05/03/07 (B385-A) LIBERATION : Le kidnapping pourrait mener à une nouvelle guerre ouverte entre l’Ethiopie et l’Erythrée. (Info lectrice)

Samedi,
Ismael Ali Sero, président de la région Afar, au nord de l’Ethiopie,
où les enlèvements ont eu lieu, a accusé des soldats
érythréens d’avoir traversé la frontière pour
attaquer le campement des touristes.

Ils auraient ensuite emmené dans un camp militaire en Erythrée
le groupe composé de cinq Occidentaux, dont quatre travaillaient pour
l’ambassade de Grande-Bretagne en Ethiopie, et de leurs treize guides, chauffeurs
et traducteurs éthiopiens.

De source officielle, cinq de ces Ethiopiens ont été libérés
par les ravisseurs.

C’est sur leurs témoignages que se fonde Ismael Ali Sero pour accuser
l’Erythrée. «Fou, absurde, impossible», telle est la réponse
du régime érythréen, qui voit dans ces accusations une
machination. Les autorités britanniques, qui ont dépêché
une équipe en Ethiopie, ne corroborent pas cette thèse pour
l’instant, expliquant qu’elles examinent toute une série d’options.

Frères ennemis.

Confirmées et relayées par le gouvernement éthiopien,
ces accusations sont de nature à mettre le feu aux poudres. Le différend
est ancien. Ancienne province de l’Ethiopie, l’Erythrée prend son indépendance
en 1993, après avoir participé à une lutte de plus de
trente ans contre le dictateur Mengistu, aux côtés des rebelles
tigréens, aujourd’hui au pouvoir en Ethiopie.

Contre toute attente, les relations entre les deux pays dégénèrent
jusqu’au conflit ouvert entre 1998 et 2000. Forts de l’armement fourni par
le bloc soviétique durant la guerre froide, les frères ennemis
s’affrontent de manière conventionnelle.

Le bilan est estimé à 80 000 morts.

Aux termes de l’accord d’Alger, signé en décembre 2000, une
commission indépendante est chargée de fixer le tracé
de la frontière. Le village de Badmé, à la frontière
entre les deux pays, est attribué à l’Erythrée. L’Ethiopie
refuse le tracé, et, d’un même élan, l’Erythrée
refuse sa remise en question. Les soldats de l’ONU déployés
dans une zone de confiance devenue zone de défiance assistent, impuissants,
au réarmement des deux parties. En janvier, les Nations unies ont reconnu
l’échec de la mission et décidé de réduire son
effectif. Il y a chaque semaine des incidents armés.

La récente crise somalienne a encore approfondi le fossé entre
les deux pouvoirs. Accusé par l’ONU de soutenir les Tribunaux
islamiques somaliens, le gouvernement érythréen a qualifié
de «terroriste» l’intervention éthiopienne contre les islamistes
en Somalie.

Accusé d’être une marionnette de Washington à la tête
d’une Ethiopie devenue la grande alliée régionale des Etats-Unis,
le Premier ministre, Meles Zenawi, a répliqué que les «Erythréens
se cachent dans les jupes des femmes somaliennes pour attaquer l’Ethiopie».

A l’en croire, Asmara veut «déstabiliser et démanteler
l’Ethiopie».

En un mois, l’armée éthiopienne avait défait les Tribunaux
islamiques, mais les choses n’en sont pas restées là. Peu de
temps après le sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, en
janvier dernier, les services de renseignements éthiopiens annonçaient
avoir déjoué un attentat à la bombe et arrêté
ses auteurs, de nationalité érythréenne.

A ce jour, aucune preuve tangible de cette tentative n’a été
présentée. Pour l’Ethiopie, voilà néanmoins démontré
le «caractère terroriste du régime d’Asmara».

La formulation fait écho aux propos de la sous-secrétaire d’Etat
américaine Jendayi Frazer qui, dans une interview au quotidien Financial
Times, a qualifié l’Erythrée de «source de déstabilisation
pour la Corne de l’Afrique».

Haine tenace.

Addis-Abeba ne stigmatise pas l’Erythrée en tant que tel. C’est le
régime du président Issayas Afeworki qui est visé. Lui
et Meles Zenawi ont combattu ensemble contre le Négus rouge, Mengistu
Hailé Mariam, instigateur d’une des pires dictatures que l’Afrique
a connues.

Mais, comme souvent, l’amitié née durant la lutte n’a pas résisté
à l’épreuve du temps et du pouvoir, au point que les deux hommes
se vouent aujourd’hui une haine tenace.

En novembre, sur le point de quitter son poste de secrétaire général
de l’ONU, Kofi Annan avait décrit l’impasse du dialogue entre les deux
pays comme un «exemple classique de la tragédie de l’Afrique»
et avait mis en garde contre le risque d’une nouvelle explosion de violence
entre les deux pays.