12/06/07 (B399) PARIS-MATCH se porte au secours de Guelleh ! Contre Madame Borrel. La Nation salue avec héroïsme ce soutien unique et inattendu, qui manque de crédibilité. Guelleh a-t-il acheté la rédaction de Paris-Match ? Pas exclu !

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Extrait de La Nation (fidèle à ses principes de défense
de l’indéfendable régime djiboutien) qui serait savoureux, si
l’affaire ne concernait pas l’assassinat d’un Juge en exercice ..

L’Affaire
Borrel vue par Paris Match

Dans l’affaire
Borrel, alors que, contre toute logique, la presse parisienne dans son ensemble
soutient la thèse de l’assassinat et se plait à pointer du doigt
la République de Djibouti, le magazine Paris Match a publié
cette semaine un long article dans lequel le journaliste Chris Laffaille démontre,
preuves à l’appui que le magistrat avait peut-être de sérieuses
raisons de se donner la mort. Fruit de longs mois d’enquêtes à
Djibouti mais aussi à Toulouse, le dossier spécial de Paris
Match ne fait que confirmer ce que nous savions déjà : Bernard
Borrel n’a pas été assassiné. Avec l’aimable autorisation
de l’hebdomadaire parisien, nous vous invitons à lire en pages 4 et
5 du présent numéro l’affaire Borrel vue par Paris Match.

A un peu
plus d’un mois d’intervalle, ces deux juges, amis et confrères, sont
morts. Charles Clerc-Renaud s’est suicidé en France le 14 septembre
1995. Et, le 19 octobre suivant, le cadavre de Bernard Borrel a été
retrouvé en partie carbonisé, à 80 kilomètres
de Djibouti, la capitale où il était en mission de coopération
auprès du ministre de la Justice. Dans les premières heures,
personne ne doute que le juge Borrel se soit donné la mort, de la façon
la plus horrible qui soit, en s’immolant par le feu. Mais, quelques semaines
plus tard, naît la rumeur qu’il aurait pu être assassiné.
Et depuis douze ans, sans que la vérité sur les causes de la
mort soit sans conteste établie, les deux thèses s’affrontent.
Les reconstitutions, les autopsies, les témoignages se succèdent,
ainsi que les magistrats instructeurs, régulièrement nommés
puis déchargés. Elisabeth Borrel, sa veuve, persuadée
que le juge a été éliminé parce qu’il en savait
trop sur des affaires délicates, s’appuie sur des rapports d’experts
et des déclarations d’opposants au régime djiboutien pour tenter
de faire reconnaître son point de vue. Avec un certain succès,
puisque la justice a perquisitionné au Quai d’Orsay en avril dernier
et qu’elle a essayé de se faire remettre, en vain, des documents de
la cellule africaine de l’Elysée, le 2 mai suivant. Pourtant, les pistes
qui permettraient d’éclaircir les circonstances, les causes et les
raisons de la mort de Bernard Borrel sont loin d’avoir été toutes
suivies avec l’attention qui convient. Pendant six mois, le journaliste Chris
Lafaille a enquêté, à Djibouti et en France, et a rencontré
la plupart des proches du juge et de son épouse, amis intimes et collègues,
qui les ont vus vivre pendant les mois, les semaines, les jours, qui ont précédé
le drame, et les heures qui l’ont suivi. Leurs témoignages dressent
le portrait d’un homme sous tension, professionnellement mais aussi personnellement
et moralement. Ils apportent un éclairage exceptionnel sur cette tragédie
humaine qui a pris la dimension d’une affaire d’Etat.

