05/05/07 (B394) RFI / Somalie Mogadiscio, une ville fantôme (Info lectrice)

Depuis
sept jours, la capitale somalienne est revenue au calme et les habitants commencent
à revenir, pour constater les dégâts, certaines maisons
aux toits ou murs détruits par des tirs d’obus, ou entièrement
pillées entre deux affrontements.

Selon le gouvernement de transition, la paix est définitive, les troupes
éthiopiennes ayant nettoyé la capitale des insurgés qui
les affrontaient, lors de combats de rue particulièrement meurtriers.
Pour autant, ce calme précaire ne convainc pas de nombreuses familles
qui pour le moment choisissent de rester dans les camps de déplacés
aux alentours de la capitale.

Le village, situé
à vingt kilomètres au sud de Mogadiscio, sur la route d’Afgoye,
s’appelle Elasha Biyaha, qui signifie source d’eau en Somali.
Mais on l’appelle plus communément le village d’Hawa Abdi.
Cette femme de soixante ans, au visage juvénile, qui semble si frêle,
enveloppée dans un voile rouge, est directrice d’un hôpital
privé, qu’elle a fait construire en 1983.

Autour de bâtiments vétustes, dont le second étage, encore
sans peinture a visiblement été édifié récemment,
des centaines de tentes, faites de petit bois et de tissus, ou plastiques,
s’étendent à perte de vue. Une barrière, gardée
par deux hommes armés, signale l’entrée de ce qui est
devenu, au gré des combats qui déchirent la capitale somalienne
depuis 16 ans, un véritable camp de déplacés.

«De 400 familles, nous sommes passés à près de
3 000 en l’espace d’un mois», explique-t-elle, esquissant
un sourire de lassitude. «Je suis fatiguée vous savez. Fatiguée,
car je vois les Somaliens se détruire depuis seize ans, ils se déchirent
entre clans, je ne veux plus entendre parler de clans. J’attends la
paix. Mais la paix, je n’y crois plus».

En marchant le long d’un chemin de sable bordé d’abris
de fortune, Hawa montre du doigt une femme enceinte, qui se tient debout derrière
une haie de branchages. «Cette femme a 27 ans et est mère de
sept enfants, bientôt huit. Elle est arrivée il y a deux semaines
et n’a même pas un dollar pour prendre le bus et revenir à
Mogadiscio, où elle vit depuis dix ans, dans une ancienne école
publique, devenue un squat pour des personnes sans abri.» Plus de 400
000 personnes ont fui Mogadiscio, soit quasiment la moitié de la population,
et nombreux sont ceux qui craignent de revenir.

Dans les rues, jonchées de détritus et de tanks calcinés,
des camions-taxi ploient sous les nattes et les matelas qui s’amoncellent
sur le toit. Certaines familles commencent à rentrer et retrouvent
des maisons en partie détruites ou pillées, notamment dans le
quartier sud, autour du stade de Mogadiscio, où ont eu lieu les affrontements
les plus violents. Ubah, 38 ans, mère de 5 enfants, a découvert
les murs de sa maison éventrés par des tirs d’obus, et
trois pièces vidées de tout mobilier, chaises, canapé,
nattes.

Sa sœur, un voile blanc sur le front, se tient à côté
d’elle, silencieuse, un petit garçon dans les bras. «Elle
a perdu son mari il y a quinze jours. Il partait acheter de l’eau, et
il a été tué dans une explosion, avec son fils de huit
ans. J’ai quinze personnes sous mon toit, et ce plat de maïs pour
les nourrir…»

A de nombreux carrefours, les forces du gouvernement de transition ont établi
des check-points. De temps à autre, un soldat en uniforme dépareillé,
kaki, beige ou en treillis, AK-47 à l’épaule, parfois
vacillant, s’approche d’une voiture pour examiner les passagers,
et argumente un peu longuement pour obtenir «un peu d’argent pour
le thé».

«Le gouvernement a repris le contrôle de la capitale, désormais
pacifiée», affirme Hussein Mohamed, porte-parole du président,
sans préciser que les Ethiopiens, alliés du gouvernement de
transition, qui ont défait les Tribunaux islamiques en décembre
dernier, ont installé leur QG dans tous les quartiers de la ville,
après avoir provisoirement nettoyé la ville des insurgés.

La priorité affichée des autorités somaliennes est d’obtenir
un désarmement complet de la ville, et de ratisser les quartiers pour
arrêter «les insurgés qui se sont cachés».

Trois hommes d’affaires ont, lors d’une cérémonie
officielle jeudi, au siège de la police, près de la Villa Somalia,
accepté, sous forte pression, de rendre une partie de leurs armes à
la Mission de l’Union africaine, qui ne compte pour le moment que 1
200 soldats (ougandais) sur les 8 000 prévus à l’origine.

Les troupes de l’Union africaine ont patrouillé cette semaine
durant la journée, mais leurs moyens, ainsi que leur mandat, ne leur
permettent guère d’interférer dans un conflit qui promet
de durer.

par
Stéphanie Braquehais