19/05/07 (B396) BIT : lors de son conseil en décembre 2006, il a été décidé de mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée générale du Bureau International du Travail qui se tiendra du 30 mai au 10 juin 2007 (env.) à Genève, deux cas graves de conflit : l’un concerne Djibouti et l’autre le Zimbabwe.

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Note de l’ARDHD

C’est une sérieuse alerte pour le régime de Guelleh et pour
les pratiques anti-sociales et anti-syndicales, en contravention avec toutes
les règles internationales et les accords que la République
a signés et s’est engagée à respecter. Et cela en dépit
de nombreux avertissements préalables.

Le
régime de Guelleh sera-t-il condamné officiellement par un organisme
international ? En tout cas, cette fois, cela semble être extrêmement
sérieux.

Le
comité, dans ses attendus, ne semble pas avoir beaucoup apprécié
le fait que le régime ne se donne même pas la peine de répondre
aux demandes d’information et qu’il joue la politique de l’autruche.

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CAS
N° 2471
RAPPORT OÙ LE COMITÉ DEMANDE À ÊTRE TENU INFORMÉ
DE L’ÉVOLUTION DE LA SITUATION

Plainte contre le gouvernement de Djibouti

présentée par

l’Union djiboutienne du travail (UDT)

Allégations: L’organisation plaignante
allègue que la direction du Port de Djibouti entrave le libre exercice
des droits syndicaux par diverses

actions: licenciement de 11 responsables et militants syndicaux; détention
de 170 travailleurs et licenciement de 25 autres travailleurs suite à
une grève de solidarité;
arrestation et détention préventive de 12 travailleurs; harcèlement
policier et juridique répété de travailleurs; «derniers
avertissements avant licenciement» adressés à 120 travailleurs
s’étant livrés à une collecte pour soutenir financièrement
les travailleurs licenciés

880. La plainte figure dans deux communications datées du 26 octobre
2005 et du 24 janvier 2006, ainsi que dans des communications des 20 et 24
juin 2006, dans lesquelles l’UDT fournit des informations complémentaires.

881. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité
a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises.

A sa réunion de novembre 2006 [voir 343e rapport, paragr. 10], le comité
a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément
à la règle de procédure établie au paragraphe
17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration,
il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à
sa prochaine session, même si les informations ou observations demandées
n’étaient pas reçues à temps. A ce jour,
le gouvernement n’a envoyé aucune information.

882. Djibouti a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº
98) sur le droit d’organisation et de négociation collective,
1949.

A.
Allégations de l’organisation plaignante

883. L’organisation plaignante allègue que, contraints de travailler
depuis 2004 dans un contexte de violations flagrantes
des lois et règlements du travail ainsi que d’abus de pouvoir
de la part de la direction du Port autonome international de Djibouti,

les employés du port ont décidé de saisir par le biais
de l’Union des travailleurs du port (UTP) les instances compétentes
en la matière et les autorités du pays conformément à
la législation nationale (inspection du travail, ministère de
Tutelle et présidence de la République).

884. Ayant épuisé tous les recours réglementaires, l’UTP,
suite à une assemblée générale tenue le 10 septembre
2005, a déposé un préavis de grève. L’organisation
plaignante indique que le ministère de l’Emploi a tenté
d’empêcher la grève avant de se raviser et d’inviter
les deux parties à la table des négociations le jour même
de la grève, le 14 septembre 2005.
GB.298/7/1 208 GB298-7-1-2007-03-0140-01-Fr.doc

L’amorce de dialogue social a toutefois été rapidement
rompue à l’instigation de la
direction du port.

