04/12/06 (B372) A lire sur Geopolitique. Coup de poker à hauts risques sur la Corne de l’Afrique.

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Semaine du
4 au 11 décembre
Par Bernard Estrade .

Une
initiative diplomatique américaine risque de précipiter dans
un nouveau conflit régional la Corne de l’Afrique, une région
déjà instable à la charnière entre le continent
noir et la péninsule Arabique et d’ouvrir en Somalie un troisième
front jihadiste, après l’Irak et l’Afghanistan.

Prêts
à tout pour éviter qu’un régime islamique s’installe
en Somalie, les Etats-Unis exigent que les Nations Unies autorisent certains
pays voisins à y intervenir militairement sous le couvert d’une
force régionale.

Une telle
initiative basée sur la force des armes a cependant, si l’histoire
peut servir de leçon, peu de chance d’aboutir. En revanche, elle
mettrait face à face l’Ethiopie et l’Erythrée toujours
opposées par un conflit frontalier qui les a déjà entraînées
dans une guerre meurtrière.

Même
avec un mandat international, une intervention étrangère ne
constituerait qu’une ingérence supplémentaire le risque
d’une radicalisation fondamentaliste du régime islamique en place
jusqu’à présent dominé par les nationalistes.

Depuis
le début des années 90, la Somalie, un des pays les plus pauvres
du monde, est dépourvue de toute autorité centrale, abandonnée
avec sa population aux seigneurs de la guerre. Cette situation unique a créé
une zone de non-droit propice à tous les trafics et autres activités
illicites et laisse le champ libre aux convoitises des voisins proches ou
non.

Une alliance
islamiste s’est imposée pour combler ce vide. Elle a rallié
à sa cause les populations excédées par 15 ans d’anarchie
et d’abus en rétablissant l’ordre.

Bénéficiant
de l’aide de l’Erythrée et de plusieurs pays arabes, elle
a battu l’été dernier battu une coalition de chefs de
guerre, renforcée notamment par l’Ethiopie et financièrement
soutenue par la CIA.

Selon
un rapport des Nations Unies rendu public au début du mois de novembre,
dix pays au moins –de l’Iran à l’Ouganda- sont militairement
impliqués en Somalie alors qu’une résolution du Conseil
de sécurité adoptée en 1992 y interdit toute livraison
d’armes.

Dans ce
contexte, John Bolton, le très idéologique et controversé
représentant des Etats-Unis aux Nations Unies, a entamé une
campagne pour que le Conseil de sécurité autorise l’intervention
en Somalie d’une force internationale pour l’essentiel composée
de soldats éthiopiens, kenyans et ougandais.

La mission
de cette force, selon le projet américain, sera d’établir
l’autorité d’un « gouvernement fédéral
transitoire somalien », précédemment mis sur pied, il
y a deux ans au Kenya, par la communauté internationale.

Le seul
problème est que, s’il bénéficie bien de la reconnaissance
internationale, cet organisme, même s’il compte 67 ministres ou
sous-ministres, n’a ni légitimité ni influence en Somalie.

Dans ce
contexte ; ajouter une nouvelle force armée que ce soit sous mandat
de l’Union africaine ou de l’Onu ne fait qu’introduire un
belligérant potentiel supplémentaire.

Les organisations
spécialisées dans la gestion et l’analyse des conflits
comme l’International Crisis Group (ICG, basée à Bruxelles)
recommandent au contraire que les Nations Unies réaffirment l’embargo
sur les armes à destination de la Somalie et se donnent les moyens
de le faire appliquer.

Des négociations
doivent également s’engager entre la coalition islamique, qui
contrôle le terrain et le gouvernement fédéral transitoire,
reconnu par la communauté internationale, afin de parvenir à
un règlement véritablement somalien de la crise.

Dans tous
les cas, aucun pays voisin, et surtout pas l’Ethiopie, un pays chrétien
ennemi traditionnel de la Somalie musulmane, ne doit recevoir un feu vert
pour y intervenir.

Mais ce
n’est pas une perspective pour l’actuelle administration américaine
qui continue à voir la diplomatie comme un avatar de la « guerre
contre la terreur » et le monde comme un affrontement entre le Bien
et le Mal.