Devant
eux, une baie immense, cernée de montagnes. Des falaises sombres qui
plongent dans la mer Rouge. Le dôme majestueux d’un volcan sous-marin
émerge au centre de la baie. Les tribus nomades l’ont surnommé
l’  » île du Diable  » … Les deux hommes contemplent en
silence ce décor hallucinant, à 80 kilomètres de Djibouti
en plein territoire afar. Le Ghoubet al-Kharab, le  » gouffre des Démons
 » à cause de l’intense activité sismique et des grondements
des profondeurs, a inspiré des légendes terrifiantes. Il abriterait
des monstres marins. Ici, selon qu’on a l’âme légère ou
le cœur lourd, on sent la présence de Dieu ou l’on voit le diable.

En ce
mois d’avril 1995, deux hommes se tiennent au bord du précipice, Claude
Sapkas-Keller et Bernard Borrel sont tous deux en mission de coopération
comme conseillers juridiques, le premier auprès du ministère
de la Justice djiboutien. Ils sont amis et participent à une sortie
organisée par les militaires français.

 »
Grandiose, n’est-ce pas? s’écrie Claude Sapkas-Keller.- Pas du tout
! rétorque Bernard Borrel.

– Ca évoque
quoi, pour vous, ce paysage ? demande Claude Sapkas-Keller.

La réponse
est sèche, sans appel.  » L’apocalypse, la fin du monde. Les portes
de l’enfer… »

Le 19
octobre 1995, le corps en partie carbonisé du juge français
Bernard Borrel, 40 ans, sera retrouvé à cet endroit, exactement.

Claude
Sapkas-Keller se souvient d’avoir été glacé par les propos
de son ami. Mais rien pourtant dans le comportement du juge Borrel ne permet
ce jour-là de deviner le drame qui va se jouer, en contrebas de cette
falaise, six mois plus tard. Même si tout n’est pas rose alors dans
la vie du magistrat Borrel.

Il est
arrivé de Lisieux avec toute sa famille en avril 1994, et déjà
il est amer. Selon sa lettre de mission, il est chargé de conseiller
le ministre de la Justice et de réactualiser les textes des codes civil,
pénal et de procédure pénale en vigueur dans le pays.
Mais il se plaint de rencontrer des difficultés Bernard Borrel est
d’ordinaire un homme discret. Pourtant il confie ses états d’âme
à plusieurs membres de la communauté française. Il leur
fait part de sa déception professionnelle. Les relations avec son ministre
de tutelle, Moumin Bahdon Farah, sont houleuses.  » Je me sens sale « ,
lâche-t-il un jour à son ami Sapkas-Keller, après que
le ministre l’a injurié. En juillet 1994, sa filleule Tania, 12 ans
à l’époque, passe de courtes vacances à Djibouti. Elle
se souvient qu’une des deux employées de maison donnait à son
parrain des cours particuliers de somali, le dialecte local.  » Je veux
comprendre les méchancetés qui se disent derrière mon
dos, au bureau », expliquait le juge.

Le désenchantement
professionnel de Bernard Borrel s’accroît encore quand il se rend compte
qu’il est systématiquement mis à l’écart des dossiers.

Moumin
Bahdon prend des décisions importantes sans le consulter. En novembre
1994, ce dernier profite d’un déplacement à l’étranger
du président djiboutien pour faire libérer les auteurs d’un
attentant. Certains d’entre eux appartiennent à son clan. Bernard Borrel,
magistrat droit, honnête et rigoureux, en est choqué et affronte
pour la première fois son ministre.  » Ce que vous faites est scandaleux
et inacceptable. Vous libérez des assassins. C’est ignoble « ,
lui lance Borrel, furieux. Le général François Guéniot,
commandant des forces françaises de Djibouti, constate que le bureau
de Borrel est  » désespérément vide « .  »
Il était coupé de tout, ajoute-t-il, et n’avait aucun relais
nulle part.  » Son ministre ne lui adresse plus la parole, brise ses initiatives.
Découragé, Borrel pense à écourter son séjour
à Djibouti. Il en parle d’abord à son supérieur hiérarchique,
le chef de mission de la coopération française, Jacques Mouline
qui, dans un rapport envoyé à Paris, suggère une rupture
temporaire des relations avec Djibouti en matière de justice.