885. L’organisation plaignante allègue en particulier que, le
24 septembre 2005, 11 responsables et militants syndicaux ont été
licenciés; qu’à la suite d’une grève de solidarité
déclenchée le lendemain, 170 travailleurs ont été
conduits dans un centre de détention et que 25 autres travailleurs
ont été licenciés (la liste des travailleurs du Port
de Djibouti licenciés au cours du conflit collectif est annexée
à la plainte); que 12 travailleurs maintenus en détention préventive,
pour provocation d’une rébellion manifestée et participation
délictueuse à un attroupement, ont été relaxés
par jugement du 2 octobre 2005; qu’à cet égard la
chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Djibouti a arbitrairement
condamné lesdits travailleurs à des peines de prison allant
jusqu’à deux mois d’emprisonnement avec sursis (trois d’entre
eux ont été déclarés coupables de délit
de manifestation illégale et d’obstruction à la liberté
du travail, et les autres coupables de menaces et de rassemblement sur la
voie publique susceptible de trouble à l’ordre public).

L’organisation plaignante dénonce également les
«derniers avertissements avant licenciement» dirigés à
l’encontre de 120 travailleurs s’étant livrés à
une collecte pour soutenir financièrement les travailleurs licenciés,

ainsi que d’une manière générale des mesures de
harcèlement policier et juridique de travailleurs (voir communication
du 24 janvier 2006). L’organisation plaignante demande au comité
de formuler les recommandations nécessaires en vue de l’annulation
des décisions de licenciement des grévistes.

886. Dans sa communication du 24 juin 2006, l’UDT souligne que ces violations
de la liberté syndicale s’inscrivent dans le cadre d’une
politique de répression sauvage et inhumaine du gouvernement. Ce dernier
a franchi une nouvelle étape avec l’arrestation de quatre syndicalistes
affiliés à l’UDT, inculpés de livraison d’informations
à une puissance étrangère et d’outrage au président
de la République et placés sous mandat de dépôt
à la prison de Gabode, où ils sont restés détenus
pendant presque un mois.

L’organisation plaignante allègue que ces arrestations, détentions
et poursuites judiciaires sont arbitraires et contreviennent aux règles
essentielles de procédure pénale. Le passeport de deux des inculpés
a en outre été confisqué.

B.
Conclusions du comité

887. Le
comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis
la présentation de la plainte, le gouvernement
n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation
plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs
reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires
et observations sur ce cas.

Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve
de plus de coopération à l’avenir.

888. Dans
ces conditions, conformément à la règle de procédure
applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil
d’administration à sa 184e session], le comité se voit
dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire
sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir
du gouvernement.

889. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la
procédure instituée par l’Organisation internationale
du Travail pour l’examen d’allégations en violation de
la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté
en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure
protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables,
ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance qu’il
y a pour leur propre réputation à ce qu’ils présentent,
en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées
aux allégations formulées à leur encontre.

[Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
GB.298/7/1 GB298-7-1-2007-03-0140-01-Fr.doc 209

890. Le comité note que le présent cas porte, dans un
contexte d’intimidations et d’aggravation des violations des droits
syndicaux, sur des mesures de représailles
liées au
déclenchement d’un conflit collectif en 2004 dans le Port autonome
international de Djibouti: licenciement abusif de 36 responsables et militants
syndicaux, détention de 170 travailleurs solidaires des travailleurs
licenciés, arrestation et détention préventive de 12
travailleurs pour provocation d’une rébellion manifestée
et participation délictueuse à un attroupement; menaces de licenciements
à l’encontre de 120 travailleurs s’étant livrés
à une collecte pour soutenir financièrement les travailleurs
licenciés.

891. Le comité note avec regret que le gouvernement n’a pas répondu
aux allégations de licenciements abusifs dont sont victimes les dirigeants
et militants syndicaux. Le comité rappelle à cet égard
que le droit de grève est un des moyens dont disposent les travailleurs
et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts
économiques et sociaux, et qu’il est un corollaire indissociable
du droit syndical protégé par la convention no 87.
[Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté
syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 522 et 523.]

892. Le comité attire l’attention du gouvernement sur le fait
qu’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est
que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection
adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter
atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi
– licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables
– et que cette protection est particulièrement souhaitable en
ce qui concerne les délégués syndicaux, étant
donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine
indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront
pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent.
[Voir Recueil, op. cit., paragr. 799.]

