02/05/07 (B393) REUTERS : Tentative de perquisition à l’Elysée dans l’affaire Borrel. Les juges auraient fait appel au Gouverneur militaire de Paris, pour obtenir l’accès aux locaux de la cellule africaine.

Deux
juges d’instruction se sont présentés à l’Elysée
jeudi matin pour perquisitionner dans une enquête concernant d’éventuelles
pressions sur la justice en marge de l’enquête sur la mort du juge Bernard
Borrel à Djibouti en 1995, a-t-on appris de sources judiciaires.

Arrivées sur place en début de matinée, alors que débutait
le dernier conseil des ministres de la présidence Chirac, les magistrates
Fabienne Pous et Michèle Ganascia, accompagnés d’experts et
de policiers, ne se sont pas vues accorder l’accès aux locaux dans
l’immédiat.

Selon une source proche du dossier,
les magistrates ont requis l’autorité militaire pour se voir accorder
l’accès aux locaux de la cellule africaine, l’Elysée étant
considérée comme zone militaire.


Une telle perquisition au palais présidentiel constituerait un fait
rarissime dans l’histoire de la Ve République.

Les 19 et 20 avril dernier, malgré l’opposition explicite de la gendarmerie,
qui évoquait la possible utilisation de l’affaire en période
électorale, les magistrates avaient déjà perquisitionné
le Quai d’Orsay et le ministère de la Justice dans la même affaire,
emportant de nombreux documents.

Ce dossier visant de supposées « pressions sur la justice »
de la part du pouvoir politique a été ouvert en mars en marge
de l’enquête sur la mort du magistrat français Bernard Borrel
à Djibouti en 1995.

Le corps de ce coopérant français et conseiller technique auprès
du ministère de la Justice djiboutien avait été retrouvé
carbonisé en octobre 1995. L’hypothèse du suicide avait été
d’abord retenue mais après la piste criminelle est désormais
suivie, après des expertises médico-légales.

Certaines dépositions laissent croire à un assassinat politique
sur ordre du pouvoir djiboutien. Après une plainte de la veuve du juge
Borrel, l’information ouverte en février chez les juges Pous et Ganascia
vise un ancien porte-parole du ministère français des affaires
étrangères, Hervé Ladsous.

Il est mis en cause pour un communiqué officiel du 29 janvier 2005
où il assurait qu’une copie du dossier relatif au décès
du juge Borrel serait transmise à la justice djiboutienne.

Cette transmission a été refusée par la juge chargée
de l’affaire principale,

Sophie Clément. La plaignante interprète donc le communiqué
du Quai comme une pression sur la justice.

Les avocats de la plaignante sont présents à cette perquisition
mais pas le parquet qui considère qu’il n’existe pas d’infraction dans
ce dossier, et n’a pas été prévenu du lieu exact de la
perquisition.

RETICENCES DE LA GENDARMERIE

Les magistrates avaient emporté de nombreux documents des Affaires
étrangères et de la place Vendôme.

Interrogé en qualité de témoin assisté le mois
dernier, Hervé Ladsous a expliqué qu’il n’avait fait que mettre
en forme un communiqué après avoir pris les conseils juridiques
de Laurent Le Mesle, à l’époque directeur de cabinet du ministre
de la Justice devenu aujourd’hui procureur général de Paris.

Ce sont donc d’éventuels documents préparatoires sur ce communiqué
et des pièces sur l’affaire Borrel que recherchaient vraisemblablement
les magistrates.

L’affaire Borrel est très sensible diplomatiquement pour Paris, Djibouti
abritant la principale base militaire française en Afrique.

En octobre dernier, en dépit des réquisitions contraires du
parquet, des mandats d’arrêt ont été délivrés
par la juge Clément contre deux repris de justice en fuite, soupçonnés
d’être des exécutants du meurtre du juge Borrel.

D’autres mandats d’arrêt ont été lancés à
Versailles contre le procureur général de Djibouti et le chef
de ses services secrets, dans un autre sous-dossier judiciaire relatif à
une supposée subornation de témoins.

Le 14 février, la juge Clément
a convoqué en vain comme témoin le président djiboutien
Ismaël Omar Guelleh, de passage à Cannes pour un sommet franco-africain.
Ce dernier dément toute implication dans l’affaire Borrel.