20/02/07 (B383) L’EXPRESS avec Reuters. Les armes font à nouveau la loi à Mogadiscio

Abdi
Nur possédait déjà un pistolet. Mais pour protéger
sa femme et ses trois enfants, cet habitant de Mogadiscio vient d’acquérir
un fusil d’assaut AK-47 payé au prix fort, tant les armes sont recherchées
dans la capitale somalienne.

L’installation
à Mogadiscio du gouvernement reconnu par la communauté internationale,
après sa victoire éclair contre les combattants islamistes en
décembre, n’a guère apporté la sécurité
aux habitants de la capitale.

"Mes
voisins ont été attaqués à plusieurs reprises
par des voyous armés de mitrailleuses, c’est pourquoi j’ai acheté
un AK-47", explique Nur.

"Ce
sont des voyous qui nous terrorisent jour et nuit. Et il y en a d’autres qui
se cachent entre nos maisons pour tirer des obus ou des roquettes contre le
gouvernement, qui réplique et nous touche nous."

Après
sa victoire grâce à l’appui décisif de l’armée
éthiopienne, le gouvernement avait manifesté la volonté
de désarmer Mogadiscio, ville d’un million d’habitants plongée
dans le chaos depuis 1991 mais qui avait retrouvé un semblant de calme
en six mois d’application stricte de la loi islamique.

Peu d’armes
ont toutefois été rendues et elles sont désormais de
retour dans les rues de la capitale.

Comme
des dizaines d’autres habitants, Nur a pris les choses en main et a rejoint
un groupe d’autodéfense chargé de protéger la population
non seulement contre les bandes criminelles mais aussi contre les rebelles
organisés.

"Nous
patrouillons dans les rues jour et nuit, en équipes", dit-il.

"J’avais
un pistolet chez moi mais ce n’est pas suffisant. Il me fallait une arme plus
grosse."

ÉNORMES
BÉNÉFICES

Dans une
ville où les armes font la loi depuis le renversement du dictateur
Mohamed Siad Barré, il n’est guère difficile d’en trouver une,
à condition de pouvoir la payer.

"L’insécurité
a augmenté la demande", constate un trafiquant d’armes sur le
marché de Cirtogte ("tireur en l’air" en somali).

"Un
AK-47 coûtait 200 dollars avant la prise de Mogadiscio par le gouvernement.
Il peut désormais coûter jusqu’à 400 dollars. Un pistolet
qui partait pour 230 dollars monte désormais à 400 dollars",
ajoute cet homme qui tient à conserver l’anonymat.

Armes
de poing et fusils semi-automatiques – les fameuses Kalachnikov – sont les
plus recherchés. Les obus de mortier et les grenades tirés quasi
quotidiennement contre les forces gouvernementales et éthiopiennes
sont aussi fortement demandés.

"Il
y a trois catégories d’acheteurs", détaille le trafiquant.
"Les gens ordinaires, les bandits et ceux qui se préparent à
combattre les forces étrangères. Ils achètent des armes
lourdes et légères, notamment des obus de mortier en masse."

La plupart
des armes sur le marché proviennent de l’énorme arsenal laissé
derrière eux par les islamistes.

Même
si le gouvernement a bloqué l’un des principaux points d’entrée
du trafic d’armes à Mogadiscio, les affaires restent florissantes pour
les vendeurs.

"J’ai
choisi de vendre des armes en raison des énormes bénéfices.
On peut facilement faire des marges de 100%", explique le trafiquant,
dans un sourire.

"Je
fais des affaires. Je veux seulement gagner de l’argent, pas tuer des gens.
Celui qui achète des armes est responsable de leur utilisation",
ajoute-t-il.

Le gouvernement
fonde ses espoirs de stabilisation sur le prochain déploiement d’une
force de maintien de la paix de l’Union africaine. Cependant, la mission de
l’UA sera non seulement compliquée par la menace des combattants islamistes
mais aussi par la culture des armes à feu répandue dans quasiment
toutes les familles du pays.

Le
trafiquant d’armes prévient: "Il y a suffisamment d’armes dans
ce pays pour alimenter la guerre pendant encore 10 ans."