10/08/06 (B362) Somalie / Le Nouvel Obs avec Reuters: Le Premier ministre Gedi au centre de la crise somalienne

NAIROBI (Reuters) – Déserté par ses propres ministres mais fort, semble-t-il, du soutien du puissant voisin éthiopien, le Premier ministre somalien Ali Mohamed Gedi s’accroche au pouvoir mais, s’interrogent les spécialistes de la Corne de l’Afrique, saura-t-il résister aux islamistes qui contrôlent Mogadiscio et une partie du Sud ?

Qu’il reste au pouvoir ou jette l’éponge, beaucoup pensent qu’il jouera de toute manière un rôle central quant à l’avenir de son gouvernement de transition éminemment fragile, le 14e visant à rétablir une autorité centrale dans ce pays à la dérive depuis la chute en 1991 du président à poigne Mohamed Siad Barré.

Après avoir échappé à un vote de censure le 30 juillet, ce vétérinaire nommé à la tête de l’exécutif il y a deux ans doit nommer d’ici lundi un cabinet resserré et présenter un programme d’action qui sera revu d’ici trois mois, aux termes d’un accord conclu dimanche sous les auspices du chef de l’Etat, le président Abdullahi Yusuf.

Lundi, ce dernier a dissous le gouvernement de Gedi après la défection en juillet de la moitié de ses membres.

S’il réussit dans son entreprise, Gedi pourrait donner une deuxième chance à un gouvernement qui a échoué à asseoir son autorité au-delà de Baïdoa, siège provisoire des institutions politiques somaliennes, ainsi qu’à s’entendre avec les puissantes milices de l’Union des tribunaux islamiques (UTI).

Mais s’il échoue, son départ risque de créer un vide du pouvoir que ne manqueront pas de convoiter les islamistes, estiment Somaliens et diplomates.

Le principal défi pour Gedi aujourd’hui est de composer un gouvernement qui plaise à la fois au président Yusuf et aux islamistes, et cela alors que les craintes de guerre redoublent.

DE L’HUILE SUR LE FEU

Mais beaucoup sont sceptiques quant à ses capacités d’être à la hauteur de la tâche.

"Ses conseillers sont mauvais, il n’a aucun instinct politique et il ne dispose même pas du soutien de son propre clan. Dîtes-moi ce qu’il a ? Il n’a rien fait", juge un diplomate européen qui ne souhaite pas être cité en raison de ses relations anciennes avec le Premier ministre.

"Et d’ajouter: "Son principal atout, peut-être, ce sont les Ethiopiens".

L’Ethiopie, ennemi historique de la Somalie musulmane, verrait d’un très mauvais oeil l’installation dans tout ce pays d’un régime islamiste.

Selon des sources, c’est à bord d’un avion éthiopien que Gedi, alors un vétérinaire obscur, a gagné en novembre 2004 le Kenya voisin pour participer à des pourparlers de paix.

Et c’est sur l’insistance d’Addis-Abeba qu’il a été propulsé à la tête du gouvernement provisoire. Nombre de Somaliens sont persuadés que Gedi entretient des relations personnelles avec l’homme fort d’Ethiopie, le Premier ministre Meles Zenawi.

L’alliance nouée par le Premier ministre avec l’Ethiopie a provoqué la colère des islamistes, qui ont jeté par la suite de l’huile sur le feu en semant le trouble dans son propre clan des Hawiye.

Pour beaucoup de Somaliens, seul le départ de Gedi pourrait apaiser les islamistes, qui doivent participer à un nouveau cycle de pourparlers avec le gouvernement somalien à la mi-août à Khartoum.

© Le Nouvel Observateur