mais restée injuste hier comme elle l’est trop souvent encore aujourd’hui.

Nous devons, nous Français qui nous réclamons de l’héritage du pays « des Droits de l’homme », honorer les humains serves, tous les humains tenus illégitimement dans notre domination, dans l’indignité de « l’indigénat », de « l’exploitation ». Rendre aussi justice et droits par le respect en revalorisant comme il se doit les pensions y compris celles pour invalidité et blessures de guerre de tous les  » soldats d’Afrique  » pour atteindre un niveau  » acceptable  » ; ceux qui ont combattu lors des deux grandes guerres du 20ème siècle, versant leur sang pour la France et sa libération.

Respect aussi pour ceux qui ont combattu pour la liberté de leur pays – pour leur indépendance comme nous le faisions ensemble 40 ans plus tôt et avec bon nombre d’entre eux – considérés alors et à tort comme des  » demi Français « …- au moment où notre pays était dans la servitude et survivait dans la tyrannie du nazisme.

A quelque niveau que ce soit, les erreurs et les injustices commises par le passé devraient nous permettre de mieux comprendre l’histoire commune et surtout de préparer un  » Autre Demain « , non point dans la servilité et la dépendance masquée de l’un par rapport à l’autre mais dans le partage d’un véritable et pérenne partenariat.

Qu’ils soient Africains, Djiboutiens ou Français, nos enfants cherchent en chacun/chacune d’entre nous ce qu’ils espèrent en l’avenir ; de cela il faut avoir pleine conscience.

Cet autre avenir ce ne sont point les affres de cet exil – celui d’une autre grande souffrance – que subissent bien des familles djiboutiennes dans les pays du monde occidental et qui commence par ce que le présent leur est confisqué outrageusement par la tyrannie cautionnée qui règne dans leur propre pays.

Ce qui est vrai pour les Djiboutiens l’est aussi pour d’autres communautés africaines. Loin de la terre qui les a vus naître, ils et elles sont condamnés à rêver le temps d’avant, à condamner le présent dans leur pays et à attendre dans un monde qui est un mélange tragique d’infortunes les plus diverses, trop souvent d’ignorances occidentales coupables à leur égard, mais aussi d’espoirs fondés en la France qui ne doivent pas être vains.

L’ACTION POLITIQUE TOURNE EN ROND DANS SES DONJONS !

Quelle soit française ou djiboutienne l’action politique des gouvernants actuels bégaie et tourne en rond dans ses donjons, ressassant les mêmes litanies ; couvrant voire cautionnant les mêmes excès, les mêmes injustices.

Catalogue des mêmes mots, des mêmes contre vérités comme c’est le cas dans les suites de l’assassinat du Juge Bernard Borrel. Meurtre prémédité, cautionné a posteriori de la Justice lorsqu’elle est intègre et que l’on estime dangereuse pour la  » diplomatie  » et les supposées  » bonnes relations  » entre Etats (laissez-moi en sourire avec amertume).

C’est ainsi que l’on en est arrivé au point où l’on peut TOUT FAIRE à haut niveau de responsabilités en évitant PAR TOUS LES MOYENS l’émergence de certaines vérités d’intérêts privés. Primauté du supposé  » diplomatiquement correct  » sur les lois, la Justice et les droits républicains car, faute de quoi, ce serait – d’après ce qu’il en est dit – …un édifice d’Etat qui pourrait s’effondrer face à une opinion publique tant nationale qu’internationale ; a fortiori à l’approche d’un scrutin d’importance en France.

Ajoutez-y le poids du chantage exercé par Ismaïl Omar Guelleh sur  » ses amis de conjonctures  » et vous aurez presque fait le tour de la question du  » pourquoi il faut ABSOLUMENT faire taire la Justice française  » en la contournant dans ce dossier aussi brûlant que nauséabond.

Il est des situations qui masquent mal les stratagèmes de « polichinelleries » utilisés contre l’émergence des vérités qui dérangent.

Vérités galvaudées par trop de discours creux alors que l’idée même de réforme profonde du régime djiboutien et des comportements antirépublicains est devenue absolument nécessaire et surtout une véritable hantise tant pour Ismaïl Omar Guelleh que pour sa nomenklatura minée par la corruption et pour leurs quelques et bien rares  » amis occidentaux « . Amis ? Pas si certain que cela, appelons cela plutôt  » intérêts privés et concomitants  » qui justifieront toutes les cautions qu’ils offrent – tout comme les décorations honorifiques distribuées selon la méthode de la  » pochette surprise à tous les coups l’on gagne  » – afin que le sacro saint  » Ordre des Désordres  » perdure à tout prix à Djibouti.

Ces élites politiques confondues ne portent plus aucun espoir quant à la résolution du  » problème djiboutien  » qui dépasse et de très loin l’affaire Borrel ; bien plus ancien et plus profond car touchant toutes les populations du pays depuis plus de 29 années.

Perte de confiance car faute de résultats et de respect des engagements que définit pourtant clairement la Charte de la Francophonie.

Titre I : Des objectifs

Article 1 : Objectifs

« La Francophonie, consciente des liens que crée entre ses membres le partage de la langue française et des valeurs universelles, et souhaitant les utiliser au service de la paix, de la coopération, de la solidarité et du développement durable, a pour objectifs d’aider : à l’instauration et au développement de la démocratie, à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits, et au soutien à l’État de droit et aux droits de l’Homme ; à l’intensification du dialogue des cultures et des civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle ; au renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l’essor de leurs économies ; à la promotion de l’éducation et de la formation……….. »

C’est ainsi qu’au fil des années cette Charte est devenue une forme de vieille  » 403 pigeot  » au moteur poussif, louvoie dans la brume ou le vent du désert qu’elle entretient et qui a toutes les peines du monde à grimper les côtes africaines ; celles du changement avec une ouverture à la démocratie. A Djibouti, une simple pierre suffit à bloquer le véhicule.