En fait,
Borrel veut quitter Djibouti. Dans un premier temps, son épouse Elisabeth
ne veut pas en entendre parler.  » Elle ne souhaitait pas rentrer en France
et le disait à tout le monde, raconte Mme Guéniot, la femme
du général. Elle avait mis sa carrière de magistrate
en suspens pour suivre son mari à Djibouti. Elle se retrouvait en couple
avec leurs enfants et vivait une vraie vie de famille. »

Bernard
Borrel lui-même hésite à rentrer en France. A Djibouti,
son salaire de magistrat est multiplié par 2,8 et il bénéficie
de nombreux avantages. En mai 1995, pourtant, il revoit Jacques Mouline. Ce
dernier lui propose un changement de mission,  » sans incidence sur son
contrat de coopération « . Mouline envoie un télégramme
en France, pour proposer la mutation de Borrel dans un pays d’Afrique de l’Ouest.
La réponse, positive, viendra trop tard. Les vacances d’été
commencent. Mme Borrel s’envole pour la France avec les enfants. Bernard Borrel
reste seul quelque temps à Djibouti, puis il rejoint sa famille. Il
se rend à l’Ecole nationale de la magistrature de Bordeaux pour les
cérémonies de remise de diplômes de magistrat à
des élèves djiboutiens qu’il a soutenus. En septembre, le couple
est à Paris. Bernard Borrel a rendez-vous à la chancellerie,
où il expose les difficultés qu’il rencontre à Djibouti.
Il voudrait obtenir une double affectation en France – pour lui et pour sa
femme qu’il a finalement convaincue. Mais  » ils sont très mal
reçus « , raconte Sapkas-Keller, qui tient l’histoire de Borrel
lui-même.  » On leur rit au nez. On leur dit d’arrêter de
se plaindre, que gagner des salaires mirobolants sous les cocotiers, ce n’est
pas si désagréable. Bernard Borrel s’est senti très mal
à l’aise. « 

Pendant
ses vacances à Toulouse, Bernard Borrel tente aussi de joindre Jeanne
Piquione. Dans les années 70, ils étaient amants. Borrel était
très épris de cette belle Antillaise, mais il s’est heurté
au refus de sa mère.  » Bernard faisait alors ses études
de droit à Toulouse et débutait dans la vie, se souvient Jeanne.
Il avait perdu son père et avait été élevé
par sa mère depuis l’âge de 7 ans. Elle exerçait sur lui
une grande influence. Lorsqu’elle sentait son fils lui échapper, elle
trouvait un prétexte pour qu’il revienne vers elle « .

Bernard
Borrel cède sans cesse à sa mère, si bien que Jeanne
rompt et refait sa vie. Mais elle garde le contact.  » A la naissance
de ma fille Tania, en 1982, raconte-t-elle, Bernard a insisté pour
qu’elle soit baptisée et a demandé à être le parrain
« . Pendant ce mois d’août 1995, Jeanne et Tania sont en vacances
à Toulon. Bernard ne réussit à les joindre qu’à
leur retour à Toulouse, ils ne font que se croiser. Borrel retourne
à Djibouti.

Le 16
septembre, jour de l’anniversaire de Tania, Jeanne est étonnée
de n’avoir aucune nouvelle de Borrel. Il ne manque jamais d’envoyer un petit
mot à sa filleule. La lettre arrive toujours le jour dit. Mais pas
cette année-là.  » Avec ma mère, dit Tania, on s’est
dit qu’il se passait quelque chose. Ce n’était pas du tout son genre.
 »