893. Le comité demande donc au gouvernement de diligenter rapidement
une enquête indépendante sur les allégations de licenciement
abusif des 36 responsables et militants syndicaux dans le Port de Djibouti
et, si elles s’avèrent fondées, de prendre immédiatement
les mesures nécessaires pour mettre fin à ces actes de discrimination
et de sanctionner les personnes responsables et d’assurer leur réintégration
sans perte de salaire. Le comité considère en outre que le gouvernement
doit veiller à assurer une protection adéquate et efficace contre
les actes de discrimination antisyndicale en mettant l’accent sur la
réintégration du travailleur comme moyen de réparation
efficace. Le comité rappelle que la possibilité d’être
réintégré dans leur poste de travail devrait être
ouverte aux personnes qui ont été l’objet de discrimination
antisyndicale et que, dans les cas où une réintégration
s’avère impossible, le gouvernement devrait veiller à
ce que soit versée aux travailleurs concernés une indemnisation
adéquate qui constituerait une sanction suffisamment dissuasive contre
les licenciements antisyndicaux.

[Voir Recueil, op. cit., paragr. 837 et 845.]

894. Par ailleurs, s’agissant des allégations de détention
suite à une grève de solidarité, regrettant une fois
encore l’absence d’observations de la part du gouvernement, le
comité rappelle fermement que l’arrestation et la détention
de syndicalistes, comme les mesures de harcèlement et d’intimidation
dénoncées, mettent gravement en péril le libre exercice
des droits syndicaux, que les autorités ne devraient pas recourir aux
mesures d’arrestation et d’emprisonnement en cas d’organisation
ou de participation à une grève pacifique, et que nul ne devrait
pouvoir être privé de liberté ni faire l’objet de
sanctions pénales pour le simple fait d’avoir organisé
une grève pacifique ou d’y avoir participé et que le gouvernement
devrait prendre des mesures sévères à l’égard
de telles pratiques.

[VoirRecueil, op. cit., paragr. 671 et 672.]

895. Le comité note enfin avec une profonde préoccupation les
allégations concernant l’arrestation et la détention de
quatre syndicalistes affiliés à l’UDT, à savoir
MM. Adan Mohamed, Hassan Cher Hared, Mohamed Ahmed Mohamed et Djibril Ismael
Egueh, ainsi que les poursuites judiciaires dont ils font l’objet. Le
comité s’attend à ce que ces responsables syndicaux soient
libérés, qu’aucune charge ne soit plus retenue contre
eux, et prie instamment le gouvernement de fournir des informations précises
à ce sujet.

GB.298/7/1 210 GB298-7-1-2007-03-0140-01-Fr.doc

Recommandations
du comité

896.
Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité regrette profondément que, en dépit du laps
de temps écoulé depuis la première présentation
de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations
du plaignant. Le comité prie instamment le gouvernement de se montrer
plus coopératif à l’avenir.

b) Le comité demande au gouvernement de diligenter rapidement une enquête
indépendante sur les allégations de licenciement abusif des
36 responsables et militants syndicaux dans le Port de Djibouti. Si ces allégations
s’avèrent fondées, le comité prie le gouvernement
de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre
fin à ces actes de discrimination et sanctionner les personnes responsables
et de s’assurer de leur réintégration sans perte de salaire.
Dans les cas où une réintégration s’avère
impossible, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que
soit versée aux travailleurs concernés une indemnisation adéquate
qui constitue une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements
antisyndicaux.

c) Le comité s’attend à ce que les responsables syndicaux
MM. Adan Mohamed, Hassan Cher Hared, Mohamed Ahmed Mohamed et Djibril Ismael
Egueh soient libérés, qu’aucune charge ne soit plus retenue
contre eux, et prie instamment le gouvernement de fournir des informations
précises à ce sujet.

GB298-7-1-2007-03-0140-01-Fr.doc 211 GB.298/7/1

(… Suit la liste des travailleurs concernés
par des actes de harcèlements – Consulter la copie en téléchargement
au début de l’article pour en prendre connaissance – Note ARDHD)