09-13/03/01 (LIB 001) RAPPORT DE LA MISSION CONJOINTE BIT – CISL/ORAF

Dans le cadre de la
normalisation de la situation syndicale en République de Djibouti
une délégation conjointe du BIT et de la CISL/ORAF a séjourné
à Djibouti du 09 au 13 mars 2001.

La délégation
était composés de :

Mr Zakari IBRAHIMA
de l’équipe multidisciplinaires du BIT(EMAO) Abidjan
Mr Louis SOMBES de la CISL/ORAF à Nairobi.

La délégation
a rencontré toutes les parties concernées par cette situation
et principalement les autorités gouvernementales et les responsables
syndicaux de l’UDT et de l’UGTD.

Elle a par ailleurs
rencontré les premiers conseillers des ambassades des États-Unis
et de la France ainsi que le Ligue Djiboutienne des Droits de l’Homme.

Avec les autorités
gouvernementales et principalement le Ministre de l’emploi et de la solidarité
nationale, la délégation a tenu à rappeler les différentes
recommandations du comité de la liberté syndicale sur les
cas 1851,1922 et 2042.

Elle s’est par ailleurs
préoccupé de l’évolution de la situation qui n’aura
toujours pas changé à la suite de la dernière mission
du BIT et malgré tous les engagements pris et les promesses faites
par le gouvernement de mettre tout en œuvre pour résoudre au
mieux tous les problèmes posés.

La délégation
s’est dite disposée à offrir son assistance technique et son
conseil au cas où la résolution des problèmes rencontreraient
des obstacles au niveau de leur mise ne œuvre

Les problèmes
:

1) Le respect des recommandations
du comité de la liberté syndicale notamment

a) La réintégration
dans leur emploi et dans leur fonction de tous les dirigeants syndicaux
et les syndicalistes licenciés ou radiés qui en font la demande
et surtout les hauts dirigeants de la coordination inter syndicale licenciées
depuis plus de deux ans.

b) L’organisation des
élections libres des dirigeants syndicaux de la base au sommet des
centrales syndicales de l’UDT et de l’UGTD sans aucune forme d’ingérence
externe au mouvement syndical de Djibouti.

2) A l’exposé
de ce qui précède le Ministre de l’emploi et de la solidarité
nationale a reconnu que les engagements pris par le gouvernement n’ont pas
avancé en raison d’une part de son implication dans la résolution
au conflit somalo-somalien, de l’attitude du BIT et de la CISL à
ne pas vouloir reconnaître les dirigeants de l’UDT, de l’UGTD élus
lors des assises du 15 juillet 1999.

Par ailleurs, il ne
lui a pas été possible d’accepter les demandes de réintégration
en raison de la référence faite par les demandeurs de leurs
fonctions syndicales.

3) Le Ministre insistera
sur le fait que pour le gouvernement il y a eu le 15 juillet 1999 des élections
organisées par la base en présence des représentants
du gouvernement, du corps diplomatique et d’un huissier de justice. Si toutefois,
la régularité de ces élections était remise
en cause le gouvernement est disposé à refaire des nouvelles
élections.
4) Pour le moment, il ne reconnaît pas les anciens syndicalistes comme
étant des dirigeants des deux centrales syndicales bien que le rapport
et les documents du BIT et de la CISL condamnent le gouvernement de Djibouti
sur ces faits. Le gouvernement en prend acte.

Notre délégation
a cru devoir souligner que les actes de congrès du 15 juillet 1999
sont nuls et de nul effet pour vices de forme et de fond comme n’ayant pas
respecté les dispositions statutaires des organisations UDT et UGTD.
Elle constate avec regret que les engagements pris par le gouvernement à
toutes les occasions ont été purement et simplement remis
en cause. Par ailleurs, la présence d’un huissier ne peut conférer
à ces assises une quelconque légitimité.

A la suite de notre
intervention, le Ministre de l’emploi et de la solidarité nationale
déclare :

 » Le problème
qui existe aujourd’hui est crée de toute pièce par le BIT
et la CISL ; à vous de le gérer « .

C’est sur cette conclusion
que nous nous sommes séparés du Ministre de l’emploi et de
la solidarité nationale, en attirant son attention sur le fait qu’une
telle attitude de la part du gouvernement est inexplicable après
toute l’assistance et tous les conseils reçus du BIT et l’engage
à en supporter toutes les conséquences.

Les différentes
rencontres avec les travailleurs et les dirigeants des organisations syndicales
ont permis à la délégation de tirer un certain nombre
de leçons :

1) L’attitude du gouvernement
ne semblait pas les surprendre même s’ils pensent unanimement que
seul le Président de la République est mieux placé
pour trouver une solution définitive à leurs problèmes.

2) ils déplorent
l’absence totale d’espace de liberté, les menaces et harcèlements
qui pèsent quotidiennement sur eux. Ils soulignent par ailleurs l’impossibilité
pour eux d’avoir un dialogue constructif avec les autorités qui s’acharnent
à ne pas reconnaître leurs représentants légitimes
au point de refuser toute tentative de rapprochement proposée par
ces derniers.

3) ils regrettent vivement
que les recommandations du comité de la liberté
syndicale ne soient pas mises en application et déplorent la démobilisation
des travailleurs qui, pris de peur et de panique, préfèrent
se contenter de leur
sort.

La situation particulière
dans l’enseignement a également fait l’objet des préoccupations
des travailleurs, qui non seulement ont déploré la fuite de
cerveaux mais également le recrutement des vacataires malgaches pour
remplacer ceux d’entre eux qui ont été licenciés. Les
problèmes d’arriérés de salaires des fonctionnaires
qui remontent à 8 mois a tout aussi été l’un des points
focaux de nos rencontres avec les travailleurs.

En conclusion, la délégation
constate que malgré certains signes de bonne volonté manifestés
auparavant par le Ministre de l’emploi et de la solidarité nationale,
les promesses diverses et les engagements pris sont loin d’être tenus
par le gouvernement en vue de la normalisation de la situation syndicale
en République de Djibouti.

Elle constate par ailleurs
que l’expression de toute opinion contraire à celle du pouvoir en
place constitue un crime de lèse-majesté et les personnes
identifiées comme telles prises pour les opposants au régime
et exclues de toute participation à la vie publique. Elles sont l’objet
de répression, sont contraintes au harcèlement quotidien et
à survivre sans ressources.

Les activités
syndicales sont très largement entravées par l’ingérence
intolérable du gouvernement dans leurs affaires et la peur généralisée
qui empêche la plupart des travailleurs de militer librement.

En raison de la fuite
en avant régulière du gouvernement, la délégation
recommande l’examen au fond des cas 1851,1922 et 2042 et exiger l’application
des recommandations y afférentes.

Elle souligne également
la nécessité d’utiliser l’ensemble des mécanismes juridiques
internationaux ainsi que toute autre forme de pression pour amener le gouvernement
de Djibouti à respecter ses engagements et à appliquer scrupuleusement
les conventions 87 et 98 de l’OIT qu’il a librement ratifié. « 


Fait à Djibouti, le 13 mars 2001.


Pour le BIT ………………………………………………Pour
la CISL/ORAF
Zakari IBRAHIMA ………………………………………Louis
SOMBES