Mais,
quelques jours plus tard, Bernard Borrel appelle Jeanne. Il est bouleversé
par une triste nouvelle qu’il vient d’apprendre : le suicide, le 14 septembre,
d’un ami très proche, Charles Clerc-Renaud, juge lui aussi, avec qui
il avait travaillé à Lisieux. Il a mis fin à ses jours
d’une balle dans le cœur avec une arme trouvée dans des scellés.
Peu de jours avant sa mort, lors de la rentrée judiciaire, le juge
Clerc-Renaud a prononcé une phrase qui a étonné tout
le monde :  » Si les robes des magistrats sont noires comme celles des
ecclésiastiques, c’est parce qu’à force de pénétrer
au plus profond de l’âme humaine, ils portent le deuil de leurs illusions.
 »

 »
Bernard était très choqué, dit Jeanne. Il avait beaucoup
de peine pour les enfants. Il m’a aussi dit que  » les croyants qui se
suicident n’ont pas la vie éternelle. « Borrel est obsédé
par cette tragédie. Il en parle à plusieurs personnes de la
communauté française, puis au médecin de famille, le
Dr Roblin qui l’examine et découvre qu’il souffre d’un Zona. Mme Guéniot
se souvient qu’à l’atelier du Club des femmes de Djibouti, Mme Borrel
lui a décrit la détresse de son mari. Elle lui a dit qu’il était
 » très déprimé, car il avait l’impression d’avoir
abandonné son copain. Que, s’il avait été en France,
il aurait pu l’aider et aurait trouvé les mots pour l’apaiser. « 

Bernard
Borrel est affecté, mais il est aussi sans nouvelles de Jacques Mouline
et de son éventuelle mutation. Mais ni la mort de son ami ni l’attente
ne justifie qu’il exige de sa banque la remise d’une grosse somme en espèce.
Une demande inhabituelle de sa part. Il s’est passé autre chose. A
la fin du mois de septembre 1995, Borrel appelle de nouveau Jeanne Piquione.
Elle décèle son désespoir et le questionne. Il lui répond
: « Je ne peux rien te dire par téléphone. Je t’écrirai.
 » Il précise que ni Elisabeth ni les enfants ne sont en cause.
Bernard Borrel garde pour lui son secret. Le Dr Régis Pouech, un psychiatre
militaire ami du couple, qui a remarqué un changement d’humeur à
partir de son retour de congrès (ce qui sera souligné par d’autres
témoins), constate  » une profonde détresse et une souffrance
secrète  » du magistrat. Il aurait adopté un comportement
inhabituel avec ses enfants.

C’est
le 17 octobre que Bernard Borrel sollicite par téléphone un
découvert de 50 000 francs français auprès de la BNP
à Lisieux. Il demande que cette somme soit créditée sur
son compte joint djiboutien à la BCIMR. Une opération bancaire
exceptionnelle, dont il ne parle pas à sa femme. Le lendemain, le matin
du 18 octobre 1995, il retire l’équivalent de la somme en franc djiboutien
au siège de sa banque.

Puis il
regagne son bureau avant de rentrer chez lui, pour déjeuner. Il est
renfermé, mais Elisabeth ne s’en inquiète pas ; la veille, ils
se sont disputés. Et puis, déjà, l’avant-veille, à
l’heure de la sieste, très agité, il avait tenu à sa
femme des propos énigmatiques :  » Je ne suis pas digne de toi
« ,  » Il faut que je te parle, mais je ne peux pas « . En revanche,
dans l’après-midi qui a précédé sa disparition,
selon Mme Borrel qui le dira à Jeanne, il semble  » soulagé,
comme quelqu’un qui a pris une décision « .

Vers 17h00,
le 18 octobre, le Dr Bertrand Roblin l’aperçoit dans le centre-ville,
garant sa voiture dans la cours du Palais de Justice, seul au volant. Une
demi-heure plus tard, on le voit à la Station Service Mobile Oil, près
de son domicile. Il se fait servir 6 litres d’essence dans un jerrican qui
lui appartient. Il doit se rendre à la réunion hebdomadaire
du Rotary, mais il n’y parait pas…. Plus de nouvelles.