Alors et épisodiquement l’Organisation internationale de la Francophonie ressort cette Charte lors d’un Sommet dans l’une des capitales africaines pour en lustrer la carrosserie tout en prenant le soin de ne pas en changer ce qui fait office de moteur et en respectant mordicus la supposée souveraineté des États, leurs langues et leurs cultures. Y compris la culture de la tyrannie comme c’est le cas à Djibouti sous Ismaïl Omar Guelleh. Il existe ainsi une  » culture de la tyrannie  » que l’on ne saurait voir de l’extérieur ou dans la douce quiétude des palaces locaux, plus assassine que des coups de bâton car cautionnée de l’extérieur. Des mots apparemment imparfaits ; des non dits, inavouables et qui transportent vers un autre monde bien éloigné de la Francophonie et des valeurs héritées du Général Charles de Gaulle.

L’accumulation de lois, de règlements et de décrets ne peut pallier à l’absence de projet politique cohérent à Djibouti, a fortiori si lois et règlements ne sont pas respectés mais servent quasi exclusivement à laisser croire à l’opinion publique internationale que….  » Tout va bien à Djibouti et que chacun peut dormir en paix …en Occident ! » Accumulation d’artifices me direz-vous, mais nous n’en sommes plus à un près !

Débordé par l’inquiétude générée par les manifestations qui se développent et se renforcent depuis des mois et qu’il ne peut maîtriser que par l’usage de la force bestiale en opposition avec la logique démocratique de la culture du dialogue social, le gouvernement djiboutien actuel se réfugie dans les mythes à la gloire du  » tout privé  » (du  » TOUT pour IOG « ) au détriment des finances publiques ; de l’intérêt de l’État, donc des populations djiboutiennes.

L’EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS PUBLICS, UNE AFFAIRE JUTEUSE

C’est ainsi que comme président autoproclamé d’un état de 27 000 km2 ; Ismaïl Omar Guelleh s’est approprié en se vendant à lui-même – par l’intermédiaire de ses sociétés écrans interposées ayant leur siège social à Dubaï – l’exploitation des Établissements publics (EPIC). Ce faisant, il laisse à la charge des finances publiques, donc de l’État djiboutien qu’il dirige, la grande majorité des charges de salaires et les frais d’entretien des locaux.

La question est « En vérité, qui paie au final les mystifications d’IOG ? »

La réponse est « Les aides internationales détournées de leur affectation ! ».

Si la rentabilité de ces EPIC est aujourd’hui incontestablement confirmée par une meilleure gestion d’ensemble, la trahison dont se rend coupable le président Guelleh vis-à-vis des comptes publics est qu’il s’accapare au passage – comme affairiste privé – la quasi-totalité des dividendes financiers générés.

Ajoutons à cela que refusant les réalités économiques d’un monde ouvert, ce gouvernant opportuniste et de circonstance aggrave et décuple les déficits publics pour des projets qui souvent ne voient pas le jour, hypothéquant ainsi le futur des familles dont il n’a que faire. A Djibouti, l’endettement par habitant a pris ces dernières années des proportions inégalées comparativement à bien d’autres Etats d’Afrique, plaçant le pays dans les trois derniers rangs en matière de  » bonne gouvernance  » et de « progrès social, économique et politique » sur le continent.

Toujours prompte au mensonge, la propagande locale revendique l’ouverture du pays vers l’extérieur alors que le Palais de l’Escale entretient – à l’inverse de cela – le repli du secteur privé – commercial et industriel – sur lui-même.

Secteurs monopolisés et verrouillés d’accès par quelques-uns qui n’hésitent pas à faire expulser du pays lorsque  » l’affaire est rentable  » – sous 12 heures voire illico presto – certains investisseurs étrangers imprudents. S’appropriant arbitrairement leurs biens, ils font saisir le contenu de leurs comptes bancaires par… décision de ce qui fait office de justice locale et imposent ainsi leurs propres lois et leur culture persistante du racket cautionné par l’État sur le marché local, avec toutes les augmentations injustifiées du coût de la vie.

Pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, en s’appropriant – au début de l’année 2006 – comme affairiste privé la maîtrise du monopole d’importation des fruits et légumes – avec la complicité de son trésorier et associé Abdourahman Borreh – Ismaïl Omar Guelleh ne fait que confirmer la procédure de mainmise totale sur le secteur privé du pays qu’il a initiée dès sa première auto proclamation comme président en mai 1999.

Face à cela, pour retrouver l’optimisme, la confiance et le goût de l’avenir, pour gagner leur place dans le concert des nations démocratiques, pour restaurer un État de Droit, pour construire un Djibouti et un monde dans lequel leurs enfants pourront s’épanouir, les jeunes générations de Djiboutiens/Djiboutiennes – vivant dans le pays ou en situation d’exil – doivent rendre possible un nouveau modèle de société.

Les mots ne suffisent plus, c’est avant tout de leur seule responsabilité d’agir mais aussi de dénoncer – point par point et sur le net comme auprès des instances internationales – ce qui doit l’être.