09/03/07 (B385-B) RFI : Accueil au mortier pour l’Amisom

(Carte
: Silvio M. Segala/ RFI)

Le 6 mars,
le début du déploiement à Mogadiscio des quelque 370
soldats ougandais de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom)
a coïncidé avec de violents combats dans la capitale. A peine
débarqués à Mogadiscio, les soldats ougandais ont en
effet essuyé des tirs de mortier qui ont visé l’aéroport.
Plus tard dans la journée, des combats ont opposé les forces
éthiopiennes toujours sur place à des éléments
armés non identifiés. Les affrontements de ce type sont quotidiens
dans la capitale somalienne, ils ont fait depuis le début de l’année
plus de 60 victimes civiles.

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De notre
correspondante régionale

Mogadiscio est une ville
surarmée. Sa topographie est propice aux embuscades des bandes armées.
Le gouvernement somalien dénonce également la présence
d’ «islamistes liés aux terroristes internationaux».
Sur la côte, les pirates en outre ont repris du service. Avant même
son arrivée, l’Amisom était déjà menacée
de représailles.

Or les échecs sanglants des précédentes missions internationales
sont dans toutes les mémoires. Illustrée dans La chute du Faucon
Noir, le film de Ridley Scott, la débâcle des années quatre-vingt-dix
avait coûté la vie à 150 casques bleus. Au plus fort de
l’opération Restore Hope, la force internationale comptait 38
000 hommes dont 28 000 Américains. Mais en janvier dernier, après
la victoire éclair des troupes éthiopiennes sur les tribunaux
islamiques somaliens, le Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi,
a martelé que «la Somalie ne sera pas un nouvel Irak».

La peur
du vide

L’Ethiopie
ne veut pas rester en Somalie, elle espère un passage de relais rapide
avec l’Union Africaine. Addis Abeba s’est toutefois engagée
à ne pas créer une périlleuse situation de vide. Mais
les candidats ne se bousculent par pour participer à l’Amisom.
L’Ouganda est le premier pays africain à déployer ses
forces sous sa bannière, avec quelque 1 500 hommes au total, concentrés
dans la partie centrale du pays qui abrite Baïdoa et Mogadiscio. Quatre
autres pays se sont engagés à fournir des troupes : le Nigeria
et le Malawi à hauteur d’un bataillon (environ 700 soldats), le Ghana
avec 300 hommes et le Burundi deux bataillons, qui ne seront pas disponibles
immédiatement puisqu’ils doivent d’abord être entraînés.
Au total, l’UA veut envoyer 8 000 soldats en Somalie, les engagements
actuels correspondent à la moitié de cet effectif.

Selon Said Djinnit,
commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’UA,
«le plus gros défi reste logistique et financier». Les
contributions sont diverses, c’est la France qui va entraîner,
équiper et acheminer en Somalie les soldats burundais. L’Union
européenne donne pour sa part 15 millions d’euros qui seront
utilisés pour rembourser les dépenses de l’Ouganda. La
Grande-Bretagne apporte 6 millions d’euros, les Etats-Unis, 11. L’Algérie
a fourni des transports de troupe et d’autres pays de l’UA, comme
l’Angola et l’Afrique du Sud, devraient également apporter
une contribution. Mais le maintien de la paix n’est pas le seul secteur
en quête de financement.

Le principe
de non indifférence

Selon le
président somalien, Abdullahi Yusuf, il faut aussi reconstruire les
infrastructures, payer les salaires des 10 000 membres des forces de sécurité
recrutés par le gouvernement de transition et mettre en place un programme
de Désarmement, Démobilisation et Réintégration
(DDR) pour offrir un avenir à des combattants qui ont connu quinze
ans de guerre civile. Reste que l’Union africaine aura besoin de davantage
de moyens pour tenir les six ou sept mois au terme desquels les Nations unies
devraient prendre le relais. Durant cette période, c’est aux
soldats de la paix de créer les conditions du dialogue politique. L’ouverture
d’une conférence de réconciliation nationale est prévue
à Mogadiscio à partir du 16 avril. Sans véritable dialogue,
a prévenu récemment le président exécutif de l’UA,
Alpha Oumar Konaré, l’Amisom sera considérée par
les Somaliens comme une force d’occupation.

Si le dialogue échoue, l’UA risque l’enlisement,
et le pays le retour au chaos.

Avec ce déploiement
organisé en quelques semaine, l’UA a fait mentir les sceptiques
et réussi son pari. «Nous faisons ce que nous devons avec ce
que nous avons», a expliqué Said Djinnit. Selon lui, le déploiement
rapide d’opérations de maintien de la paix correspond à
la mission de l’UA, en vertu du principe de non-indifférence.
L’organisation n’est certes pas dotée de moyens pour les
opérations d’envergure qui restent l’apanage des Nations
unies. Il s’agit plutôt de préparer le terrain à
l’arrivée des casques bleus, en prenant «plus de risques
que l’Onu».

Pour cela, l’UA compte mettre sur pied des brigades en attente,
positionnées dans les 5 régions du continent (nord, est, sud,
centre, ouest), mobilisables rapidement. Un projet embryonnaire dont la nécessité
se fait cruellement sentir.