Après
minuit, folle d’inquiétude, Mme Borrel donne l’alerte. Pendant que
les enfants dorment dans une chambre voisine, les amis et les voisins se relaient
pour soutenir Elisabeth Borrel : les Prigent, les Auffret , les Pouech et
les Guillemot. Les femmes tentent de la rassurer et les hommes cherchent en
ville, dans les hôpitaux, les commissariats, au Port et même dans
les bars, sans résultat. Lorsqu’il est prévenu, Claude Sapkas-keller
, accompagné par Patrick Million, un collègue français
de la Présidence, se rend en pleine nuit au domicile du chef de cabinet
du Chef de l’Etat, Ismaïl Omar Guelleh. Il demande qu’on le réveille.
Ce dernier lance un avis de recherche et fait boucler les frontières
et le port. Sapkas-Keller retourne au domicile et reste seul avec Elisabeth,
après le départ de Mme Prigent, vers 4h00 du matin. Il l’incite
à fouiller l’appartement.  » Cherchez, insiste-t-il. Bernard a
du laisser un mot, quelque chose !  » Après avoir inspecté
la salle d’eau, Mme Borrel constate la disparition du Jerrican utilisé
en excursion. La fouille se poursuit, dans la bibliothèque, sur une
étagère, et dans la chambre.  » Soudain, se souvient Claude
Sapkas-Keller, Mme Borrel a ouvert le tiroir d’un meuble du salon et en a
extrait une chemise verte fermée par des élastiques.  »
A l’intérieur des liasses de billets en francs djiboutiens – Sapkas-Keller
et Mme Borrel les comptent : 50 000 francs – et une feuille de papier intitulée
 » Je dois « , ou  » ce que je dois « , de la main de Borrel.
Suit une liste de choses à payer.

 »
J’ai tout de suite pensé qu’il ne reviendrait pas « , dit Sapkas-Keller.
Aussitôt, et sans explication, Mme Borrel demande à Sapkas-Keller
 » de ne jamais parler à personne de cet argent et du mot « .

Puis,
très éprouvée, elle se réfugie dans sa chambre.
Au lever du jour, elle réapparaît en sous-vêtements dans
le salon où patiente Sapkas-Keller. Elle tourne en rond, délire,
dit vouloir  » rejoindre Bernard « . Une réaction étrange,
car son mari a disparu depuis moins de 24 heures et l’espoir de le retrouver
vivant est encore permis. Soudain, Elisabeth Borrel ouvre la fenêtre
de l’appartement située au 3ème étage, se penche dangereusement
à l’extérieur. Sapkas-Keller la retient et appelle Marie-Claude
Pouech, la femme du médecin militaire. Elle vient d’urgence faire une
piqûre à Elisabeth Borrel, pour la calmer.

Le 19
octobre, à 7 h 20, des militaires français en patrouille découvrent
le 4 X 4 Suzuki bleu ciel de Bernard Borrel garé sur le parking du
Ghoubet. La vitre du conducteur est baissée, les clés sur le
contact. A l’intérieur, les affaires du Juge soigneusement pliées
et ses papiers d’identité. A 7h45, en contrebas du parking, les gendarmes
retrouvent un corps en partie calciné. Ils préviennent l’ambassadeur
de France Jean-Marie Momal et le général François Guéniot
qui dépêchent un hélicoptère sur place, avec enquêteurs
et médecins à son bord. Le capitaine de gendarmerie et chef
de la prévôté française Luc Auffret s’y rend en
voiture. C’est lui qui identifie la victime. La thèse du suicide est
privilégiée. Une autopsie est demandée, mais il n’y a
pas de légiste à Djibouti et le cadavre ne sera examiné,
à Toulouse, qu’en février 1996.

