05/08/07 (B407) LA DEPECHE DU MIDI / TOULOUSE. LE SECRET DÉFENSE SERAIT PARTIELLEMENT LEVÉ. LA JUSTICE VA DISPOSER DE DOCUMENTS NOUVEAUX DANS L’ENQUÊTE SUR L’ASSASSINAT DU JUGE EN 1995.

Affaire Borrel : un pas vers la vérité ?

Des documents classés secret défense vont être déclassifiés. Et l’on va peut-être en savoir un peu plus sur l’assassinat du juge Bernard Borrel, commis en 1995 à Djibouti. Le 19 juin dernier, la veuve du juge, la magistrate toulousaine Élisabeth Borrel, avait été reçue à l’Élysée, et elle avait demandé à Nicolas Sarkozy la déclassification de documents datant de 1994 à 1997 sur cette affaire.

Hier, le Journal officiel a publié l’avis de la Commission consultative du secret de la défense (CCSDN) qui émet un avis favorable à la déclassification de documents dans cette affaire. Cet avis concerne « les journaux de marches et des opérations » :

– de l’état-major des forces françaises stationnées à Djibouti du 1er juillet au 31 décembre 1995,

– de l’escadron de chasse 04/033 Vexin pour l’année 1995,

– de l’ETOM (escadron de transport outre-mer) 000088 Larzac pour l’année 1995 concernant le transport militaire aérien,

– du détachement air 188 Djibouti, année 1995.

Au total, près de deux cents pages de documents qui pourraient permettre d’éclairer les circonstances de la découverte du corps de Bernard Borrel. Le cadavre, en partie carbonisé, avait été trouvé en contrebas d’un ravin, à 80 km de Djibouti. « Nous ne savons même pas à l’heure actuelle comment les autorités françaises avaient été prévenues de la mort de mon mari », souligne Élisabeth Borrel.

Il revient maintenant au ministre de la Défense de suivre ou non l’avis de la CCSDN. Hervé Morin devait déclassifier les documents. Avant d’entrer au gouvernement, en tant que député UDF, il avait signé un appel pour que « la lumière soit faite » sur l’assassinat du juge toulousain.

Élisabeth Borrel, hier, n’a pas souhaité commenter l’avis de la commission du secret de la défense : « Il faut attendre de pouvoir lire les documents ».

La veuve du juge assassiné avait réclamé la déclassification des notes classées secret défense de 1994 à 1997. Il est à noter que seuls les documents relatifs à l’activité des troupes françaises à Djibouti en 1995 ont fait l’objet de l’avis de la CCSDN.

PRESSIONS POLITIQUES

Le dossier de la mort du juge Borrel est actuellement instruit par la juge parisienne Sophie Clément. Parallèlement à cette instruction, deux autres magistrates parisiennes, Fabienne Pous et Michèle Ganascia, enquêtent sur d’éventuelles pressions politiques sur la justice dans ce dossier.

Rappelons qu’après la mort de Bernard Borrel, une première enquête à Djibouti avait conclu au suicide. Après l’ouverture d’une instruction à Toulouse, une autopsie avait montré que le corps du magistrat avait été brûlé après sa mort. Élisabeth Borrel avait alors déposé plainte pour assassinat.

En 2000, un ancien officier de la garde présidentielle djiboutienne mettait en cause l’actuel président de la République du pays, Ismaël Omar Guelleh, comme étant le possible commanditaire du meurtre du juge.

La France, qui entretient à Djibouti sa principale base militaire en Afrique, est très embarrassée par l’affaire Borrel. Paris n’a plus le monopole de la présence militaire sur son ancienne colonie puisque les Américains s’y sont installés.

Mais le président Guelleh est bien accueilli lorsqu’il se rend à Paris, comme ce fut le cas encore le 30 mai dernier. Protégé par son immunité parlementaire, il n’a pas eu à répondre aux questions de la juge Sophie Clément.

La raison d’État, jusqu’à présent, a prévalu sur l’enquête judiciaire.