12/07/07 (B403) En exclusivité sur le site de l’ARDHD, une interview de Mohamed Saleh Alhoumekani, qui répond à l’entretien que Guelleh a donné au Journal Le Monde.

ARDHD :
Monsieur Alhoumekani, nous vous remercions d’abord de nous avoir accordé cet entretien. Dans l’inteview qu’il a accordé le 6 juillet 2007 au Journal Le Monde, le Président Guelleh vous met en cause "(..)un officier, déserteur, qui, pour obtenir l’asile politique, raconte n’importe quoi(…)". Qu’avez-vous à lui répondre ?

Mohamed Saleh Alhoumekani :
Avant de répondre à cette question, j’aimerais vous faire remarquer un point très important. Jusqu’à présent, Ismaël Omar Guelleh ne s’exprimait jamais directement dans le cadre de cette affaire. Il laissait le soin au Procureur Djama Souleiman de le faire à sa place. Aujourd’hui, c’est lui-même qui monte personnellement au créneau.

C’est d’abord probablement, le signe de la disgrâce de Djama Souleiman qui est certainement accusé de n’avoir pas su gérer les développements de l’affaire Borrel, dans le sens souhaité par Guelleh.

Mais c’est surtout le signe que Guelleh prend désormais l’affaire très au sérieux et qu’il sait que les conséquences vont être catastrophiques pour lui.

ARDHD :
Revenons aux accusations du Président Guelleh à votre encontre, même s’il ne vous nomme pas.

MSA :
Comme vous le savez, j’ai été victime de harcèlement et de plusieurs tentatives de subornation, ce qui a motivé la plainte que j’ai déposée avec Monsieur Ali Iftin contre Djama Souleiman, Hassan Saïd et Maître Martinet.

Aujourd’hui, plus personne ne pourrait croire que je suis un militaire déserteur … racontant n’importe quoi. N’oubliez pas que je dirigeais la Sécurité du Palais présidentiel. On ne confie pas ce type de responsabilité à un individu considéré comme instable ou peu fiable ….

Ensuite et c’est le point important, j’ai fait une demande d’asile auprès des autorités belges en 1998. Mon statut a été accepté en 2001 et j’ai été naturalisé citoyen belge en 2004. J’aurais pu obtenir de droit la reconnaissance de la nationalité française par la filiation avec mon père, mais j’ai préféré éviter de m’installer en France, sachant les relations particulières et étroites qu’il y avait entre le Cabinet de Monsieur Chirac et la Présidence. Ces liens font aujourd’hui l’objet de nombreuses révélations dans la presse ….

J’ai préféré m’installer en Belgique et j’ai témoigné devant la Justice belge en Octobre 99. La justice française m’a entendu en Janvier 2000.

On voit clairement que je n’ai pas témoigné pour obtenir un quelconque avantage. Je dirais même que mon témoignage aurait pu avoir l’effet inverse. En effet, si la Belgique n’est pas concernée par l’Affaire Borrel, Mme Moracchini, juge d’instruction française, aurait certainement préféré oublier mon témoignage : pour seule preuve, les pressions qu’elle a tenté d’exercer à mon encontre et qui ont été rendues publiques. A l’époque mon témoignage était un point négatif pour l’acceptation de ma demande de régularisation …

ARDHD :
Ce point capital nous semble être éclairci. Mais sur quelles bases avez-vous obtenu la reconnaissance du droit d’asile en Belgique ?

MSA :
Les autorités belges savent ce qui se passe effectivement en République de Djibouti et les traitements qui sont réservés à tous ceux qui s’opposent à la dictature, à l’asservissement de la population et à la ruine économique du pays : torture, emprisonnements arbitraires, procès montés de toutes pièces, exécutions extra-judiciaires, menaces sur les familles, etc.

Le pourcentage de la population d’origine djiboutienne qui a émigré est impressionnant.

A qui la faute ?

Aux méthodes dictatoriales qui sont initiées par Guelleh et qui sont reprises par le petit noyau dur des "obligés" qui l’entourent et qui profitent en retour de multiples avantages personnels. Ce sont les "intouchables". Ils peuvent tout se permettre en toute impunité. Dilapidation du trésor et des comptes des grandes entreprises (EDD, Port, …), spoliation de leurs compatriotes, extorsion de fonds et trafics en tout genre …

Sauf à appartenir à cette caste ou à accepter de servir avec zèle la dictature, un jeune n’a aucun avenir à Djibouti, même s’il a fait des études. Le taux de chômage est l’un parmi les plus élevés du monde …

Alors les Djiboutiens de souche sont contraints, quand ils en ont encore les moyens, à l’étranger.

ARDHD :
Comment voyez-vous l’avenir de Djibouti ?

MSA :
Djibouti n’a aucun avenir, tant que Guelleh sera en place. La première chose est d’obtenir son départ, ce qui ne devrait pas tarder …

ARDHD :
Comment pouvez-vous être aussi catégorique ? Quels éléments vous permettent d’annoncer cela ?

MSA :
Le vent a tourné dans l’affaire Borrel. Les rebondissements se succèdent. Bientôt à un rythme plus accéléré encore . A mon avis Guelleh n’a plus le soutien de la Présidence française ni de sa diplomatie. La recherche des responsabilités pénales est en marche et Guelleh finira par être désigné pour son rôle effectif …. Sa position deviendra intenable et indéfendable, d’autant plus que d’autres affaires vont sortir dans les prochaines semaines …

ARDHD :
Quelles affaires ?

MSA :
Il est trop tôt pour vous donner des précisions, mais on pourrait imaginer par exemple, des liens avec des organisations terroristes qui sont combattues par les Américains, des trafics d’armes, d’alcool ou de stupéfiants, un trafic d’enfants somaliens et d’autres choses. Mais ce ne sont que des hypothèse à l’heure où je vous parle.

ARDHD :
Comment voyez-vous l’avenir ? Vous nous avez répondu de façon incomplète …

MSA :
Je vous l’ai dit, l’avenir passe par le départ de Guelleh. Ou bien il aura la sagesse de comprendre que c’est fini pour lui et qu’il faut abandonner le poste en rendant aux Djiboutiens tout ce qu’il leur a volé. Ou bien, il sera démis par une action judiciaire et il devra répondre de ses actes devant des tribunaux indépendants …

Par ailleurs, je vous livre un scoop. Grâce au réseau qui a été constitué avec tous les sympathisants du GED, dont je suis le porte-parole, nous avons pu réunir des documents qui compromettent Guelleh et son régime. Ces documents ont été remis à l’U.E., à de nombreuses chancelleries et à des reponsables internationaux…

ARDHD :
Vous voulez dire que Guelleh pourrait ne plus être soutenu par une partie de la communauté internationale ?

MSA :
C’est exactement cela. Les jours de son régime sont comptés. Je le répète, pour lui, la seule issue est de quitter le pouvoir et de rendre le produit de ses malversations. Sinon, il y sera contraint.

Après son départ, en tant que membres du Gouvernement en Exil, nous prendrons nos responsabilités avec le concours de tous les opposants qui voudront se joindre à nous pour participer à la reconstruction du pays, aux rétablissements des valeurs républicaines et à l’instauration d’un Etat de droit.