Deux jours
après la mort du juge, Elisabeth Borrel est entendue par la gendarmerie
djiboutienne, chez les Prigent, en présence d’un gendarme français.
Elle ne dit pas qu’elle a retrouvé l’argent retiré par le juge
à la banque. Plus tard, la brigade criminelle parisienne va s’interroger
sur une autre découverte qu’Elisabeth Borrel aurait faite pendant la
nuit et qui expliquerait qu’elle soit passée de l’angoisse au désespoir.
Il s’agirait d’  » une lettre plus intime et plus révélatrice
dont Mme Borrel tairait l’existence pour des motifs inexpliqués « .
A ce jour, la police ignore toujours à quoi ou à qui étaient
destinés les 50 000 francs que le juge a retirés de sa banque
quelques heures avant sa mort.

Les enquêteurs
se bornent à constater que cette somme correspond aux économies
de toute une vie pour un Djiboutien. Et que le montant correspond aussi aux
dédommagements réclamés traditionnellement à un
Français par les familles djiboutiennes quand elles s’estiment victimes
d’un grave préjudice.

Plus tard,
Mme Borrel ne consent pas à recevoir des représentants de la
mission de coopération française à Djibouti. Elle n’accepte
de voir que l’ambassadeur de France, Jean-Marie Momal, la veille de son départ.
Elle est alors convaincue du suicide de son mari, qu’elle décrit comme
une  » autopunition à tort « .

Elisabeth
Borrel rentre en France le 22 octobre 1995, avec les lettres de son mari et
l’argent qu’il avait retiré à la Banque. Mais pas en francs
de Djibouti. Les billets ont auparavant été échangés
à des amis du couple contre des chèques en francs français.
A eux aussi, Mme Borrel demandera de ne rien dire de cette opération,
devant Claude Sapkas-Keller. Des personnes de son entourage proche qui ont
montré leur solidarité lors de la nuit de la disparition préfèrent
se taire.

En France,
désormais persuadée que son mari a été assassiné,
rejetant la version du suicide, Mme Borrel met fin à ses relations
avec une partie de la communauté des Français de Djibouti, celle
qui ne partage pas sa conviction.  » Je veux que tous ces privilégiés
des colonies rendent des comptes « , dira -t-elle.

Plus tard,
Jacques Mouline confiera aux policiers que les difficultés professionnelles
rencontrées par Borrel à Djibouti ne suffisaient pas à
expliquer son geste, au caractère expiatoire, purificateur, d’une violence
inouïe, commis dans un lieu d’une grande puissance évocatrice.

Jacques
Mouline est très affecté par la mort de son collaborateur. Il
a déjà vécu un suicide dans sa famille et ce nouveau
drame le bouleverse.

Il est
d’autant plus troublé que Mme Borrel a refusé de le recevoir
le matin de la mort de son mari, un refus qui donne à penser qu’elle
tient les coopérants pour responsables de son décès…Pourtant,
peu avant 8 heures, quand Mouline sonne à la porte des Borrel, ce matin-là,
le corps du juge n’a pas été découvert.

De retour
en France, Mme Borrel s’interroge sur un document mystérieux, que le
capitaine de la prévôté française, Luc Auffret
et Claude Sapkas-Keller ont vainement recherché le lendemain de la
mort du magistrat et qui, selon elle, pourrait expliquer qu’on ait voulu l’assassiner.
Elle ne croit pas que Luc Auffret ait, comme il l’affirme, cherché
un simple courrier qu’il avait confié à Bernard Borrel, courrier
concernant les disfonctionnements de la justice djiboutienne et mentionnant
des malversations de gendarmes djiboutiens. Elisabeth Borrel accuse aussi
publiquement Luc Auffret d’être intervenu dans l’enquête pour
l’influencer. C’est pourtant devant ce même Luc Auffret qu’elle a certifié
aux policiers djiboutiens n’avoir trouvé à son domicile ni argent,
ni lettres, avant de déclarer :  » Je ne sais pour quelles raisons
mon mari s’est donné la mort. C’était son choix.”